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120 battements par minute : 143 minutes pour la vie
Voici tout un drame que nous offre Robin Campillo, réalisateur français né au Maroc. Cette production se démarque distinctement par ses thèmes et par son esthétisme cru. Nous retournons à l’Europe des années 90, la maladie du SIDA apparaît et se répand comme une épidémie. Dans la communauté homosexuelle aussi bien qu’auprès des toxicomanes et des prostituées, la peur s’enracine davantage et les préjugés se raffermissent. Difficile de se faire entendre quand on appartenait à une minorité. C’est sur un tempo lent que nous entrons dans le monde de Sean (Nahuel Pérez Biscayart), jeune séropositif de vingt-six ans. Sean est un membre actif de l’association Act-Up, laquelle existe réellement réalisateur a d’ailleurs véritablement opéré au sein de celle-ci, soit un mouvement qui lutte contre le SIDA. Fatigués de ne pas se faire entendre, ces jeunes gens décident de faire avancer les choses en s’adressant aux autres organismes de prévention ainsi qu’à Melton Pharm, une compagnie pharmaceutique qui détiendrait une molécule servant à ralentir la propagation du virus. Malheureusement pour eux, leurs beaux discours ne résultent pas en la reconnaissance escomptée, ce qui crée un sentiment de frustration et d’injustice chez ces jeunes gens. Ce n’est pas qu’à un petit drame de salon auquel nous assistons, mais bien à un drame humain, social et politique. Campillo nous installe devant un long-métrage qui nous force à voir de face une réalité que nous avons parfois tendance à négliger ou, simplement, à ignorer. Nous observons d’ailleurs que c’est autour de cette ignorance et de l’inaction qui l’accompagne que l’histoire se déroule. Le problème, ce n’est pas de trop parler, c’est de ne pas agir assez. C’est un pied de nez à chaque «autruche» que la société engendre, c’est-à-dire tous ceux qui ignorent ces autres réalités, car ils sont mal informés, à cause d’une propagande de peur et basée sur la rétention d’information. Il est difficile pour Act-Up de gagner sa visibilité, sa crédibilité, voire son importance devant le public puisque la censure médiatique cherche à étouffer chaque acte de conscientisation en les ignorant complètement; leurs actions autant que leurs paroles ne font écho à personne. Ravalant leur colère, les membres du groupe assistent, une fois de plus et dans l’impuissance totale, au décès de l’un des leurs. Il n’est pas évident, lorsque l’on fait partie d’une minorité apparemment stéréotypée, de faire changer la mentalité d’un auditoire pour le sensibiliser à une conséquence vitale : la santé qui se détériore suite à une relation sexuelle avec quelqu’un étant porteur, un sujet qui est encore plus tabou que l’orientation sexuelle. Nous assistons à une conscientisation forcée qui est exprimée par des images violentes et très explicites auxquelles s’ajoute un langage cru qui a tout le mérite d’être provocateur. Avec des slogans de prévention tels que « Une molécule pour qu’on s’encule! », disons que le message qu’on veut faire passer est suffisamment clair! De plus, les scènes de sexe sont omniprésentes et très détaillées, nous avons parfois l’impression d’être tombés sur un porno. Il est facile de voir que c’est une œuvre à petit budget, ce qui convient tout à fait au style puisque le propos va au-delà d’une question économique. Ce drame, qui est la représentation de l’inaction de chacun de nous, a une grande portée sociale qui nous met directement devant les conséquences de l’ignorance, souvent volontaire, dont nous faisons preuve. Un film émouvant, choquant, vrai, mais surtout un film sur l’amour, l’amour de soi évidemment, mais de l’amour de l’autre également.
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