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La pièce de théâtre Le Journal d’Anne Frank, écrite par Éric Emmanuel-Schmitt et mise en scène par Lorraine Pintal, est inspirée du journal intime que tenait la jeune Anne Frank pendant la Seconde guerre mondiale. Toutefois, dans cette pièce, Éric Emmanuel-Schmitt a adapté Le Journal d’Anne Frank du point de vue du père de la jeune fille, Otto Frank (Paul Doucet). On voit donc l’homme à la gare, attendant le retour de sa femme et de ses filles, et le moment où il apprend leur mort, le laissant seul et dans un désespoir profond. Puis il découvre le journal intime de sa plus jeune fille, Anne (Mylène Saint-Sauveur), et s’y plonge, revivant la guerre selon sa fille.
L’histoire d’Anne Frank et de sa famille, ce qu’ils ont vécu, est connue, mais c’est à travers l’originalité du texte d’Emmanuel-Schmitt que le public la redécouvre dans Le Journal d’Anne Frank. Effectivement, en plus de rendre vivante cette part de l’histoire, Éric Emmanuel-Schmitt l’a réécrite du point de vue d’Otto Frank, y a ajouté ses tourments, sa douleur et son désespoir d’avoir perdu sa famille en entier, mais également sa réticence à entrer dans l’intimité de sa fille en se plongeant dans son journal et le certain réconfort que cette lecture lui apporte. De plus, à travers l’ambiance sombre et lourde de la guerre qui règne pendant le plus gros de la pièce, Emmanuel-Schmitt a su alléger l’atmosphère et faire rire le public avec l’humour de la jeune Anne Frank et les réactions souvent cocasses ou puériles d’Augusta Van Pels (Hélène Thibeault).
Le jeu des acteurs, criant de vérité, est certainement l’un des points fort du Journal d’Anne Frank. Pour ses premiers pas dans le monde du théâtre, Mylène Saint-Sauveur interprète à merveille le rôle de la jeune Anne, respire la même sincérité et la même confiance en la bonté des gens que son rôle exigeait. Elle parvient, malgré sa nervosité et son manque d’expérience, à exprimer les émotions et l’humour de son personnage avec autant de réalisme que ses coéquipiers. Paul Doucet est également la parfaite incarnation de son personnage. Facilement, le public croit en sa tristesse, en sa détresse mais aussi en sa joie de savoir que, malgré la laideur de ce qu’ils vivaient pendant la guerre, Anne avait toujours foi en l’humanité et en l’avenir. La justesse du jeu de Mylène Saint-Sauveur, de Paul Doucet et des autres comédiens permet au public de réellement se plonger dans l’histoire et de ressentir pleinement les émotions des personnages.
Un autre point qui est fort intéressant du côté de la mise en scène, c’est le décor. En effet, à l’aide d’une structure, la production a fait en sorte qu’il y ait une scène sur la scène. Ceci facilite la compréhension puisque, lorsque les comédiens se trouvent sur la scène, le public sait que les événements se passent après la guerre alors que, lorsqu’ils sont sur la structure, les événements se passent pendant la guerre. À la fin de la pièce, même le dessous de cette structure est utilisé alors qu’Otto Frank énumère le parcours et la fin de chacun des personnages qui, après avoir été nommés, se dirigent sous la structure et s’agrippent au grillage, comme pour rappeler leur enfermement dans les camps de concentration. Sur la structure également, les panneaux coulissants permettaient au public de comprendre que les personnages se trouvaient dans des pièces différentes selon l’emplacement des panneaux.
Côté lumière et musique, Le Journal d’Anne Frank n’est pas en reste. En effet, la pièce exploite ses deux éléments à merveille et supporte le tout avec d’impressionnantes projections. La lumière et la musique, ou plutôt les effets sonores, jouent un rôle important tout au long de la pièce. Au début, alors qu’Otto attend le retour de ses filles, la lumière est plutôt tamisée, le seul éclairage provenant de la double projection de la gare accompagnée d’une musique rapide et cadencée, légèrement angoissante, et de bruits typiques d’une gare. Plus tard, la lumière est plus forte tandis qu’à un autre moment les comédiens s’éclairent seulement avec une bougie ou une lampe torche. À un certain moment, pendant un orage, des bruits de tonnerre suivent de brefs flashes de lumières, donnant un aspect très réaliste au tout. Des enregistrements vocaux sont également utilisés à quelques reprises, parfois seuls comme lorsque les personnages écoutent la radio à la recherche de bonnes nouvelles, ou avec des projections comme lors d’un discours nazi tenu par Hitler. Tout ceci mis ensemble permet une certaine distanciation face à la pièce tout en lui apportant encore une touche de véracité.
Finalement, la pièce de théâtre Le Journal d’Anne Frank, bien que relatant une histoire tristement célèbre, se démarque par son texte original introduisant le point de vue d’Otto Frank, mais aussi par l’excellent jeu des comédiens et l’utilisation d’une structure scénique intéressante permettant d’exploiter encore plus d’espace. L’utilisation de projections et d’enregistrements vocaux est également un ajout bienvenu permettant une meilleure fluidité dans le récit. Cette pièce est à voir au moins une fois, son originalité et son aspect technique améliorant grandement la pièce en la rendant plus dynamique en plus de rappeler à tous les événements de la guerre et tout ce que les Juifs ont dû endurer.
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