Nul n’est prophète…

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L’événement fut cité dans le téléjournal régional et quelques pamphlets de la programmation se trouvaient dans certains commerces de Shawinigan : la trente-deuxième édition du Festival International de Poésie de Trois-Rivières était mise en place un peu partout dans la ville portuaire, seulement à vingt minutes d’automobile de chez nous.

Un festival constitué de plus de cent poètes des quatre coins du monde (incluant le Québec), réparti sur dix jours dans quatre-vingt –dix lieux différents de la ville trifluvienne, appuyé par le Conseil des arts du Canada et Mélanie Joly, et présenté par le géant québécois de la convergence. S’y ajoute depuis maintenant dix ans un off-festival auquel participent de nombreux passionnés et des poètes invités.

Ce raz-de-marée poétique a effleuré quelque peu le Collège Shawinigan au passage, par espoir d’attirer la jeunesse artistique shawiniganaise et de la sensibiliser à l’actualité culturelle de leur région. Trois poètes sont venus donner de leur temps et de leur expertise aux étudiants en arts, lettres et communication. La conférence intimiste dans le carrefour de l’information du cégep comportait une lecture privilégiée de leurs poèmes favoris ainsi qu’une période de questions intéressante, quoique partagée entre peu de participants curieux et éveillés.

Comme à chaque année figuraient au programme de cette conférence deux poètes de nationalité extérieure au Canada: Jean-Claude Awono, natif du Cameroun et Samantha Barendson qui avait fait le voyage de France, d’origines italienne et argentine.

Puis Geneviève Blais, aux racines cent pour cent canadiennes-françaises, nous venait de son poste de professeure mais poète à temps plein du collège Montmorency situé à Laval.

Chacun présentait des œuvres et dégageait une énergie divergeant complètement les uns des autres, créant un trio hétérogène et efficace, témoignant de la diversité qu’apporte un art aussi libre qu’est la poésie.

Geneviève Blais représentait avec force et douceur la tendance féministe actuelle au Québec et les cicatrices socio historiques de notre vaste territoire aussi sauvage que sa prose. Revendicatrice, elle défend la cause des autochtones (La nuit et la meute) et par des allégories psychanalytiques rend hommage à la maternité, à la femme.

Tout aussi passionné, sinon plus (Météorites), Jean-Claude Awono nous baigne dans le rythme de son pays natal, imprègne sa poésie masculine d’enjeux d’ordres sociaux et philosophiques et remet en question l’urbanisation toujours plus puissante, prônant la quête spirituelle de l’individu.

Samantha Barendson, ouverte et actuelle, pour sa part, prend des chemins plus personnels comme la nostalgie, entre autres dans son recueil Le citronnier dans lequel elle raconte la mort de son père et remonte aux premières lueurs du souvenir et de la mémoire, de la quête identitaire. Le train, son deuxième poème récité, donnait une bonne idée de son sens de la structure et du rythme, quoique plus calculé et moins pur que la force de frappe de Jean-Claude dans toute sa verve poétique.

Le regard de cette dernière par rapport à l’enthousiasme des Québécois face à la poésie mettait en lumière une problématique qui se ressentait même parmi les jeunes auditeurs de la conférence : le dynamisme vole bas, tout simplement. On ressasse constamment les mêmes thèmes classiques dans nos œuvres poétiques, et à part Gaston Miron ou Nelligan, aucun autre ne s’est vraiment fait un nom… Car on ne fait pas l’effort de les lire, de consacrer un peu de notre temps à la poésie d’ici, de la partager; de la créer et de se lire mutuellement.

La poésie québécoise nous intimide-t-elle ou est-ce tout simplement de l’ennui?

Les étudiants qui cognaient des clous étaient visibles ce cinq octobre à la bibliothèque du collège Shawinigan, et il y avait de la timidité dans l’air.

Entendre de la bouche d’une poète venue de l’autre côté de l’Atlantique pour le festival que la plupart des activités se résumaient plutôt à des rencontres entre poètes invités que des lectures devant public est désolant. Pour tout dire, moi-même je n’ai pas fait d’efforts pour assister à ne serait-ce qu’une soirée poésie dans la ville voisine.

Et la chauffeuse responsable d’accompagner les poètes entre les deux villes avait bien du mal à me croire lorsque je lui ai avoué que plusieurs Shawiniganais trouvent Trois-Rivières bien loin. À moins de vouloir faire du shopping en quantité massive, rares sont les raisons que les citoyens de notre ville considèrent valables pour sortir du patelin.

Quelque chose nous enchaîne, nous tire inlassablement dans une atmosphère quasi-végétative et déprimante à Shawinigan. Loi de l’effervescence culturelle, la jeunesse s’ennuie et se perd, tourne en rond, hésite à sortir de sa tanière pour aller voir ce qui se passe dans le coin.
Hésite…et se dégonfle.

Une certaine indifférence était même rejetée sur la poète québécoise, car ses thèmes, nous les connaissions déjà et semblaient élimés face à la nouveauté de l’exotisme.

Il faut se rendre à l’évidence :
Nul n’est prophète dans son pays… et encore moins dans sa région.

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