Le grand cahier… par Sarah Lachance

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La jeune metteure en scène Catherine Vidal nous présente Le grand cahier, une pièce faisant l’objet de l’adaptation théâtrale d’un des grands romans de la trilogie d’Agota Kristof, célèbre écrivaine. C’est avec Renaud Lacelle-Bourdon et Olivier Morin que la vie de deux jumeaux inséparables l’un de l’autre prend forme. Cependant, il faut parfois prendre conscience que chacun de nous doit prendre un chemin différent.

Cette pièce présente au public l’histoire de deux jumeaux dont on ignore totalement l’âge et de leur vie pendant la Guerre. Leur mère n’ayant pas les moyens de s’occuper d’eux, étant donné leurs conditions de vie, les confie aux soins de leur grand-mère, une vieille femme avare et sans pitié. Cette dernière, complètement insensible, leur fait effectuer différentes tâches pour s’occuper de leur demeure. Pas très appréciés des autres habitants du village, les deux jumeaux se préparent, à l’aide d’un entraînement pas tout à fait comme les autres. Ils effectuent une série de différents exercices pour devenir insensibles face aux autres. Ils commencent par les exercices physiques, enchaînent avec les exercices mentaux, ils mettent en pratique le chantage, etc. Tout est bon pour parvenir à faire ce qu’ils désirent, que ce soit pour obtenir de la nourriture ou encore une simple feuille de papier et un crayon. Comme on le dit, la fin justifie les moyens. Mais ce qui est le plus important c’est que chaque exercice est bien noté à l’intérieur du grand cahier.

Le grand cahier est une pièce qui transgresse les normes du théâtre conventionnel. Dès les premiers instants où l’on entre dans la salle, les comédiens sont déjà en place sur scène et semblent ne pas avoir conscience de ce qui se passe autour d’eux. Ils s’amusent avec un genre d’anneau qu’ils se lancent tour à tour. Plus le temps avance plus on commence à se sentir mal de parler au cas où cela pourrait déjà être commencé sans qu’on le sache, mais les lumières dans la salle sont toujours bel et bien allumées. Puis, une fois que les lumières s’éteignent enfin les comédiens débarquent de la scène, parcourent les allées principales et ouvrent et ferment chacune des issues de secours. Maintenant une fois que nous sommes enfermés avec eux, l’histoire commence. On fait alors totalement abstraction du quatrième mur, qui permet de distancier les comédiens des spectateurs pour faire la différence entre le théâtre et la réalité. L’absence de ce mur vient créer un effet de catharsis avec le public. Les comédiens s’adressent directement aux gens dans la salle pour leur raconter leur histoire ce qui crée une certaine familiarité entre le public lui-même et les acteurs. L’auditoire peut alors parvenir à se mettre à la place des comédiens d’où la catharsis. Par exemple, l’une des scènes se joue dans l’obscurité la plus totale et on ne fait qu’entendre les plaintes et les cris de douleurs de chacun des comédiens. À chaque fois qu’on les entend, on ne peut s’empêcher de grimacer en imaginant l’insupportable douleur qu’ils sont en train de subir tour à tour. Aussi, la remarquable synchronisation des deux personnages nous fait penser à un genre de chorégraphie tellement chaque mouvement est distinct et précis. C’est à tour de rôle que chacun d’eux exécutent les différents personnages qu’ils rencontrent au cours de leur vie en passant de leur vieille grand-mère avare et ingrate au curé qui semble si bon et si bienveillant, mais qui ne l’est pas finalement…

Ce qui est beau à voir, c’est qu’il n’y a rien qui ne puisse les séparer, même la narration s’effectue au « nous » (nous avons  fait les tâches demandées par grand-mère, nous avons été là, nous avons fait ceci, etc.). Toutefois, ce qui est surprenant, c’est que cette pièce fait ressortir plusieurs sujets qui sont généralement traités très au sérieux tels que la zoophilie, la pédophile et même le viol. Tous sont exposés avec naïveté voir avec banalité. On nous les montre comme si l’on était un enfant, pour nous faire comprendre qu’il ne se passe jamais rien de grave dans leur tête, tout est simple et parfait. Puis, pour rajouter un défi supplémentaire à leur remarquable capacité de jeu, à un certain moment dans la pièce, les deux interprètes se retrouvent à jouer la tête en bas. Une tâche assez complexe et exigeante ce qui fait d’eux d’excellents comédiens. Plus l’histoire avance, plus on est apte à se faire un « film » dans notre tête puisque la description des évènements se fait de manière très précise. Chaque petit détail a été bien pensé jusqu’aux accessoires, par exemple, pour représenter leur grand-mère, les deux jumeaux se sont servis d’une pomme de terre plantée sur un bout de bois et enroulée d’un minuscule bout de tissu pour signifier un foulard sur sa tête. Cette image est en fait la représentation de la misère et de la pauvreté subies en temps de guerre. Le grand cahier représente une pièce remarquable avec d’excellents interprètes à son actif. Tous les deux gagnent à être connus auprès d’un plus grand public.

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