Partager
La vie d’un couple d’âge mûr n’est pas de tout repos. C’est ce dont parle la pièce Une vie pour deux écrite par Evelyne de la Chenelière et mise en scène par Alice Ronfard en 2012, puis reprise en 2013. La pièce raconte d’abord les vacances en Irlande d’un couple qui n’est plus très jeune et leur découverte du cadavre de Mary, une jeune femme morte noyée. Les deux histoires finiront par se fusionner et dévoiler ce qui se passe réellement. Les trois personnages principaux, Mary (Rachel Graton) , Simone (Violette Chauveau) et Jean (Jean-François Casabonne) interagissent entre eux dans un univers froid et brumeux, s’éloignant du réel.
L’ambiance de cette pièce est la première chose qui ressort quand celle-ci débute. Le tout y est froid, brumeux et flou. L’ambiance est très appropriée au ton de la pièce et collabore à le lui donner. La pièce se passant sur la rive, parlant de la mort, de la sénilité, des problèmes de couple et faisant parler un cadavre, il était essentiel que ce ton ressorte.
Le peu de musique présent dans la pièce ajoutait à l’ambiance glaciale de la pièce. Seul un grondement se faisait entendre, suivi de la marseillaise et de bruits d’oiseaux, cependant ce peu de musique était parfaitement adapté à la pièce, car il s’agissait d’une pièce majoritairement statique. Il y avait peu d’action, donc peu besoin de musique.
Le décor aussi aidait à mettre dans l’ambiance froide de l’histoire. Il s’agissait d’une table, servant de cercueil, de lit, de scène et de piédestal aux personnages. Il y avait un fond qui changeait de couleur en fonction du personnage mis de l’avant et du moment de la journée, de la fumée et des éclairages froids et peu variables. Le décor était très léger et majoritairement esthétique, ce qui ne laissait que les comédiens pour livrer le gros du spectacle.
Et quels comédiens! La meilleure partie de la pièce était sans doute ses artistes qui jouaient à la perfection. Les comédiens avaient un accent français, même s’ils étaient Québécois. Violette Chauveau a donné une prestation puissante dans son interprétation de Simone, femme vive et au tempérament explosif. Son jeu était sans doute le plus remarquable du lot, sa voix portait et elle réussissait à interpréter une maladie dégénérative de façon incroyable. Rachel Graton donnait aussi une prestation physique impressionnante dans le rôle de Mary. La comédienne restait immobile, bougeait lentement, même lorsqu’elle se couchait, ce qui est un exploit physique en soi. Elle parlait comme si de rien n’était malgré la difficulté des prouesses physiques qu’elle exécutait. Jean-François Casabonne interprétait bien le Jean plutôt naïf et distant de l’histoire, même s’il n’avait aucun grand défi à réaliser. Les dialogues étaient suffissamment puissants pour nous captiver. Les comédiens livraient un jeu impressionnant.
Ces dialogues étaient très poétiques. La morte parlait d’une façon très soutenue et distante, en faisant beaucoup de métaphores. Les figures de style sont très présentes dans les répliques des personnages. La description du cadavre était remplie de comparaisons donnant une image très crue parfois, et pouvait rappeler la charogne de Beaudelaire. Les monologues et les dialogues employaient beaucoup de répétitions, de métaphores, d’antithèses et de comparaisons.
Cependant, malgré le jeu incroyable des comédiens, l’histoire de la pièce restait floue et difficilement compréhensible. J’ai moyennement bien compris l’histoire, surtout la fin. Il a fallu que je prenne le temps de tout repenser avant d’en comprendre le minimum. À la fin, Simone semble être celle qui est sur le point de mourir, Mary semble être de la fiction, pourtant, elle est là et raconte l’histoire du couple. Simone semble être atteinte d’une maladie dégénérative, et on ne saura jamais l’histoire de Mary même si elle reste présente dans la pièce. De plus, certains aspects de la mise en scène sont très flous. Pourquoi Mary se déshabille sans raison au milieu de la pièce? Pourquoi est-ce qu’elle est encore là à la fin? Pourquoi fait-elle certains mouvements? Rien n’est expliqué. Certains aspects sont donc très confus. Certains aspects de la mise en scène ne trouvaient pas de réponse dans la pièce et ils portaient à questionnement.
Personnellement, j’ai bien aimé la pièce, sans en être éperdument tombée amoureuse. Il s’agit d’une bonne pièce, très bien interprétée, originale, très bien écrite mais très floue et abstraite. La fin est très difficilement compréhensible et il a fallu que j’y repense plusieurs fois avant de la comprendre entièrement. Cependant, le jeu des comédiens et tout le reste rattrape assez rapidement le manque d’indications à la fin. Le tout était si bien interprété que la pièce mérite d’être regardée pour son jeu d’acteurs plutôt que pour l’histoire.
En conclusion, Une vie pour deux est très bonne pièce jouée à la perfection, un peu abstraite à la fin, mais très jolie esthétiquement, très épurée et surtout très constante dans son ton qui s’avère être froid et cadavérique, comme le personnage de Mary. La mise en contexte, celle d’un couple âgé, est très intéressante par son originalité et sa rareté. Il est intéressant de voir un couple de la vie de tous les jours en vacances vivre une aventure qui sera leur dernière. C’est donc une pièce que je recommande fortement à un public suffisamment mature et prêt à chercher plus loin que ce que la pièce démontre.
Suivez-nousPartager