« La femme qui fuit » … Critique de Janie Houde

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Depuis plusieurs décennies, la femme s’est vue évoluer au sein de la société occidentale. Désormais, les femmes ont la possibilité de faire des études supérieures, d’avoir une carrière, se vêtir à leur guise (la plupart du temps). La place de la femme n’est plus à la maison. Cependant, que diriez-vous si une femme abandonnait ses enfants dans le but de s’épanouir sans entrave à sa liberté? Certains diraient que c’est inconcevable et impensable. Pourtant, c’est ce que fait Suzanne Meloche dans le roman La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Suzanne Meloche se trouve à être la grand-mère de l’auteure du roman. Cette dernière est une réalisatrice et une romancière québécoise qui est à la fois militante pour les droits de l’homme. Afin d’écrire son roman, elle a fait appel à un détective privé et c’est ainsi qu’elle a pu retracer la vie de sa grand-mère. Ce livre est donc une biographie romancée. Le lecteur entame sa lecture en détestant cette femme qui a mis sa vie en avant-plan au détriment de sa famille. Cependant, plus nous tournons les pages du livre, plus nous comprenons et plus nous apprécions ce personnage qui est en fait en constante quête d’elle-même. Elle refuse de brimer sa liberté afin de vivre sa vie comme elle l’entend. Par contre, l’histoire prend place au moment de la Deuxième Guerre mondiale. Suzanne va donc à l’encontre de l’idéologie de la société à l’égard des femmes de l’époque en étant acceptée dans un collège, en s’adonnant à la poésie et à la peinture, en fréquentant les signataires du Refus Global ainsi qu’en abandonnant ses enfants. Cette analyse a donc pour but de démontrer que les femmes ne sont pas consignées à être femme au foyer ou à être sans aspiration et qu’elles sont libres de faire leurs propres choix.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le droit à l’éducation pour les femmes devient un peu plus répandu. Cependant, il était encore mal vu pour une femme de faire des études supérieures. Dans le cas de Suzanne, malgré la crise économique, ses parents l’encourageaient à faire des études supérieures. Son père était d’ailleurs professeur avant la crise économique, il avait donc une opinion favorable envers les études. Elle a donc quitté Ottawa pour faire ses études au Collège Marguerite-Bourgeoys. Pour elle, les études étaient une porte de secours pour quitter le foyer familial : «Tu sais que tu ne reviendras pas chez toi. Et tu ne le caches pas. Tout de toi raconte un adieu.» (p. 92). C’est à Montréal qu’elle fera la rencontre de personnages importants du Québec tels que Borduas, Gauvreau et Riopelle. Elle-même fera partie intégrante du domaine de la littérature de cette époque en étant la première femme à expérimenter l’écriture automatique. Suzanne est donc, à mon avis, une femme qui a cherché à trouver ses véritables passions malgré le fait que celles-ci allaient à l’encontre de la société qui, à l’époque, était encore sous le contrôle de l’église. Cette dernière dictait encore aux femmes que leur place était à la maison. C’est une femme qui a cherché à s’émanciper de la vision habituelle attribuée aux femmes de l’époque. En fait, Suzanne savait dès son plus jeune âge qu’elle aspirait à plus qu’à être une femme au foyer comme l’était sa mère. C’était une enfant curieuse qui se fascinait pour les mots et pour l’éloquence dont il fallait être dotée pour les manipuler avec habileté. Je crois donc que Suzanne refusait de faire partie du moule attribué aux femmes de l’époque. Dès son plus jeune âge, elle était déjà différente des autres filles, car elle avait une curiosité sans bornes, surtout en ce qui concerne les interdits envers la sexualité et la prise de parole. Les femmes devaient cacher leur appétit sexuel, mais à l’adolescence, Suzanne était déjà pleine de ressources. De plus, elle n’était pas du genre à taire son opinion, ce qui lui était souvent reproché.

De plus, en côtoyant des personnes très influentes et marginales dans les domaines des arts et de la littérature au Québec, elle se marginalisait au même rythme qu’eux. Elle a aidé à l’édition du Refus Global rédigé par Borduas et a été signataire un court instant pour ensuite changer d’avis et retirer son nom de la liste d’artistes peut-être par peur de représailles, mais elle n’affirme jamais clairement pourquoi elle a retiré sa signature. Elle a participé à plusieurs manifestations du domaine des arts qui l’ont forcé, elle, son mari et ses amis à s’exiler. Suzanne était donc une femme atypique à cette époque étant donné qu’elle ne suivait pas les conventions ecclésiastiques ou encore les conventions de la société de l’époque. Elle ne désirait pas devenir sœur ni institutrice et encore moins être une femme au foyer. Suzanne aimait recevoir de l’attention et attiser la curiosité de tous ceux qui croisaient sa route. Elle a donc choisi la poésie jusqu’à ce qu’elle doive s’exiler. C’est à ce moment que Suzanne a donné naissance à ses deux enfants et qu’elle était dans l’obligation de s’occuper d’eux à temps plein étant donné que Marcel, son mari, travaillait pour subvenir du mieux qu’il pouvait aux besoins de sa famille. À un certain moment de sa vie, Suzanne s’est vue obligée de vivre dans des conditions plus difficiles. Elle s’est établie dans la grange située sur le terrain de Borduas et devait vivre sans électricité. Ce mode de vie, qui était aussi marginal, lui a plût pendant un certain temps jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle était devenue le genre de femme dont elle avait dédain. Son mari travaillait à l’extérieur de la ville pendant qu’elle restait à la «maison» pour s’occuper de ses enfants : «Un constat violent te happe. Tu es cette femme-là. Celle, seule, qui attend.» (p.216). C’est à ce moment que Suzanne décide d’abandonner ses enfants afin de vivre sa vie comme elle l’entend. Malgré le fait que cet acte dépasse l’entendement : une mère ne devrait jamais abandonner ces enfants, les lecteurs ne peuvent s’empêcher de comprendre Suzanne. Avant d’entreprendre ma lecture, je pensais que Suzanne serait un personnage égoïste. Cependant, au cours de ma lecture, je trouvais quelque chose d’enviable à Suzanne. Je la trouvais courageuse de commettre cet acte impensable et il m’était impossible de haïr ce personnage, car nous nous mettons à la place de cette femme indépendante et émancipée.

Pour conclure, ce roman est à la fois le portrait d’une femme inspirante ainsi qu’une représentation d’une poignée de personnes ayant marqué la société québécoise au XXe siècle. Ce roman m’a permis d’apprendre et de comprendre le Québec de cette époque et m’a obligé à remettre en question ma perception que j’avais de la femme à cette époque. Suzanne est non seulement décrite comme étant une femme marginale, mais elle a repoussé les limites afin d’obtenir sa liberté. J’ai été vraiment troublée de ressentir de l’empathie pour cette femme qui pourrait sembler égocentrique. En fait, ce qui est le plus paradoxal, c’est que le lecteur peut facilement se mettre à la place de cette femme, car après tout, qui ne voudrait pas vivre libre et épanoui? Cependant, à mon avis, Suzanne Meloche a fini, à un moment ou à un autre, par regretter sa décision d’abandonner ses enfants. Elle a eu une vie bien remplie, mais pas nécessairement heureuse. Ses enfants ont voulu reprendre contact avec elle à plusieurs reprises, mais elle refusait, car c’était pour elle trop douloureux. Bien que sa décision d’abandonner ses enfants lui ait ouvert plusieurs portes sur le monde, elle a fini sa vie seule et malheureuse.

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