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Écoutez «Sardine» lu par l’auteure: Sardine
L’Ogre Agresseur
L’ogre à l’œil vicieux
À la bouche gloutonne
Il approche les cieux
Et eux le pandémonium
Encagés, emmurés
Par la peur, par l’emprise
Du Prince de la cruauté
Du Roi de la gourmandise
Leurs corps ecchymosés
Témoins de la violence
Leurs esprits paralysés
Noyés dans une transe
Grognant et grinçant
Grotesque ogre se gratte la panse
Repu, se berçant
Il éclate d’un rire las, car à son repas il repense
Monstre saboteur
Il les décapite de leur avenir
Fier sans-cœur
Il faut le punir
Escamoteur sans limite
Il les guillotine de leur confiance
Lui, habillé par le démérite
Eux, habités par la méfiance
Le géant croqueur d’enfants
Il les découronne de leurs rêves
Sans leur consentement
Il les achève
Sans un mot
Sans regret
Il quitte ses martyrs au repos
Les contraignant au silence, pour toujours et à jamais
Sardine
(Écoutez le poème lu par son auteure ici: Sardine)
Née de l’écume marine
Prisonnière des flots
Sur une grève se languit
Une fille à la peau de nacre
Chalutier sans fortune
Aperçois le galbe d’un sein, l’arc d’un dos
Qui appellent à l’étreinte
D’un amour naïf
L’affriolante créature
Offre à son spectateur
La vue de ses hanches rebondies
Qui réclament sa compagnie
Aguicheuse dame des eaux
Comme une alarme de beauté
Son corps crie ses courbes
Ses yeux noient celui qui s’y plonge
Allumeuse des profondeurs
Elle hypnotise par sa grâce
Elle ensorcèle par sa voix
Elle envoûte par son charme
Tentatrice affamée
Elle s’amuse à tes dépends
Elle se rit de ton amour
Elle se joue de toi
Dévoreuse d’homme
Mante religieuse
Sanguinaire immorale
Croqueuse de piété
Séductrice sirène
Siffle sa sérénade
Au marin miséreux
Qui se meurt de mourir
Navigateur en eaux troubles
Tu te laisses charmer
Par l’enjôleuse femme-poisson
Corruptrice de pêcheurs
Tu tombes dans ses filets
Et t’emmêles dans les tiens
Langue Fourchue
Les imprudents, les intrépides
Les braves et téméraires
En quête d’un monstre terrifiant
D’une créature aussi perverse que laide
Sale langue de vipère
Elle siffle ses sarcasmes
Du haut de son arrogance
Veillant d’un œil mauvais
Elle vit dans sa citadelle sans fenêtre
Une forteresse solitaire
Un palais de marbres
Un musée de statues
Chevelure ondoyante
Têtes de serpents
Son scalp sans pitié
Pétrifiait les audacieux
Dans un coin reculé du pays
Au fond d’un boisé sinistre
Au relief hasardeux
Subsistait une bien humble chaumière
Cette maisonnette miteuse
À la cheminée fumante
Était le modeste logis
D’une femme détestée de tous
Une vielle dame sans le sous
Pour acheter ni brosse ni ciseaux
Ainsi en permanence ses cheveux, sur sa tête dressés
Dans son hirsute crinière des serpents semblaient danser
Elle fuyait médisance
Elle craignait persiflage
Elle redoutait chaque jour
L’arrivée de la fin
Dans son abri délabré
Elle se pliait sur la paille
Aux côtés des dernières braises
Qui rougissaient dans le poêle
Loin des rumeurs de la ville
Elle s’assoupit sur le sol froid
Dans ses grands jupons de toile
Sous la charpente d’un toit inachevé
Dans sa demeure en ruine
Elle ne vivait pas seule
Son visiteur était saisonnier
Elle cohabitait avec l’Hiver
Elle pensait bien le connaître
Pourtant elle n’aurait jamais dû lui faire confiance
Il arriva par un matin glacial
Il la prit par surprise
Le chuintement du vent entre les planches pourries
Masqua le bruit de sa dernière plainte
Son corps cessa brusquement ses tremblements désordonnés
Car l’Hiver l’avait assassinée
Le Bûcher
Je connais un oiseau rouge
Aux plumes flamboyantes
Au tempérament enflammé
Aux étincelles dans les yeux
Je connais un oiseau rouge
Avec un courage ardent
Avec une brûlante rage de vivre
Mais avec un vice qui le consume
Une douleur infernale
Comme une fumée qui l’étouffe
Qui le cloue au sol
Qui le tue à petits feux
Majestueux phénix
Ses ailes sont incendiées
Sur le bûcher, sa liberté s’embrase
On entend le crépitement de rêves qui s’écrasent
Un souffle caniculaire le dérobe à la vie
Tout son être vole en éclats
En un instant, il s’incinère
Combustion spontanée
Sa parure maintenant poussière
Sur le sol s’attise
De ses cendres renaît
L’oiseau rouge que je connaissais
Je
Je suis impulsive
Je dis
Je parle
Je crie
Je suis chaotique
Je pleurs
Je ris
J’ai peur
Je suis une tortue
Je porte ma maison sur mon dos
Elle est lourde sur mes épaules
Elle écrase mes os
L’étendue de la perte
La perte de mes sens
Mes sens qui se bloquent
Blocage
Une cage
Barrée à double tour
J’ai caché les clés
Le gardien est sourd
Je suis gardienne, je suis prisonnière
Je suis enfermée dans moi-même
J’aboie ma peine
Car j’ai mordu la main qui m’a nourrie
J’ai été humiliée
Par ma stupidité
J’ai été empoisonnée
Par ma bêtise
Je ne mens pas
J’omets
Je n’oublie pas
Je choisis d’ignorer
J’ai une plaie ouverte
Une cicatrice laide
Qui ne guérit pas
Qui s’étend sous ma chair
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Tu écris tellement bien Lysandre. Ton écriture est très expressive ! J’apprécie plus particulièrement ton poème *Je* , car il est très personnel et qu »il doit avoir été quand même difficile à écrire.
J’adore chacun de tes textes! Ils donnent tous une impression différente et sont remplis d’images, on croirait voir un film dérouler sous nos yeux! Les figures de style sont très bien utilisées et l’ambiance pour chaque poème nous fait rêver. Ne gaspille pas tes talents, Lysandre! Je t’incite à continuer là-dedans!