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Thomas étudie au cégep du vieux-Montréal en travail social. Il a 21 ans, il est en couple depuis peu. Thomas comme la majorité des jeunes de son âge, habite chez ses parents. Il a quelques centaines de dollars de dettes, comme bien des jeunes adultes. Thomas boit un peu trop, fume un peu trop et dort pas assez, comme beaucoup de milléniaux. Thomas est très ouvert d’esprit, il composte, recycle et prend le transport en commun. Il participe à des manifestations pour l’environnement, les droits de l’homme, l’égalité des sexes… Thomas vote pour le parti socialiste de sa région et lit les journaux engagés et indépendants. Comme d’autres début vingtaine. Thomas peut sembler anodin comme personne mais croyez-moi il a quelque chose de différent. Thomas aime la mode. En fait, c’est sa passion; il adore la mode. Il peut passer des heures à surfer sur le web pour découvrir les nouvelles tendances. Petit bémol, il ne fait pas qu’admirer, il achète, il dépense. Il dépense beaucoup d’argent. Thomas est intelligent et il sait que les articles de mode dispendieux qu’il achète ne sont pas écoresponsables et encore moins équitables. D’ailleurs, il n’y a aucune marque que Thomas encourage qui aide les droits humains ou l’environnement. Les usines sont installées partout en Asie et 61% de la main d’œuvre est constituée d’enfants. Quelques dollars par semaines, ils travaillent 16 heures par jour et meurent d’infections parce que la salubrité ce n’est pas la priorité du PDG. Thomas est au courant de tout ça et il sait que l’économie locale est en chute libre. Cependant, acheter un morceau à quelques centaines de dollars d’un artisan local semble absurde pour Thomas. Il trouve que c’est trop cher et surtout que personne ne reconnait l’icone dessus. Alors Thomas regarde sur le web et sort sa carte de crédit parce que Calvin Klein a sorti un nouveau chandail long pour homme 150$ selon lui bien investi. L’industrie de l’exploitation de la main-d’œuvre continue de grossir, les enfants meurent affamés et Thomas dort sur ses deux oreilles comme tous les autres. Pourtant cette nuit-là, il n’arrivait pas à dormir, il était fiévreux et tendu. Son ventre est très douloureux comme si quelque chose était vivant en lui. Il n’arrivait pas à retenir les hurlements de souffrance, il se tordait d’un coté et de l’autre et s’évanouit. Le lendemain, il se réveilla à trois heures de l’après-midi avec un terrible mal de tête. Il se sentait étrange et avait l’impression d’avoir fait des cauchemars toute la nuit. Sur son téléphone, il y avait une dizaine d’appels manqués et plusieurs menaces de renvoi par message. Sa mère avait bien remarqué sa présence à la maison et non au travail et elle commença à le sermonner. Thomas répliquait et sa mère se mit à l’insulter, à pleurer et à lui crier après. Après quinze minutes à entendre sa mère hurler et l’insulter, il s’impatienta, prit ses choses et sortit voir sa meilleure amie Coralie.
Malheureusement, c’était un déluge dehors et son seul parapluie était troué à plus d’une dizaine d’endroits. Gracieuseté de son nouveau chat. Quelques secondes dehors, tout trempe, il avança avec confiance en prenant de grandes respirations. Les idées positives emmènent du positif. En avançant, un pas plus tard, il manqua la première marche et déboula les quatre marches qui le séparait de la rue, mais Thomas était un optimiste. Il essuya donc ses vêtements des petites roches de la ville, respira profondément et continua. Les idées positives emmènent du positif. Arrivé à l’arrêt de bus, son autobus passa tout droit sans oublier de bien l’éclabousser. Évidemment son téléphone ne fut pas épargné. C’est à ce moment qu’il hurla, incapable ni de respirer ni d’endurer quoi que ce soit d’autre. Il hurla de toutes ses forces. Lui-même était étonné à quel point il criait fort et longtemps. Sa mâchoire était de plus en plus grande, la peau s’étirait, les nerfs étaient tendus, les articulations craquaient. Thomas était incontrôlable, il n’arrivait pas à arrêter. En fait, le hurlement venait du fond de lui-même. Il ne provenait pas de ses cordes vocales, mais bien de son estomac! Une bête était en lui, un monstre horrible et haineux. Plus le temps passait, plus le hurlement était grave et profond. Sa mâchoire se disloqua et mille voix beuglaient en chœur du fond de son être. À genoux sur le trottoir, les bras en croix, des milliers d’âmes sortirent de sa gueule, toutes noires, entachées de haine. Couvert de pustules, Thomas vomit. Il toussait comme un bon et saignait du nez et des oreilles. Il était complètement vidé de son énergie. Les âmes se mirent à chanter la chanson maudite. L’orage se leva et les éclairs entourèrent Thomas. Le vent souleva Thomas et les éclairs déchirèrent tous ses vêtements et autres articles extravagants de mode. Toutes les âmes fusionnèrent pour former un immense humanoïde haineux. La bête s’adressa à Thomas avec une voix damnée : « Toi rejetons tu es maudit, l’enfer t’attend et tu endureras les souffrances des Mille lépreux maudits pour l’éternité! » Le ciel se fissura d’éclairs et les tonnerres étaient assourdissants. Thomas tomba par terre dans de violentes convulsions et l’apparition s’engouffra de nouveau en lui. Thomas repris conscience quelques heures plus tard. Tout nu dans la rue, mutilé mais toujours vivant, il comprit que l’entité lui laissait une chance étant donné ses bonnes actions antérieures. Il se rua donc chez lui pour annuler en vitesse toutes les commandes de vêtements. Aujourd’hui, Thomas est un exemple dans la gauche progressiste avec ses actions humanitaires pour défendre les droits et libertés des enfants et de tous les travailleurs/esclaves à l’international. Des fois Thomas se prend à flirter sur les sites de mode et il sent la fièvre monter en lui et se rappelle que la bête est toujours présente…
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