Ascension

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Laurence Bordeleau
Laurence Bordeleau sur la cime du monde…

Tête dévissée, je regarde l’étang bleu qui trône là-haut

Piqué par la cime rocailleuse d’une des caboches du monde

Qui perturbe l’infini calme en de milliers de ronds dans l’eau

Ainsi, sculptés par le vent, dérivent les nuages aux formes rondes

 

 

L’appel des kilomètres me rend fébrile, je vérifie les lacets de mes souliers

Je crains qu’ils me laissent derrière, qu’ils partent sans moi explorer

La terre que j’ai besoin de sentir sous mes pas, se dévoiler, se délivrer

Des souvenirs sans âge que la mémoire humaine a oubliés

 

Je m’arme de mon sac, prend d’assaut ce géant endormi

Dont les pieds s’enracinent dans les flancs de la Terre

Et la tête ronfle dans la brume du ciel dont le bleu est adouci

Par le soleil pale de la saison qui s’épanouit à l’aube de l’hiver

 

Bientôt,  un fin voile de sueur recouvre ma peau

Mes bottes martèlent le sol, résonnent lourdement dans mes os

Puis, tombant en rythme, elles prennent le poids d’une plume

De rocher en rocher, par-dessus les ruisseaux, je suis sans enclume

 

Chaque branche sur mon passage m’effleure d’un encouragement subtil

Dans l’air froid de novembre, alors que mon souffle givre mes cils

Ces flocons microscopiques reflètent la lumière et emprisonnent le paysage

Dans mes yeux qui rêvent de boire le monde au-delà des pages

 

Je respire profondément l’air de cristal, je hume

Son parfum capiteux et si caractéristiquement boisé

J’ai chaud, mais la brise traître engouffre ses doigts glacés

Sous mes vêtements de polar et soulève une rumeur de rhume

 

Mon souffle raccourcit, mes poumons crient famine

Mes jambes souffrent, brûlent sous l’effort soutenu

Mais je continue mon périple vers la cime orpheline

Qui me nargue dans son arrogance immobile et têtue

 

Et enfin, je nage dans une épidémie de ciel, je m’épanouis

Je suis une fleur de victoire, mon esprit s’ouvre en offrande au monde

Mes pensées dansent dans le vent, j’entre dans la ronde

J’ai réussi, j’ai vaincu et je me sens bien, fière, choyée par la vie

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