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Qu’arrive-t-il à un pianiste de renom lorsque celui-ci est confronté malgré lui à étudier le chant avec un vieux professeur douteux? De toute évidence, la colère et l’incompréhension de la situation risquent d’orienter la relation entre le professeur et l’étudiant vers une atmosphère conflictuelle constante. D’ailleurs, dans Une musique inquiétante, pièce écrite par Jon Marans et mise en scène par Martin Faucher, l’opposition entre les deux personnages se ponctue par la conception contrastante qu’ont le professeur Mashkan (Jean Marchand) et le jeune pianiste Stephan (Émile Proulx-Cloutier) pour la musique. C’est là, dans un univers musical et un décor digne des grandes universités européennes, que se développe le récit de deux hommes complètement différents unis de force par le grand professeur Schiller, dans une Vienne des années 1986.
De toute évidence, les deux acteurs ont soumis au public un jeu des plus impressionnants qui mettait en valeur le réalisme frappant de la pièce. Leurs accents européens et allemands étaient justes et ont été conservés de manière irréprochable pendant toute la durée de la représentation. Sans compter les changements soudains d’émotions très «staccato» qui ont fait réagir la salle d’étonnement quant aux comportements impulsifs des personnages et plus particulièrement de ceux de Stephan. Quant à Mashkan, plus réservé, il présente au public une personnalité plus calme, mais à l’apparence « mezzo forte » due aux traces de son passé qui lui causent une misère psychologique apparente et accentuée par un tempérament musical fervent. Bref, le jeu des acteurs était agréablement surprenant par son authenticité saisissante.
Par ailleurs, la musique prend une place très importante dans cette pièce et cela a été une agréable surprise de constater que le talent d’acteur qu’ont les deux hommes est comparable, même équivalent à leur maîtrise du piano. En effet, l’histoire des deux musiciens est rythmée et accompagnée par le Dichterliebe de Schumann que Jean Marchand et Émile Proulx-Cloutier se font une joie de jouer pour le pur plaisir de nos oreilles. La mélodie est incroyablement mise en place de manière à véhiculer les émotions que ressentent les personnages et enseigne aux spectateurs le procédé fondamental de la création d’une œuvre musicale, c’est-à-dire l’alliance du bonheur et de la souffrance. Il est à noter aussi le jeu remarquable d’Émile Proulx-Cloutier et Jean Marchand qui ont su interpréter avec humilité leur rôle de musicien. Ils n’ont pas eu peur de jouer quelques fausses notes au piano ou de chanter de manière plus ou moins mélodieuse. C’est une performance remarquable qui rajoute une touche de réalisme de plus à la pièce.
Finalement, le metteur en scène, Martin Faucher, aura su admirablement mettre en forme une pièce où la musique a le monopole sur les dialogues. Pas besoin d’avoir une oreille musicale pour comprendre que la musique n’est pas toujours inquiétante dans cette pièce. Elle est la maîtresse d’un apprentissage important dans la vie des personnages et s’avère être le point névralgique d’une œuvre qui pourrait se passer de paroles tant les notes du piano envahissent l’air ainsi que la salle et canalisent la riche poésie des dialogues.
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Entièrement d’accord avec cette critique très juste. J’ajouterais que le texte de la pièce est non seulement poétique mais aussi empreint de sagesse philosophique… Quelle belle et bonne soirée de théâtre, de musique!