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Il est venu une époque où les mentalités changeaient vers quelque chose de plus ouvert, une époque où les femmes s’affranchissaient des rôles traditionnels. Le Québec s’ouvrait également au monde extérieur depuis l’expo 67. C’est dans ce contexte que se situe La valse des odieux , écrit par Sylvie-Catherine De Vailly en 2013, publié par la maison d’édition RECTO-VERSO, à Montréal . L’histoire prend place dans un village situé à soixante kilomètres de Montréal en 1968-1969. Elle raconte l’histoire d’un village dérangé par des incendies, des meurtres, des disparitions et des vols, qui recevra l’aide de la police, plus particulièrement de la première femme inspectrice au Québec, qui a affaire à beaucoup de sexisme. L’histoire est racontée sous deux narrateurs, soit un narrateur omniprésent et, le plus souvent, par une fillette de douze ans.
L’histoire est très bien racontée, intéressante et laisse le lecteur s’interroger. La fin était assez imprévisible, ce qui fait le charme dans un roman policier. Il s’agit d’une sorte de roman policier à l’anglaise, se passant au Québec dans une époque plus moderne. Le récit prenait son temps avant d’installer l’intrigue et y allait progressivement. D’abord un incendie, un vol, le meurtre d’un chien et cela allait en montant. L’histoire témoigne aussi d’un fort côté féministe, présent tout le long du roman. Jeanne Laberge, l’inspectrice, est vue comme quelqu’un de formidable par la moitié des personnages, et pour l’autre moitié comme une femme qui « ne connait pas sa place ». Elle a même brouillé tout contact avec son père. L’époque des révolutions sociales se fait donc énormément sentir. C’est sans compter que le roman nous emmène même jusqu’en Ontario et aux États-Unis, ce qui correspond bien à la période dans laquelle l’histoire se déroule. J’ai bien aimé l’histoire, elle était captivante du début à la fin.
Ce qui fait la force de l’histoire, ce sont ses personnages. Chacun est attachant et possède une histoire derrière lui. Le personnage m’ayant le plus marqué était la mère de Bernadette, la fillette narratrice. Sa fille ignorait d’où elle venait, mais on pouvait facilement le savoir en connaissant un minimum l’histoire. Sa mère avait immigré ici avec sa sœur de Pologne quand elle était enfant. On peut facilement conclure à la Shoah. Elle connaissait aussi plusieurs des détails concernant la femme disparue, Augustine, que personne d’autre sauf la cousine de celle-ci ne connaissait. Sa mère était le personnage le plus intriguant, même s’il n’était pas central. J’ai aussi adoré le personnage de l’inspectrice qui avait un tel caractère qui se fait rare dans les romans mettant en valeur des femmes. C’était elle qui dirigeait le tout. Aussi, d’autres personnages tels que le père de Bernadette, Bernadette elle-même et le jeune Théophile étaient aussi particuliers. Le père de Bernadette était l’homme le plus ouvert de tout le roman, encourageant les gens à aller où ils veulent dans la vie, peu importe leur sexe ou leur âge, Bernadette est curieuse et a beaucoup de personnalité et un bon sens de l’observation et Théophile représente une minorité d’hommes qui sont amoureux de leurs ainées. Théophile est en effet, un jeune de vingt-trois ans amoureux d’une dame de soixante-six ans. Les personnages sont donc diversifiés et totalement originaux.
Le style narratif de l’auteure a également contribué à donner des pistes au lecteur, à l’amuser. Alterner entre un narrateur omniprésent , et un narrateur subjectif, soit Bernadette , qui passe de témoin à personnage très important de l’histoire. Nous avons donc les trois types de narrateurs présents dans l’œuvre, dont un personnage servant de narrateur témoin et narrateur héros alternativement, et un narrateur omniscient, ce qui contribue grandement à la mise en place d’une intrigue certaine. Alterner entre les deux afin de fournir des pistes au lecteur ou bien le brouiller était une stratégie de l’auteure très bien conçue et très bien utilisée. Aussi, les chapitres étaient divisés à l’intérieur d’eux-mêmes, ce qui rendait la lecture plus facile à suivre quand le roman se balançait entre deux narrateurs. L’auteur utilisait le niveau de langue standard lors de la narration et le niveau familier, voire populaire lors des dialogues. Les mots étaient simples à comprendre, le roman se comprenait bien et se lisait très bien.
Personnellement, j’ai adoré ce roman et il se glisse facilement parmi ceux que j’ai trouvés les plus originaux. Mettre les trois types de narrateurs, dans un seul roman, je n’avais jamais vu cela auparavant. Aborder le point de vue d’une fillette de douze ans sur une série de crimes, j’ai rarement vu cela. Qu’une histoire de crimes clos à l’anglaise se passant au Québec mène les inspecteurs aux États-Unis alors qu’il est évident que le criminel est l’un des villageois, j’ai rarement vu cela. J’ai pu ressentir, cependant, une certaine influence , volontaire ou non, du roman d’Agatha Christie, Les vacances d’Hercule Poirot, surtout vers la fin. Le dénouement était pratiquement similaire aux vacances d’Hercule Poirot dans la façon dont le coupable a été trouvé et par l’identité de celui-ci. Néanmoins, il reste que l’ensemble du roman était très original et que je n’aurais jamais cru lire une histoire de meurtres et de pyromanes se passant en 1969 écrite à l’anglaise, se passant dans un village qui n’est pas si isolé, amenant les inspecteurs à l’extérieur du Québec et raconté par une fillette de douze ans servant à la fois de narrateur témoin et de narrateur héros et par un narrateur omniscient.
J’ai adoré la lecture de ce roman, que je recommande à tous les amateurs de romans policiers et aux féministes, aux personnes encourageant le progrès social et même au lecteur moyen, qui adorera lire ce roman, qui n’est pas trop compliqué à lire. C’est une lecture que je conseille fortement.
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