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Ann-Lyse Arcand-Jobin
Nouvelle (1 500 mots)
À la découverte de l’humilité
Exilée, moi reine du royaume du Coquelicot, j’ai été exilée pour cause supposée d’abus de pouvoir. Comme si j’étais SI intransigeante! Je ne pourrai retournée dans mon royaume que quand j’aurai appris ce que vous, commun des mortels appelez l’humilité. Je ne suis même pas sure de savoir ce que c’est! Mon ancien valet me l’a vaguement expliqué, mais ce n’est pas comme s’il méritait mon écoute attentive. Bref, me voilà dans une petite ville où là, c’est à mon tour de ne pas se faire écouter. C’est à peine si les gens daignent me regarder!
Ça fait environ six mois que je multiplie de petits boulots que je ne conserve jamais. J’ai essayé d’appliquer à ma vie le ‘’don de soi’’. J’ai travaillé comme assistante dans un jardin d’enfants, mais moi, changer des couches et me faire baver dessus gratuitement, non merci. J’ai essayé le service à la clientèle, mais généralement, mes clients étaient de parfaits idiots et j’étais incapable de garder mon sang-froid. Mon ancien valet m’a d’ailleurs fait parvenir une missive pour me dire que depuis mon départ, il avait prit en charge le royaume, mais que celui-ci a absolument besoin d’une reine et que (je ne sais comment) il est au courant de mes moindre faits et gestes et que je ne suis vraiment pas prête à reprendre le contrôle des Coquelicotiens. J’en encore beaucoup de travail à faire et je ne sais pas si je vais pouvoir le supporter. Chaque soir en me couchant je me remémore mes cinquante sujets à genoux n’attendant que le moindre petit ordre venant de moi. Quand je voulais quelque chose, je n’avais qu’à faire tinter une clochette d’argent pour que l’on se précipite à me rendre service. Ceux qui n’étaient pas assez rigoureux se faisaient soit mettre à la porte ou alors jeter aux cachots là où je m’occupais d’eux plus tard. C’était le bon temps. Maintenant, je dois apprendre à faire moi-même mon café, choisir mon linge, faire ma nourriture et encore pire, nettoyer tout moi-même! Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point j’étais bordélique, je dois sans cesse repasser c’est exténuant! Ce matin, j’ai une entrevue pour un nouvel emploi (merdique j’en suis convaincue) je me prépare donc un café infect (fais par moi évidemment) et je m’y dirige.
***
– Donc, madame Duchâteau, vous croyez avoir ce qu’il faut pour travailler avec les personnes âgées?
-Je crois. Comme nous sommes inévitablement fait pour passer par là, je me dis que j’aurais une longueur d’avance sur les autres et en plus les personnes âgées sont assez tranquilles non?
-Pour la plupart oui, étant donné votre peu de connaissances en la matière et votre première expérience dans le domaine je vais vous assignez à une de nos résidentes les plus douces, gentille et avenante par contre, c’est notre moins autonome, elle marche, mais à très petits pas, mais pour tout le reste elle aura besoin de vos services à raison de trois fois par semaine.
-Ça me convient très bien puis-je aller voir cette dame? (ou plutôt ce débris)
-Bien évidemment suivez-moi.
***
-BONJOUR MADAME SAMSON, JE SUIS VOTRE NOUVELLE AIDANTE.
-Pas si fort mon petit, je ne sais plus faire grand-chose, mais je sais encore entendre haha.
-Ho! Pardon c’est bien alors je ne m’userai pas la voix à crier. (Je devrai par contre, faire attention à ne pas dire mes insultes à voix haute. C’est noté.) Que puis-je faire pour vous aujourd’hui?
-Pour l’instant, ça va aller. J’aimerais que nous profitions de cette première rencontre pour mieux nous connaître.
-Parfait j’en meure d’envie, (je n’ai absolument rien à faire de votre histoire la mienne est intéressante mais la vôtre…genre ancienne femme de combattant, c’est ça?…ça promet) et si vous commenciez hein? Je suis sure que votre vécu est passionnant.
***
-Femme de combattant pour vrai? Wow je suis impressionnée (je le savais!) Ça dû être dur pour vous.
-Oui, mais je m’en suis bien remise. Mais vous quel drame! Se faire destituer de la royauté!
-Oui, j’ai de la difficulté à m’y faire. Supposément que je retirerai une belle leçon de cela, mais pour l’instant, je suis un peu déroutée.
-Je vous comprends, je vous aiderai à traverser cette épreuve.
Ça fait maintenant deux semaines que je m’occupe de madame Samson, je dois avouer que je trouve ça dur, il y a des soirs où je rentre en maugréant car quelqu’un devrait s’occuper de moi et non l’inverse. Où est ma clochette? Où sont mes valets? Où est l’admiration que chacun me portait? Je ne suis plus qu’une habitante ordinaire avec une vie ordinaire et un boulot plus ordinaire encore. Par contre, bien malgré moi, je dois dire que je commence à éprouver une certaine forme d’attachement, même si elle n’a au fond rien de bien intéressant elle a un bon sens de l’humour et elle a tout de même du charme pour une vieille bourrique. Elle comprend les raisons qui font que je déteste mon travaille et elle ne donne pas l’impression de trop s’en formaliser. Au moins, je n’ai toujours pas été mise à la porte, je crois que c’est ça l’important. Cette semaine, il ne me reste qu’une journée à faire, je me surprends à me dire que ça va être long avant de la revoir, ce qui est, dans mon cas, un grand pas vers l’avant.
***
-Coucou Sandrine! Tu dois être contente, c’est ta dernière cette semaine.
-Haha! Avant je vous aurais dis que c’était le cas, mais maintenant, je vous dirais que j’ai réalisé que c’était mon plus grand divertissement de la semaine que de venir vous voir, en dehors d’ici je me sens encore un peu perdue.
-Contente d’entendre cela! La préposée de garde t’a-t-elle mise au courant du changement?
-Non, lequel?
-Approches-toi un peu, bon hier, pendant ton congé, j’ai eu un accident et je me suis blessée assez gravement à la hanche et je ne peux plus me déplacer il faudrait donc que tu reste assez proche ou que tu viennes me voir dans ma chambre plus régulièrement, ça serait apprécier, moi, de mon côté je vais essayer de trouver un moyen pour nous faciliter la communication.
-Bon d’accord, je vais aller faire votre lessive et d’ici là, si il y a quoi que ce soit, prenez-le en note et je viendrai voir tout de suite après.
-Parfait.
Je crois que je m’améliore, normalement, un changement du genre, à la dernière minute, m’aurait mis en rogne, mais là je gère et je dois dire que malgré son histoire au fond assez banale, je me suis bien attachée à madame Samson, je ne croyais pas qu’une vie aussi ordinaire pouvait faire des gens d’exception, elle est vraiment chouette et avec elle j’ai appris à rire sans qu’il y ait un fond de mépris, un rire franc, ça fait changement et ça fait du bien. Je suis perdue dans mes pensées quand soudainement, un bruit plutôt familier me sort de celles-ci : ‘’gling-gling’’ je me dirige vers la chambre de la bénéficiaire, elle est là assise sur le bord de son lit un grand sourire aux lèvres :
***
-Regarde ce que j’ai trouvé! Avec cette clochette il sera plus facile pour moi de te faire signe, je n’aurai qu’à la faire tinter.
Je la regarde ahurie. Au début je sens une poussé de colère et d’humiliation remontée jusqu’à moi, mais au final, c’est une émotion plus forte qui prend le dessus, je ne peux pas me contrôler je me mets à rire comme je n’ai jamais ri auparavant, un rire franc, qui me fait pleurer, mais quelle ironie! Moi, l’ancienne reine qui commandait avec ma clochette, me voici maintenant à la place de mes valets! J’essaie de me clamer, j’y arrive avec une grande difficulté. Madame Samson me regarde d’un drôle d’air alors en contrôlant du mieux possible mon hilarité, je lui résume brièvement la situation. Elle se joint à moi et nous rions de bon cœur, j’en ai mal au ventre, jamais ça ne m’était arrivé avant aujourd’hui, quel moment ironique, mais tellement magique! Mon cellulaire se met à vibrer dans ma poche, je prends l’appel et malgré une grande distorsion je réussi à entendre mon ancien valet qui me dit que ma mission est accomplie, j’ai réussie à apprendre l’humilité et que je peux maintenant venir reprendre mon trône je prends une grande respiration :
-Valet Grevin, merci, merci beaucoup, mais mon trône, vous pouvez le prendre ou bien l’offrir à quelqu’un d’autre, j’ai tout ce que j’ai de besoin ici, une amie, une vraie, le pouvoir n’est rien comparé au moment que je viens de vivre, je vous souhaite une bonne vie, et merci pour tout, vraiment.
Je raccroche et un sourire illumine mon visage à tel point que ça en est presque douloureux.
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