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La littérature jeunesse déborde de ça. Des monstres, fées et vampires juvéniles impeccables dans une merveille d’architecture secrète, et une fille de 16 ans coincée qui devient l’élue d’un coup de baguette magique.
On recense dans plusieurs pays différents des romans reprenant plus ou moins les mêmes thèmes, avec le même personnage type et les mêmes intrigues pourries. Le scénario est très simple : il était une fois Kiara (parce qu’un nom un peu original et féminin à souhait vaut son pesant d’or), jeune fille intimidée par tout le monde, aux compétences sociales avortées et surtout sans personnalité, rencontre un brun ténébreux qui la déniaise et lui fait découvrir qu’elle a des pouvoirs hors du commun, ultra secrets, qui lui sont apparus sans aucun effort de sa part.
T’intéresse-t-il vraiment, ce personnage sans couleur? Trouves-tu réellement du mérite dans une pseudo-héroïne qui doit se trouver un apport extérieur pour se transformer en quelqu’un de spécial? Crois-tu sincèrement être cette même personne?
Gloire à l’archétype de l’adolescente ordinaire, qui elle au moins, sait qu’elle est spéciale à l’intérieure!
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Seulement, c’est qu’elle ne le prouve tout simplement jamais, cette finesse, cette puissance, ce feu qui couve chez la jeune femme aux cheveux de feu et qui a de l’attitude… Comme ce personnage fictif de son roman préféré, à qui elle n’a même pas le courage de ressembler au quotidien.
Tout le monde est beau et fort à l’intérieur!
Vraiment?
Monsieur-madame-tout-le-monde, figurant des couloirs de l’école comme nous le sommes tous, constamment habillé chez Walmart, peigné à la hâte et tenant un roman fantastique jeunesse comme une bouée de sauvetage, le trouvez-vous hors du commun, doué de talents inusités, plein de fougue? En retirerez-vous le souvenir d’une personnalité forte et explosive, inusitée?
Nous sommes tous des nobodys dans la réalité, que vous le vouliez ou pas.
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Beaucoup de ces romans jeunesses nous poussent à croire, jusqu’à l’âge adulte chez certains cas, qu’aucun effort n’est requis pour briller, ou pour se démarquer. Et plus on passe d’années tranquilles sur ce nuage féérique et imaginaire, plus en tomber est difficile, et plus la chute des pauvres victimes comprenant qu’ils sont comme tout le monde est douloureuse.
Cette fin de l’adolescence, quoique brutale, est nécessaire au développement réel de soi au sein d’une communauté qui a un corps. Et rester sur un tapis volant plus longtemps que prévu prive la société de dons que tu pourrais apprendre par toi-même, à la place de te créer une double personnalité qui fait partie de la maison Serpentard.
Pourquoi ne pas se servir de cette passion pour s’appliquer à en faire une carrière, changer les choses?
On a grand besoin de forces de caractère pour s’en prendre aux enjeux réels de notre système, mais beaucoup de jeunes citoyens ne voient aucun intérêt à participer dans un monde où ils ne savent pas voler. Et la peur de se casser le nez à l’atterrissage ou de se faire juger par autrui les amène à repousser la date fatidique où ils devront voler de leurs propres ailes. «Je ne sais pas encore ce que je veux faire dans la vie, mais je sais que je serai une princesse vampire au pays imaginaire.».
Leur rêve se concrétise, au final : ils ne grandiront jamais.
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