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Premier prix:
Sarah-Jeanne Lacasse (pseudonyme: Fée Clochette):
Séminaire Sainte-Marie ( enseignante: Marie-Ève Poirier)
Regards
Brusquement, je reviens à moi. Un épais brouillard m’enveloppe et m’engourdit. Je suis incapable de voir et de réfléchir. Je ne sais plus où je suis ni comment j’y suis arrivée. J’essaie d’ouvrir les yeux en vain. J’essaie de bouger en vain. J’ai peur. Je panique. Et là, un bruit, une voix, se faufile jusqu’à mon cerveau. Je ne comprends pas ce qu’elle dit, mais ce son est doux à mes oreilles et me rassure. Mais où suis-je? Avec qui suis-je? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête. J’angoisse.
Cependant, ce son m’alerte. Enfin, j’arrive à ouvrir les yeux. Je regarde autour de moi. Malgré le voile persistant devant mes yeux, je devine être dans une chambre. Suis-je déjà venue ici? Je ne sais pas. Le brouillard tend à se dissiper quelque peu me permettant de mieux distinguer les objets autour de moi. Soudainement, mon regard se fige. Je la reconnais. Je reconnais cette personne qui est allongée et immobile dans ce lit. C’est moi. Je replonge dans le néant.
Quelques instants plus tard, je refais surface et des images se bousculent dans ma tête et défilent à une vitesse vertigineuse recréant le moment qui m’a conduite ici. Je dois faire un effort pour comprendre. Je me vois marchant dans la rue, seule. Où allais-je comme ça? Ça me revient, je me rendais au café Béa rejoindre une amie. Et tout d’un coup, cette voiture qui a surgi de nulle part. Je revois le regard de cet homme qui me fixait et qui fonçait sur moi. Et la suite est un énorme trou noir engloutissant mes souvenirs.
Je me parle intérieurement et je me force à ouvrir de nouveau les yeux. Je me surprends à fixer mon propre regard. C’est une étrange sensation. Et je comprends. Cette voiture m’a frappée et je suis allongée dans un lit d’hôpital. Je vois des tubes et des machines. Soudainement, mon attention se détourne. Cette voix si douce revient et m’interpelle. J’aperçois alors une infirmière qui s’approche de moi, se penche et me murmure des mots à l’oreille. J’essaie de lui répondre, mais elle ne me voit pas et elle ne m’entend pas. Ma frustration monte et je hurle, mais sans résultat. J’essaie alors de saisir ce qu’elle me dit. Je décode : je vais peut-être mourir. Non!
Je me calme de nouveau. Des nouvelles voix m’entourent et celles-ci me sont familières. Mes parents! Mon père est en retrait. Ma mère est à mon chevet. Je vois les larmes qui sillonnent des chemins sur ses joues. Elle me supplie de rester avec eux. Une autre personne arrive. C’est le médecin, Dr Carrier. Il m’examine, me soulève les paupières. Je le fixe intensément. Nos regards se croisent. Oui, il m’a vue. Il sait que je suis vivante! L’espoir renait en moi. Par la suite, j’entends des discussions. Je dois subir une opération.
Subitement, l’expression sur le visage de mes parents change. Ils fusillent du regard le médecin. Celui-ci s’excuse et leur explique qu’il doit soigner le conducteur de l’automobile. Il quitte ma chambre. Je quitte ma chambre pour me rendre en salle d’opération. Mes parents me suivent jusqu’au moment où les portes se referment. Leurs regards continuent de suivre la civière qui roule dans le corridor tout blanc. J’hésite entre suivre la civière ou demeurer avec mes parents. Je choisis de vivre.
J’ai de la difficulté à observer ce que tous ces gens me font. Ça devrait être douloureux, mais je ne ressens rien. Soudainement, il y a beaucoup d’agitation autour de moi et puis, on me transfère dans une nouvelle chambre. Mes parents arrivent accompagnés de mon grand frère. Je suis si heureuse de le voir. Et puis, je comprends la gravité de ma situation. Dr Carrier entre à son tour et dresse le bilan de mon état. Ils éclatent tous en sanglots. À travers tout ce vacarme, j’arrive à écouter le monologue du médecin sur les dons d’organes. Non! Maman, aide-moi!
Je crois que ma mère m’a entendue. Elle me demande de lui faire un signe si je suis toujours là. Elle demande du temps au Dr Carrier. Je crie, je hurle, je cligne des yeux, mais elle m’ignore et elle pleure. Ils sont tous autour de moi, têtes penchées, me touchant de leurs mains chaudes et me parlant tout doucement. Le médecin renvient sans dire un mot. Je vois ma mère qui fait un léger hochement de la tête à l’intention du médecin lui signifiant qu’ils sont prêts.
Près d’un an plus tard, je vois ma mère qui boit un café chez Béa. Depuis ma mort, elle se rend à tous les jours là où je devais me rendre avant que survienne cet accident. Voilà qu’une voix la tire de ses pensées. C’est Dr Carrier. Il lui présente sa fille dont c’est le 15e anniversaire aujourd’hui. Ma mère se tourne vers elle tout en lui souhaitant bonne fête et s’interrompt subitement, laissant sa phrase en suspens. Dr Carrier lui demande si tout va bien. Elle lui répond qu’elle a cru voir mon regard à travers celui de sa fille. Mal à l’aise, ils s’en vont.
Je murmure alors à l’oreille de ma mère : «Maman, il a volé ma vie.» Elle saisit alors le sens de mes mots. Elle comprend le lien entre le chauffard et le médecin, prêt à tout pour sauver sa fille. Et elle s’évanouit.
Ces regards auront volé ma vie…
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Deuxième prix:
Marianne Vincent (pseudonyme: Vincma):
École secondaire du Rocher (enseignante: Nancy Leblanc)
Sur les traces de la vérité
Le moteur de l’avion dans lequel j’étais vrombissait à mes côtés. Je me dirigeais tranquillement vers Hambourg, là où commencerait mon périple. Je partais toute seule explorer notre monde, avec comme seul ami mon sac à dos. Je ne savais aucunement pour combien de temps je partais, ni même où j’allais, mais une chose est sûre c’est que j’y allais me ressourcer et me rappeler à quel point notre planète est pleine de beauté.
Mon vol se déroula sans trop de problèmes, affrontant parfois quelques petites zones de turbulence au passage. Arrivée à l’aéroport, je me dirigeai vers le terminal pour récupérer mon gros sac. Rouge flamboyant et parsemé d’écussons représentant les pays que j’avais visités, il était impossible de le manquer. Je passai les douanes, me dirigeai vers la sortie, puis ensuite l’aventure débuta. Mon premier défi fut de me trouver un autobus qui se dirigeait vers Flensbourg. C’était une des villes les plus au nord de l’Allemagne et c’est par là que je pourrais accéder au Danemark, puis ensuite à la Suède. Cette région du globe m’avait toujours intéressée et je comptais bien profiter de mon voyage pour la visiter. Les plages de sable blanc, les plaines sinueuses et les petites maisons colorées avaient toujours réussies à me captiver et à me donner l’envie de voyager.
J’arrivai à Flensbourg deux heures plus tard. N’ayant pas un budget assez large pour me permettre un hôtel à cinq étoiles, je m’installai dans une petite auberge non loin de la frontière. Typiquement européenne, l’ambiance était chaleureuse malgré l’aspect minimaliste de la chambre à coucher. Après avoir mangé un repas composé de spécialités locales, je me mis au lit. Je repassai alors tous les événements marquants des dernières semaines qui m’avaient poussée à m’éloigner de mon petit coin de pays. Tout d’abord, la mystérieuse mort de ma sœur aînée, puis l’espèce de dépression dans laquelle sombraient mes parents pour combler la perte de leur fille adorée. C’est certain que leur chouchou leur manquerait, leur seule fille qui, selon eux, avait réussi sa vie. C’est bien sûr que cette jeune avocate fraichement diplômée avait de quoi faire l’envie des autres, surtout qu’elle était mariée et avait un charmant fils dont j’étais la marraine. En comparaison, j’étais toujours célibataire et je pratiquais le métier de journaliste. Banal et sans intérêt, selon mon père… Mon départ pourrait donc, je l’espère, remettre les choses en place dans ma tête et ramener un certain équilibre dans ma vie.
Je me réveillai le lendemain matin, avec l’énergie d’atteindre Copenhague dans la journée. Ce ne serait pas facile puisque pour ce faire, je devrais traverser le pays en entier. Arrivée dans l’autobus, je me mis à observer le paysage. Les plaines verdoyantes et les hautes montagnes me rappelaient celles observées dans les albums de voyages de mes parents, albums dans lesquels ma sœur et moi rêvions lorsque nous étions jeunes. «Plus tard, nous visiterons tous ces pays ensemble, je te le promets, me disait souvent cette dernière. On fera le tour du globe, comme papa et maman.» De tous les pays desquels on rêvait, le Danemark était son préféré. Elle y était d’ailleurs venue quelques semaines avant sa mort, qui, encore aujourd’hui, faisait toujours jaser et qui n’était pas encore une affaire classée. Depuis son retour, l’endroit dont elle me parlait toujours était Orstedsparken, un parc situé à Copenhague. Les statues qui le décoraient l’émerveillaient, alors je voulais y aller y jeter un petit coup d’œil.
Plusieurs heures plus tard, j’arrivai à Copenhague. Je trouvai assez rapidement le parc dont elle me parlait et je ne fus pas déçue de ma visite. Je portai attention à chaque statue, essayant de retrouver sa préférée. C’était celle d’une fillette et sa mère, elle m’en avait longuement parlé. Lorsque je la trouvai, je l’observai avec une attention particulière. Cela pouvait paraitre stupide, mais cette sculpture de bronze était l’une des dernières choses qui me liait à ma sœur. Je l’examinai sous toutes ses coutures, puis je remarquai une gravure. Elle indiquait XXII-IV-MMXIV. Cette gravure me semblait être une date. Quelle était son utilité? Après avoir analysé les chiffres, je compris ensuite que cette date représentait le 22 avril 2014. J’étais sous le choc, mon cerveau ne comprenait plus rien. Cette date, le 22 avril, c’était le jour de la mort de ma sœur. Comment était-ce possible? Simple coïncidence? Je ne crois pas. À ce moment, il n’y avait plus aucun doute dans ma tête. Je devais absolument découvrir ce qui s’était passé entre le voyage de ma sœur et le jour de la tragédie. J’étais totalement déterminée, même si à ce moment, je n’avais aucune idée où cette aventure allait me mener.
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Troisième prix:
Rémi Bergeron (pseudonyme: Shawininigan)
Séminaire Sainte-Marie (enseignante: Marie-Ève Poirier)
Ma vie de taupe
Depuis deux ans, je vis ma vie de taupe. Je mange des vers et j’explore les plus profonds recoins de ma caverne. Je suis Huber, je vis sous terre avec mes parents et quelques-uns de mes voisins. Mes parents disent que les autres sont morts. Un certain Nazi qu’ils disent. Moi, je crois plutôt que les Nazis sont des exterminateurs et qu’ils n’apprécient pas que les taupes comme nous creusent des trous partout dans la ville. Ils nous cherchent les méchants Nazis. Je le sais, car quand il pleut, la terre tremble et parfois notre caverne s’écroule. Ils tentent de nous faire sortir en noue bombardant. Ils sont naïfs : nous, les taupes, on creuse toujours plus loin. Ma mère s’appelle Maud et mon père Aubert. Moi, j’ai 12 ans et avant d’être une taupe, j’allais à l’école d’Aubourg. On habitait dans un quartier de bandits que tout le monde disait. Mon père était ramoneur et ma mère… Ma mère était au foyer, mais accueillait cependant souvent d’autres femmes ayant le même problème qu’elle. Il y a aussi eu Papy et Mamy Gerald, les vieux comme disait papa. Avant qu’on devienne des taupes, les vieux sont partis avec des amis dans une grande maison, puis se sont tous déshabillés. Ça, je le sais parce que je les ai espionnés. Puis, selon ce que j’ai compris, Papy a lâché un pet et tout le monde a suffoqué. Une chambre à gaz que mes parents m.ont dit. Mais ça, c’est de l’histoire ancienne. J’habite aujourd’hui dans la ville de Dresde, plus précisément en-dessous.
Je m’apprête à sortir de ma planque avec mes amis les taupes, mais après deux ans à vivre dans la noirceur, la lumière m’aveugle si intensément que je perds pied pour ensuite me cogner la tête contre une grosse pierre. Je tente de me relever, mais se relever avec des petites pattes de taupes, ce n’est pas donné à tout le monde! Un homme m’aide à me relever. Son nom est Ezer qu’il m’a dit, il a un X sur sa manche gauche. Il me demande qui je suis et d’où je viens. Je lui dis que je m’appelle Huber la taupe et que j’habite sous terre avec ma famille et mes amis. Il m’examine attentivement avant de me prendre fermement par le bras et de m’obliger à le conduire à ma tanière. Je lui demande s’il est une taupe comme moi et c’est à ce moment que je comprends tout. Il me dit : «Ich bine in Nazis, c’est moi qui les extermine!»
Je mords son bras tellement fort qu’il crie : «VERWEDEN, À L’AIDE!» Comme s’il était doté d’une force surhumaine, il me projette d’un seul bras contre la paroi de briques d’un bâtiment, puis il me met son pistolet au front. Je suis paralysé par la peur et je pense même avoir fait dans mon pantalon. Le Nazi appuie quand tout à coup, ma mère arrive en courant et lui saute dessus. Elle me dit : «Huber, sauve-toi, je t’aime…» Puis, elle prend une balle dans tête. Maman est morte.
J’use de ce qu’une taupe fait le mieux, avoir peur. Je cours, cours tellement vite et tellement loin que je me perds dans la ville. Je suis seul et je ne sais pas quoi faire ni où aller. Je vois tout plein de gens couchés par terre et je pense leur demander le chemin. Quand je relève le visage d’une femme, je ne sais plus où regarder. Elle non plus, je crois, puisqu’elle n’a plus ses yeux. Il reste seulement deux trous vides. Elle a les cheveux rasés et est dépouillée comme tous les autres d’ailleurs. Je tente de revenir sur mes pas, mais avant même de commencer à marcher, je sens une douleur derrière ma tête et en voyant tout le sang, je m’évanoui…
Je ne sais pas exactement combien de temps je suis resté couché par terre. J’ai fait un drôle de rêve. Mes parents étaient là, les vieux aussi. C’était une belle journée de juillet. Il faisait chaud, les oiseaux chantaient, tout le monde s’amusait. Papy m’avait appris à nager et on avait fait un beau pique-nique. À mon réveil, je verse une larme… Je viens de comprendre que mes parents sont morts. Je demande à l’infirmière pourquoi je suis ici? Elle me répond que quand l’Union soviétique est arrivée, les troupes allemandes n’avaient aucune chance. Après la victoire, des soldats russes m’ont vu par terre et m’ont ramené ici.
On a gagné la guerre. Les autres taupes comme moi sont sortis de leur trou, elles sont libres. Je le suis aussi, mais j’ai perdu tous mes proches et ma vie a basculé pour toujours.
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Première Mention:
Rébecca Poudrier (pseudonyme: Tourterelle-0987)
École secondaire du Rocher (enseignante: Nancy Leblanc)
Le monument sacré
– Nathanaël, écoute-moi bien, dit-elle le souffle court en regardant son fils droit dans les yeux, quand ils arriveront, tu passeras par derrière, tu emprunteras le sentier qui mène à la Grande-Montagne et une fois là-bas, tu apercevras un pont menant l’autre côté de la vallée. Ton père l’a construit pour te protéger si des démons nous retrouvaient et il te permettra de te rendre au monument sacré, Élena t’y attendra.
– Mais Maman, je n’y comprends rien. Qui est cette dame et où seras-tu, toi? Viens avec moi, je ne serai pas capa… Le jeune homme ne put finir sa phrase que de violents coups fracassèrent la fragile porte de bois, soigneusement barricadée, située à l’avant de le vieille baraque qui lui servait de foyer. Le temps s’assombrit et des sifflements enrobèrent la maison.
– Mon fils, chuchota sa mère gravement malade, suis mes directives et cours, ne regarde jamais derrière. Pars maintenant.
L’enfant secouait la tête de droite à gauche avec hésitation en chuchotant : non.
-MAINTENANT, cria-t-elle, usant de toute l’énergie qui lui restait.
Il courut, encore et encore, enjambant tous les obstacles devant lui, les racines d’arbres et les énormes pierres, c’est alors qu’un coup de feu retentit dans la forêt. Le cœur de Nathanaël cessa de battre alors qu’il courait à toute vitesse. Il s’effondra sur ses genoux, posa ses mains sur sa tête et cria de toutes ses forces, mais le tonnerre et les éclairs ne lui laissèrent pas le temps de se recueillir et le poussèrent à rassembler le semblant de courage qu’il lui restait pour s’enfuir et suivre les ordres qui lui avaient été donnés. Ses bottes brunes étaient complètement trempées, la boue et l’eau avaient pénétré par les semelles trouées de celles-ci. Chaque pas émettait un bruit sourd qui s’étouffait dans la terre imbibée des violentes gouttelettes que l’orage avait produites. Le jeune homme escalada la montagne à bout de souffle et le cœur en mille morceaux, ne sachant pas ce qui l’attendait de l’autre côté. Ce mont lui avait pourtant été interdit d’accès pendant toute son enfance et jamais il n’avait enfreint les règles imposées par ses parents. Il tourna sur lui-même regardant l’horizon, cherchant désespérément le pont. Cependant, un épais brouillard s’était propagé dans toute la vallée et rendait la visibilité très faible, voire presque nulle. Nathanaël comprit que la seule option qu’il lui restait était de descendre plus creux, quitte à longer la vallée par la suite, pour trouver le pont, mais à cette hauteur, il savait très bien que ses chances étaient très minces. Le garçon poursuivit donc son chemin en descendant soigneusement la pente, soudain, derrière lui, il entendit un craquement de branche, sursauta et glissa. Il déboula jusque dans la coulée, il se releva complètement sonné, il marcha les yeux à moitié fermés. Impossible de courir, mais il persistait à avancer, puis il perdit connaissance.
À son réveil, devant lui se dressait un imposant édifice orné d’une croix peinte blanche écaillée, son souffle se coupa. Ses yeux bleus se baladèrent de l’ouest à l’est et contemplèrent les coulisses de béton entre les briques grises qui formaient le mur avant la bâtisse. Faible, il monta les quelques marches permettant d’accéder à la porte du monument. Il ouvrit précautionneusement l’immense porte à l’aide de la poignée froide et mouillée. Le grincement qui s’ensuivit fut si strident que Nathanaël ferma ses yeux et crispa son visage et resta ainsi pendant plusieurs secondes. Il fit son entrée. L’endroit était vaste et silencieux, deux longues rangées de bancs meublaient l’extrême droit et l’extrême gauche de la grande salle. En arrière-plan, on apercevait les chœurs et les bureaux d’évêques. Une église? Le jeune homme n’y comprenait plus rien. Pourquoi sa mère avait-elle appelé cette église le monument sacré et où était cette fameuse Élena?
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Deuxième mention:
Daphnée Koutsogianni (pseudonyme: Wilson):
Séminaire Sainte-Marie (enseignante: Mme Marie-Ève Poirier)
Amnésie
J’ouvre un œil puis l’autre. Je suis dans une petite chambre toute fade. Les murs sont gris et rien ne meuble la pièce, sauf le lit sur lequel je suis étendue. Cet endroit me rend triste, je me sens presque seule. Un puissant mal de tête déchire mon crâne. Un frisson e parcourt le corps. il fait si froid ici. Un rayon de soleil m’aveugle, sa chaleur attire mon attention et soudain je réalise: il y a une fenêtre. Je tente de bouger, je veux la rejoindre mais je me sens faible et mon corps est tout engourdi. Je suis retenue par des cordes à mes chevilles et mes poignets. J’essaie du mieux que je peux de m’en détacher mais il m’est impossible d’y arriver malgré mes membres squelettiques. Toutes ces douleurs physiques ne sont rien comparées à l’incompréhension, la solitude et l’inquiétude qui m’habitent.
Bientôt huit heures que je fixe le plafond de cette chambre sans pouvoir bouger. J’ai froid, j’ai faim, J,ai mal. J’entends des pas lourds s’approcher vers moi. J’utilise ce qu’il me reste d’énergie pour crier afin que cette personne vienne à mon secours. Toc, toc, toc. L’inconnu ouvre la petite porte, seule issue pour sortir de cet endroit. Un homme élancé vêtu d’une chemise blanche se présente à moi. Dr. Anderson, est-il écrit sur son sarrau. Il marmonne des termes incompréhensibles à mes oreilles tout en me regardant de ses yeux bleus et doux. Il me répète que tout ira bien, mais je sens qu’il est hésitant. Il me jure qu’il veillera sur moi chaque jour et me colle un masque rempli de gaz sur la bouche. Je m’endors tranquillement.
Je m’éveille, confuse, dans une nouvelle chambre, beige cette fois-ci. Où sus-je encore? Dr. Anderson est près de moi et me regarde avec pitié. Je ne ressens plus de douleur. Un long tube transperce mon avant-bras. Mes voix m’avertissent de me méfier: «il te drogue encore sous son aire bienveillant…» Suis-je dans un hôpital ou une prison? Je ne comprends pas. Le médecin voit mon insécurité, il me parle doucement pour me calmer. Il me dit que je m’appelle Lucie Smith, que j’ai 17 ans, que ma famille entière est partie et que la meilleure place pour moi est ici. Étrangement, je ne m’identifie pas à cette Lucie, je ne la connais pas. Sommes-nous plusieurs à habiter ce corps? Je panique, je crie, je pleure. Dr. Anderson semble effrayé.
De retour dans ma chambre, encadrée entre les murs gris où flotte une odeur insupportable de soufre. Trop de jours que je suis ici, il faut que je sorte de cette chambre, mes voix me le répètent sans cesse. On m’a détachée mais enfermée à clé. Comment m’enfuir? chaque jour, le docteur vient me visiter et me pose encore et encore les mêmes questions auxquelles je n’ai pas de réponses. Il répète, comme un vieux disque qui saute, que je suis gravement malade, que j’ai besoin d’être soignée et surtout, que je ne dois pas écouter les voix dans ma tête. Je ne comprends pas pourquoi puisqu’elles me tiennent compagnie.
Comme chaque matin depuis trois ans, les pas hésitants du Der. Anderson me réveillent. Cependant, aujourd’hui est un jour différent: je m’enfuis de ma prison, c’est décidé. Après trois ans de thérapie, je vais mieux, mes voix me l’ont confirmé. Je vais rejoindre ma famille. J’ai tout planifié. Un, je m cache derrière la petite porte. Deux, Dr. Anderson entre dans ma chambre. Trois, j’enfonce le bout de bois qui me servait de patte de lit dans le ventre du docteur. Il s’écroule sur le sol. Son sang tache mes mains et étrangement, je me sens bien. Quatre, je cours sans m’arrêter jusqu’au cimetière. Cinq… un sentiment de déjà vu me hante. Je m’arrête devant une énorme pierre tombale et je lis l’épitaphe: « À la mémoire de la famille Smith». Des images défilent dans ma tête. Je me vois les mains tachées de sang. Ça y est, tout me revient. Il y a trois ans, quatre mois et six jours, moi, Lucie Smith, 17 ans, j’ai assassiné ma famille.
Pourquoi?
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Troisième mention:
Élizabeth Asselin (pseudonyme: Bébé canelle 123)
École secondaire Paul-Le-Jeune (enseignante: Éricka C.- Carrier)
Sa vie, sa maladie
Elle. elle a trois ans. Elle sent bien que quelque chose ne va pas, que quelque chose n’est pas normal, mais elle ne sait pas quoi; à seulement rois ans, elle est insouciante. Elle pleure beaucoup, elle devient colérique et semble instable. Elle refuse de manger, de dormir, Elle l’ignore encore, mais ses parents, eux, en sont convaincus: ils ne seront plus jamais tranquilles.
Pendant quelques semaines, l’hôpital devient sa deuxième demeure. Sa vie bascule: les infirmières l’entourent, les médecins l’examinent, ses parents la surveillent. Ils veillent même sur elle na nuit pour vérifier son état. À travers la tourmente, le regard des gens se transforme. Elle devient une grande fille avant son temps. C’est comme si une partie d’elle-même était morte et malgré l’appréhension, elle sourit lorsqu’on la prend en photo. Parce que même si elle n’a que trois ans, elle comprend qu’il faut toujours sourire quand une photo est prise…
Les allers et retours à l’hôpital sont de plus en plus fréquents. Sur la route, alors qu’elle entend une chanson de Marie-Chantal Toupin à la radio, elle chante «je veux vivre quand même», sans même comprendre le sens de ces paroles. Et c’est ce qu’elle fera: elle vivra quand même. Dans l’angoisse et la honte, transportant avec elle un secret qui la rend si méfiante.
Elle vit, vieillit, elle entre à l’école. Elle pénètre dans un milieu hostile. C’est un malheureux hasard que son nom rime avec le nom de sa maladie: d’ailleurs, certains ne se gênent pas pour le lui rappeler. Ils savent qu’elle est différente: elle ne le cache pas, mais elle veut être respectée malgré tout et ce n’est pas toujours le cas.
Sa mère affirme que la maladie ne l’empêchera jamais de faire ce qu’elle veut, mais ce qu’elle entend, c’est qu’elle doit être la meilleure dans tout. Et c’est ainsi qu’elle se définit désormais. On la croit inébranlable. C’est ce qu’elle souhaite et c’est ce qu’elle projette. Sa moyenne reste bien au-dessus de celle de ses camarades de classe et elle cumule les exploits sportifs. Ainsi, ceux qui ne savent pas ne s’en doutent même pas et c’est bien mieux comme ça.
Elle devient une adolescente. Affligée, embarrassée, tourmentée. Elle ne se souvient pas de la dernière fois où elle s’est sentie «normale», mais elle sait qu’aujourd’hui, elle ne l’est pas et elle ne le sera plus jamais. Elle fait tout pour le cacher.
Elle se révolte, mais pas trop, parce qu’elle ne veut pas mourir. Certains comprennent, alors que d’autres ignorent encore. Elle craint le regard des autres qui, pourtant, sont souvent indifférents. La seule personne que cela dérange vraiment, c’est elle, parce qu’elle n’accepte pas. Pas encore. Elle a juste appris à vivre: de la seule manière dont elle l’a toujours fait.
Elle ne sait pas comment se déroulera la suite et je ne le sais pas non plus. Elle, c’est moi. J’ai quinze ans. J’ai seulement un frère, mais mes parents ont vu grandir trois enfants: le dernier n’était pas planifié… Chez moi, on l’appelle Diabète.
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