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J’ai fait l’expérience et j’ai tapé « femme » sur Google. Site utilisé presque tous les jours par une grande partie de la population, je me suis dit qu’il devait bien y avoir quelque chose à dire sur le sujet d’environ 50% de gens sur la planète. Résultat? Les pages qui me sont suggérées, « femme dans votre ville », « conseils mode et beauté pour femme », « trouve une femme ce soir », « vidéo insolite sur une femme qui rate son stationnement en parallèle », « trucs pour avoir une plus grosse poitrine », « des jolies femmes se font tirer dessus par un canon à saucisses en slow motion ». Aïe. Et si on clique sur l’onglet « image »? Vous verrez alors défiler sous vos yeux, image après image, des femmes à la silhouette fine, la chevelure ondulée et chatoyante, un maquillage impeccable et bien sûr, un photoshop remarquable. Je me suis alors posé la question. Est-ce vraiment ça, une femme? Non. Pourtant, c’est la représentation qu’on s’en fait.
Partout où nous posons les yeux, nous sommes exposés à une certaine image de la femme, jugée «idéale». Même les personnalités publiques sont célébrées pour leur absence de vergetures suite à leur grossesse, mais du moment où la cellulite se manifeste, oh misère! C’est la catastrophe, la belle et pulpeuse actrice que vous pensiez connaître ne sait pas prendre soin d’elle! On a tendance à oublier que le corps n’est pas fait de pâte à modeler et que les interminables séances d’entraînement, les nombreux régimes, les quelques chirurgies et les modifications de l’image par ordinateur qui s’offrent à nous ne sont pas des solutions, mais bien des problèmes en eux-mêmes. Ce sont des problèmes, car l’image qui est véhiculée et glorifiée est bien souvent inatteignable et le résultat de pratiques qui nuisent à la santé tant physique que psychologique d’une personne. De plus, montrer des femmes à la silhouette parfaite, altérée et améliorée, sert souvent à vendre quelque chose, allant d’une robe de soirée à une bouteille de bière. Bien que la publicité ait tendance à se servir de la femme comme outil de vente, le meilleur exemple de l’objectification sexuelle de la femme, est sa représentation dans les médias.
Déjà, j’entends certains d’entre vous répliquer « ben non voyons, c’est pas si pire que ça! » De plus en plus on entend le discours de la célébration d’une grande diversité corporelle, je vous le concède. Malheureusement, si on a l’agréable surprise de voir une femme un peu plus ronde, arborer fièrement ses courbes féminines sur la page couverture d’un magazine, on tourne quelques pages, puis on se retrouve assailli par des articles de juice cleanse les plus populaires et des séries d’exercices pour le beach body parfait. Cette hypocrisie est le résultat de deux mentalités qui se chevauchent et se contredisent : l’acceptation de soi et le désir de plaire. Bien que le message d’acceptation de soi et de son corps soit de plus en plus présent, il reste toujours une volonté qui persiste, la volonté d’être accepté(e) de ses pairs, de bien paraître et d’être attirant(e) selon le modèle de beauté préétabli.
Et puis vient l’avènement des applications de rencontre. Un buffet chinois de possibilités. Vous n’avez qu’à prendre les plus belles pièces de viande et vous en régaler sans plus attendre. Une belle poitrine… de poulet? Swipe Right! Un gros jambon ficelé qui n’a pas l’air si appétissant? Swipe left! Et si, après réflexion, vous avez été trop gourmand, vous n’avez qu’à ignorer les restants dans le coin de votre assiette sans pour autant vous en culpabiliser. Ah, les dating apps! Encore un merveilleux outil pour pouvoir choisir la femme idéale… selon son physique!
La pornographie contribue énormément à l’objectification de la femme, surtout dans l’industrie pornographique « traditionnelle ». Le phénomène de la femme-objet est grandement alimenté par les images retrouvées sur les sites les plus communs comme PornHub, YouPorn, RedTube, Xtube, Brazzers, etc. Malheureusement, ces sites d’une grande accessibilité appartiennent tous à une seule et même entreprise : MindGeek[1]. Ainsi, les images pornographiques distribuées sur les différents sites sont très semblables d’une plateforme à l’autre et contribuent à créer une image stéréotypée de la femme, jugée idéale, parfois prenant part à des pratiques sexuelles dégradantes. Le but? Divertir un public cible, (très souvent constitué d’une majorité d’hommes). Les images distribuées sont donc consommées par des hommes qui interprètent ce qu’ils voient comme la réalité. Peignons un portrait de ce à quoi est exposé l’auditoire de ces compagnies : Chevelures dignes de Rapunzel, yeux de biches, moues sensuelles, tailles de guêpe, seins ronds et fermes, fesses rebondies, mamelons gonflés, corps épilés, vulves roses et cuisses lisses. Peu de personnes ont le réflexe de se questionner sur l’authenticité de l’image qui leur est présentée. Dans ce genre de production, les gens choisis pour exécuter de telles scènes sont sélectionnés pour leur physique retravaillé autant par de nombreuses heures d’entraînement que de multiples chirurgies. De plus, ils sont constamment entourés de gens qui les remaquillent et les recoiffent, qui s’assurent de les montrer sous leur meilleur jour grâce à l’éclairage et le montage vidéo. Tout ce qui est représenté est artificiel. On donne en spectacle de magnifiques acteurs aux corps sculptés performant des scènes voluptueuses pour votre plaisir! Que demander de plus? Je sais! Que dites-vous de la possibilité de rechercher à l’aide de mots-clés vos fantasmes les plus personnels et de les voir se présenter sous vos yeux ébahis sous forme de vidéo? Merveilleux n’est-ce pas?
Passons en revue quelques-unes des recherches les plus fréquentes selon un des sites pornographiques les plus fréquentés : big tits, lesbian, ebony et teen. Décortiquons un peu ces termes voulez-vous? Big tits, un classique. Lesbian, plutôt : relation-sexuelle-pas-du-tout-réaliste-entre-deux-femmes-dans-le-but-de-divertir-un-public-qui-n’a-pas-de-vagin, mais c’est vrai, lesbian, c’est plus court. Ebony, catégorisation pas du tout raciste des femmes selon la couleur de leur peau. Teen, ai-je vraiment besoin de pointer du doigt le problème ici? Puisque ce texte est une discussion à sens unique, je ne peux malheureusement pas entendre votre réponse, je vais donc m’étendre un peu plus sur le sujet et gratter le bobo. Il est facile de créer une distance psychologique et de se détacher du problème, mais teen est en fait dans le top 5 des recherches des utilisateurs du site pornographique Pornhub de façon internationale et le deuxième plus recherché au Canada en 2016.[2] Concrètement ce que ça veut dire, c’est que les hommes autour de vous, ceux que vous aimez, ceux à qui vous faites confiance, vos collègues, vos maris, vos frères, vos fils, vos pères; tous ces hommes qui partagent votre vie, après une grosse journée de travail, ouvrent leur portable, et dans la barre de recherche, tapent ces quatre lettres, au premier abord, si inoffensives. T. Comme tomate, d’ailleurs, il faut l’ajouter à la liste d’épicerie. E. Comme électricité, il ne faut pas oublier de payer la facture. E. École. Merde l’école a encore appelé, le plus vieux a encore fait le clown en classe. N. Comme Noël, mais qu’est-ce qu’on donnerait bien aux beaux-parents cette année?
Vous savez épeler? T.E.E.N ça fait teen. Comme dans adolescente. Ces adultes, ces hommes majeurs, se masturbent, jouissent, éjaculent, devant des corps d’adolescentes. Pardonnez-moi, vous ai-je choqué avec mes mots? Est-ce soudainement devenu trop concret pour vous? Pourtant, je ne fais que relater les faits. Pour eux, ce n’est plus qu’un terme comme les autres, qui facilite simplement la recherche de corps séduisants parmi tant d’autres corps tout aussi séduisants.
Au-delà de l’opposition majeur/mineur, il faut se poser la question. Quel est l’impact de catégoriser les femmes par des termes comme big tits, lesbian, ebony et teen? On trie les types de femmes selon leur corps, on les mets dans des boites, puis on les identifie au crayon sharpie à l’aide de termes dégradants. On montre la femme, avant tout, comme un corps dont le but est d’exciter et de plaire. On la déshumanise, on l’objectifie.
Êtes-vous bon en mathématiques? Pas moi. Pourtant, je sais résoudre l’équation suivante. Une personne est exposée à une grande quantité d’informations lui disant que son corps peut être amélioré, additionnons à ça une volonté de se rendre intéressant auprès de ses pairs. La deuxième variable, une autre personne, ajoutons à cela une consommation régulière de contenu à saveur érotique mettant en scène des femmes aux corps affriolants adoptant des comportements sexuels surprenants. Voyez-vous où je veux en venir?
(Femme + désir de plaire) + (homme + pornographie) = femme-objet.
Simplifions l’équation.
Femme et désir de plaire équivalent à une femme prête à se plier aux demandes d’un homme lorsqu’il lui consacre son attention.
Homme et pornographie signifient un homme qui se crée des attentes tant sur le corps des femmes que sur leurs conduites sexuelles.
Pour pimenter le calcul, on peut aussi se permettre de rajouter des variables comme l’insécurité ou l’absence de consentement.
Résultat : Une femme qui offre son corps à un homme qui ne réclame que son corps. Que des corps qui se baisent sans s’embrasser et qui se lassent de s’enlacer. Des corps : des bras, des ventres, des dos, des doigts, des jambes, des langues, des oreilles, des pénis, des gorges, des vagins et des hanches. Des bouts de corps emmêlés qui collent grâce à une colle de fluides collants, de salive, de sueur, de sperme. Des muscles, du sang et des organes, comme des morceaux de viande, ceux qu’on achète à l’épicerie. Des morceaux de viande qu’on finira par faire cuire et manger dans un buffet chinois. Des morceaux de viande qu’on oublie dans le fond de notre assiette et qui finiront à la poubelle.
L’idée est là, vous comprenez.
Fuck les sentiments, on ne fait pas l’amour, c’est juste un coït. J’ai toujours trouvé le mot coït affreusement laid. C’est un mot qui manque de douceur, il est projeté à l’extérieur de la bouche comme s’il n’y avait pas sa place. Trop court, trop sec. Comme l’acte d’ailleurs. Deux syllabes et c’est dit, deux coups de hanches et puis c’est fait. Aucune sensualité. Mais bon, c’est une opinion personnelle.
Je souhaiterais simplement rappeler ce qu’est l’objectification sexuelle. C’est le fait d’abaisser l’être humain, souvent la femme, au même statut qu’un objet, en le dépossédant de ses caractéristiques humaines et en l’utilisant pour son plaisir sexuel.
Objectifier la femme est un problème en soit. Mais de plus en plus, la femme a tendance à s’objectifier elle-même, en normalisant des paroles comme « t’as un beau cul » et même en se sentant valorisée par l’attention que reçoit son corps. Je vous l’accorde, ce n’est pas facile de ne pas ressentir la pression des apparences, surtout dans un monde où tout se calcule en like et où ton nombre de follower est plus important que ta cote R.
Sources:
« MindGeek », dans Wikipédia, 26 avril 2017, https://en.wikipedia.org/wiki/MindGeek, (page consultée le 15 mai 2017)
PORNHUB, « Pornhub’s 2016 Year in Review », 4 janvier 2017, dans Pornhub, https://www.pornhub.com/insights/2016-year-in-review, (page consultée le 15 mai 2017)
[1] « MindGeek », dans Wikipédia, 26 avril 2017, https://en.wikipedia.org/wiki/MindGeek, (page consultée le 15 mai 2017)
[2] PORNHUB, « Pornhub’s 2016 Year in Review », 4 janvier 2017, dans Pornhub, https://www.pornhub.com/insights/2016-year-in-review, (page consultée le 15 mai 2017)
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