Rebeka

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– Dulac, Jones, dans mon bureau!

Rachel et son coéquipier Mark se regardèrent un instant avant de se diriger vers le bureau de leur patron, abandonnant le dossier sur lequel ils travaillaient sur leur plan de travail. Il valait toujours mieux ne pas faire attendre  Jordan Gretsky. Ses colères étaient connues pour retentir dans tout l’immeuble du commissariat.

-J’ai une affaire pour vous. Et ça urge, leur dit Gretsky en les voyant entrer.

Rachel et Mark s’assirent sur un geste de leur patron et attendirent la suite. Rachel Jones, jeune femme de 27 ans, était entrée dans la police trois ans plus tôt, réalisant ainsi son rêve d’enfant. Rousse et élancée, elle attirait les regards sur son passage et donnait l’impression d’être fragile tant elle était menue. Cela c’était souvent révélé être un avantage pour Rachel lors d’arrestations, sa force prenant les criminels au dépourvu. Mark Dulac, au contraire, était plutôt du genre costaud. Grand, épaules larges et musclées, regard imposant, il n’était pas du genre à se laisser piler sur les pieds. De tempérament colérique, il savait se faire respecter mais avait parfois du mal à garder son calme. De caractère plus flegmatique, Rachel parvenait sans mal à contenir les colères de Mark et à le raisonner lorsque nécessaire. Leur duo était l’un des plus efficaces du service et Gretsky en était satisfait.

-On a une affaire de meurtre sur les bras, leur expliqua Gretsky. Une femme. Blanche, début vingtaine. Poignardée à trois reprises. Des voisins ont entendus du grabuge et ont voulu l’aider mais il était trop tard quand ils ont réussi à forcer la porte.

Il leur tendit un porte document contenant les clichés de la scène de crime et le rapport du médecin légiste. Avant que Mark n’ait eu temps de l’ouvrir, Gretsky sortit l’une des photos et regarda Rachel.

-Ce n’est pas pour rien que je vous confie cette affaire à tous les deux. Apparemment, le meurtrier vous connaît, Jones, dit-il en lui remettant le cliché avec un regard impassible.

Rachel le prit et baissa les yeux pour l’étudier. Il représentait un mur sur lequel un message avait été écrit avec ce qui semblait être le sang de la victime. Plissant les yeux pour parvenir à lire, elle pâlit quand elle finit de lire.

-Bordel! Mais qu’est-ce que c’est que ça? s’exclama Mark en lisant par-dessus son épaule.

Le meurtrier s’était adressé directement à elle : «Rachel Jones, tu m’as oubliée? Rdv demain chez Tony à 20 h. On va s’amuser, promis.» Avec une moue de dégoût, Rachel remit le cliché dans le porte document et releva la tête.

-Jones? Des explications?

Rachel secoua la tête, choquée.

-Et Tony? Qui c’est? demanda Mark.

-Mon frère, dit la jeune femme avant de sortir le rapport du légiste et de lire le nom de la victime en espérant avoir tort. Et elle, c’était ma demi-sœur, ajouta-t-elle en pointant le document. Joliane Giguère. Premier mariage de ma mère. Elle a vécu avec son père. Je ne l’ai pas vraiment connue.

-Alors ce serait une vengeance personnelle contre ta famille, supposa Mark. Que sait-on du tueur?

-Selon le légiste, ce serait plutôt une tueuse, dit Gretsky.

-Une femme? s’étonna Rachel. Mais une telle violence et un tel bain de sang ne sont pas typiques des femmes! Elles préfèrent les armes tuant à distance comme les armes à feu et le poison.

-Je sais, Jones, mais le légiste est formel : selon la profondeur des plaies, c’est une femme. Droitière. Et sa victime a lutté pour sa vie. La tueuse s’est sûrement pris un coup. Le message disait demain et ça, c’est aujourd’hui. Vous allez chez votre frère et vous vous planquez pour mettre la main au collet de cette fille. Je la veux sous les barreaux demain. Exécution!

Les deux policiers se levèrent et retournèrent à leur poste de travail et épluchèrent le dossier en attendant le moment fatidique. À 18 h, ils quittèrent le commissariat et allèrent manger dans un casse-croûte avant de se mettre en route pour aller au domicile de Tony. Ils se garèrent en face de la maison, de l’autre côté de la rue, et attendirent. À 20 h, toujours rien. À 20 h 17, la porte s’ouvrit et Tony se dirigea directement vers eux.

-Je m’en charge, dit Rachel avant de sortir à la rencontre de son frère.

Mark la vit entrer avec lui et attendit environ cinq minutes qu’elle ressorte. Quand elle revint, elle lui expliqua avoir dit à son frère, incapable de lui avouer la vérité, qu’ils avaient eu des coups de fils concernant un rôdeur dans le quartier et qu’ils étaient là pour vérifier. Passé minuit, ils décidèrent de rebrousser chemin, rien n’étant venu troubler le calme de la nuit.

Le lendemain, Gretsky les fit entrer dans son bureau et leur demanda leur rapport. Pendant qu’ils expliquaient qu’ils n’avaient rien vu ou entendu de suspect tout au long de leur planque, le téléphone sonna et Gretsky décrocha sèchement. Son regard se posa sur Rachel un instant pendant qu’il écoutait son interlocuteur. Il raccrocha en soupirant.

-Jones, dehors. Rentrez chez vous.

-Quoi? Mais je dois m’assurer qu’il n’arrive rien à…

-Votre frère, Jones. Votre frère a été retrouvé mort avec sa famille plus tôt cet après-midi, dit-il doucement. Toutes mes sympathies.

Rachel écarquilla les yeux et sentit son cœur s’arrêter un instant et se serrer.

-Mais…c’est impossible. Ils allaient tous bien quand je les ai laissés, dit-elle d’une voix étranglée. Comment…?

-Même schéma que la première victime. Le légiste a évalué la mort dans les environs de 22 h, à plus ou moins deux heures. La vitre de la porte arrière a été brisée et l’alarme désactivée.

-Mais on a rien vu ou entendu!

-Je sais, Dulac. Il a dû croire à un acte de vandalisme et a désactivé l’alarme avant d’être agressé.

-Un message? demanda Rachel d’une voix tremblante d’émotions contenues.

-Signé Rebeka. Elle vise vos parents cette fois. Allez chez eux et laissez Dulac s’occuper de l’affaire.

Rachel, tiqua légèrement, hocha la tête sans protester et sortit rassembler ses affaires avant de quitter l’immeuble. Elle garda les yeux secs pendant tout le trajet jusqu’à la maison de ses parents et ne se laissa aller à pleurer que lorsqu’elle fut avec eux. Ils se consolèrent tous les uns les autres, pleurant tout leur soûl et Rachel alla dormir un peu dans la chambre d’amis, épuisée, pendant que sa mère préparait à manger et que son père ronflait devant la télé.

Rachel se réveilla en sursaut une heure plus tard, une vive douleur lui mangeant le côté droit. Elle baissa les yeux vers son flanc et se glaça d’effroi. Elle avait été poignardée. Paniquée, elle trouva son téléphone portable et appela Dulac tout en cherchant son arme et en s’assurant que son agresseur n’était pas dans la pièce. Son coéquipier ne répondant pas, elle laissa un message et appela les secours avant de se diriger vers la cuisine, pressant sa blessure d’une main et tenant son arme de l’autre. Arrivée sur le pas de la porte son estomac se retourna et Rachel se pencha pour vomir, sa blessure sérieusement malmenée par ses haut-le-cœur ; ses parents, le regard vide, baignaient dans leur sang sur le carrelage froid. Incapable de rester plus longtemps dans cette maison, elle sortit et laissa les lieux à l’auto patrouille qui arrivait. Leur montrant sa plaque, elle dit aux policiers qu’elle rentrait chez elle et leur demanda de prévenir Dulac lorsqu’il arriverait.

Une dizaine de minutes plus tard, Mark arriva sur les lieux et chercha sa coéquipière. Un policier vint à sa rencontre et lui transmis le message de Rachel. Il lui demanda si une inscription avait été laissée sur un mur par la tueuse.

-Oui, dit le policier en sortant un carnet. «Tu ne trouves pas qu’on s’amuse bien, Rachel? Si douée… On se voit chez toi pour terminer en beauté.» Signé, ta plus proche amie, Rebeka.

-Merde, Jones!

Mark courut vers la voiture de patrouille la plus proche, activa la sirène et démarra sur les chapeaux de roue. Roulant à toute vitesse, vers le domicile de Rachel, il pria pour arriver à temps tout en se maudissant. Il n’aurait pas dû la laisser aller seule chez ses parents! Elle n’avait sûrement pas vu le message avant de partir. Jurant sans discontinuer, il se gara sans faire attention, montant sur le trottoir, et courut vers l’appartement de Rachel. Trouvant la porte ouverte, il sortit son arme et entra silencieusement, observant les alentours. Il entendit un rire de femme et se retourna.

-Mark! Tu arrives à temps pour m’aider.

-Jones! s’exclama-t-il en reconnaissant sa coéquipière, perchée sur une chaise de la cuisine. Tu es blessée! Qu’est-ce que tu fous là? Rachel?

-L’abonnée que vous recherchez ne répond plus à ce numéro. Veuillez réessayer plus tard, gloussa Rachel.

-Bordel, Jones, à quoi tu joues?

-Rachel n’est plus là. Et elle ne reviendra plus jamais, chantonna la jeune femme en tendant les bras avant de passer la tête dans ce que Dulac reconnut comme un nœud coulant.

-Rebeka…comprit-t-il, sonné.

-Oui! Adieu, Dulac.

-Non!

Avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, Rebeka repoussa la chaise et se pendit. Pendant que Dulac jurait comme un charretier et essayait de la décrocher, elle étouffait en cherchant son air, mais il eut la nette impression qu’elle riait. Après encore quelques instants, elle cessa finalement de s’agiter. Morte. Criant de colère, Mark réussit à la décrocher et allongea le corps de Rachel au sol, ordonnant à un collègue qui venait d’arriver d’appeler une ambulance même s’il se doutait qu’il n’y avait plus rien à faire. Relevant la tête, il vit l’inscription que Rebeka avait écrite sur le mur avec le sang de Rachel : «Comme on se retrouve,  chère jumelle. On s’est bien amusées en rassemblant la famille. Maintenant nous serons toujours unies. Rebeka»

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