L’ignorance pour 1$

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Par une froide nuit de décembre, quand la neige givre le sol, que les flocons tombent sur les têtes et que les lumières de Noël brillent et reflètent dans ce merveilleux vase blanc, il était là, accroupi au sol, à attendre que la tempête se calme. Près du vide-ordure, Matt pensait au dernier repas de dinde qu’il avait pu savourer, il y a de ça bien longtemps. Cette année, il devait se contenter d’un simple vieux bout de pain et d’une carotte à moitié mâchée. Il se remémora un de ses plus beaux Noëls: classique festivité où le bonheur est à profusion, la famille réunie autour du sapin bondé de cadeaux et le festin d’une haute gastronomie que ses parents préparaient avec joie. Féerie artificielle. Matt revint à la réalité, à sa réalité : un pauvre clochard dans le quartier sombre de Brooklyn. Dans cette nuit glaciale, triste et nostalgique, il s’endormit sur sa misérable couverture de laine.

7h30. Bip Bip Bip. Ça y est! Encore en retard! D’un bond, je sautai hors de mon lit et enfilai mes grosses pantoufles pour courir vers la cuisine. Les matins pressés et l’odeur du café fumant dans la cuisine me rappelaient comment je suis occupée. C’était à cause de la fatigue accumulée, le stress et le manque de sommeil que je regrettai d’avoir autant travaillé la veille. C’était plus fort que moi, je devais absolument remettre cet article avant la fin de la semaine pour qu’il soit publié dans le New York Times. Ma carrière venait tout juste de commencer et en tant que jeune journaliste, je ne pouvais manquer cette chance. J’avais tout pour moi : belle petite vie mouvementée, parents riches et fiers de leur fille, et sans oublier, mon chien toujours à mes côtés. Je partis aussitôt sans même avoir fini mon bol de céréales et bu deux gorgées de mon café. J’avais encore les yeux bouffis que j’essayais  de camoufler avec mon cache cerne et mes longs cheveux blonds étaient tout autant ébouriffés.

Arrivée au bureau, tout le monde était là, sans même me porter attention : ils étaient tous affairés à terminer leurs dossiers et leurs articles avant le début des vacances de Noël. Depuis quelque temps, l’atmosphère au travail était tendue : les collègues ne se parlaient plus autant qu’avant, le stress était constant et chacun espérait être en vacances le plus vite possible. Je savais que cette journée n’allait pas être de tout repos. Durant ma pause, je décidai d’aller me chercher un café latte au Starbucks au coin de Park Avenue. Dans les rues de New York, la frénésie des fêtes était à son comble à ce moment-ci de l’année. Les taxis pressés, se faufilant entre les gens qui sont affairés à faire leurs achats de dernière minute, les vitrines illuminées et… le plus gigantesque sapin de Noël qui mettait de la vie dans tout Rockefeller Center. J’aimais énormément cette ambiance. Soudain, je m’arrêtai devant un magasin et j’eus un frisson dans le dos. Un homme était là, à me fixer dans le reflet de la vitrine. Que devais-je faire? Me retourner sans aucune hésitation ou partir à courir le plus vite possible? Je pris mon courage à deux mains, et me retournai lentement et j’aperçus ce que je redoutais le plus. L’homme, vêtu d’un vieux manteau troué, croisa mon regard un instant jusqu’au moment où je faillis échapper mon café. Il demanda doucement : «Mademoiselle, auriez-vous 1$ pour un café, s’il vous plait? »

Je n’eus même pas le temps de répondre qu’il s’agenouilla devant moi.  Sans avoir eu le temps de voir son visage, je partis en courant, de peur que ce mystérieux homme me suive.

24 décembre

Le lendemain, je me réveillai tranquillement et me sentis encore ébranlée par ma rencontre inattendue de la veille. Pour une fois, depuis bien longtemps, je pouvais enfin relaxer et faire la grâce matinée. Vers 10 h, je décidai d’aller me promener à l’extérieur avec mon chien. Le soleil brillait sur la neige blanche. Je marchais dans Bryant Park, où le calme régnait en ce moment-ci de l’année. Jusqu’à ce que, au loin, près d’un arbre, je vis quelque chose qui me glaça le sang. Un homme était là, enseveli sous un amas de neige. Son corps était complètement givré, ses mains commençaient à devenir bleues, sa barbe était couverte de glace, son visage devenait de plus en plus rougi et crispé. Il était en hypothermie et je devais absolument appeler l’ambulance le plus vite possible. Je criai de toute mes forces : « Au secours! Aidez-moi! Un homme est inconscient! » Personne. Personne ne répondait à mon appel de détresse. Aux alentours, les gens ne prenaient même pas la peine de s’arrêter pour m’aider. C’était comme si j’étais invisible. Je hurlai de toute mes forces, mais aucun mot ne sortait de ma bouche. Pendant un instant, je croyais même être devenue paranoïaque. Accroupie au sol, avec rage et rapidité, j’essayai de déterrer le corps de l’homme inconscient. Avec difficulté, je sentais son souffle s’entrecouper et son cœur battre de moins en moins vite. Il était trop tard. Le visage de l’homme était figé et sa bouche était entrouverte. Plus un son. C’était la fin. Mon chien reniflait le cadavre givré lorsque je remarquai le vieux manteau troué que portait l’homme. « C’est lui! »  M’exclamais-je. Cet homme avait l’allure d’un itinérant, décidément pas comme l’on en voit en quantité dans les rues de New York. Il avait le visage si heureux, même trop, comme si cette journée avait été la plus belle de toute sa vie. Pendant un moment, je me répétai tout bas : « Si je lui avais acheté un café, peut-être qu’il serait encore en vie! » Malgré cette remise en question, curieuse comme j’étais, j’ouvris l’une des poches de son habit en pensant qu’il y aurait peut-être une carte ou une vieille pièce d’identité qui pourrait m’aider à savoir qui il était vraiment. Elle ne contenait rien, sauf un vieux bout de pain à moitié mangé. Pourtant, en fouillant le fond de sa poche, je vis un petit bout de papier plié en deux. Je dépliai le papier et remarquai que c’était une photo d’une famille réunie autour d’une table, le soir de Noël. J’inspectai la photo et je remarquai qu’il était là, le mystérieux homme, toujours aussi souriant. J’imaginai alors qu’il devait adorer Noël. À l’extérieur, il faisait de plus en plus froid et je commençai à me sentir de moins en moins bien. Je voulus me lever debout, mais ma tête tourna, je perdis pied et m’écroulai au sol.

25 décembre

Une incroyable nouvelle faisait les manchettes dans le New York Times. Dans l’article on pouvait lire : « Le corps d’une des plus grandes journalistes de la ville a été retrouvé enseveli sous la neige dans Bryant Park. La police et les secours confirment qu’à leur arrivée, la jeune femme était déjà morte. La cause du décès est sans aucun doute l’hypothermie. Toutefois, le chien de la défunte a été retrouvé et amené au centre de protection des animaux de New York. Fait étrange, les policiers ont découvert une photographie dans la poche de la jeune femme et un petit mot où on pouvait lire : « 1$ peut sauver une vie. »

 

 

 

 

 

 

 

 

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