Vie de guerrière… poésie en prose de Camille Pronovost

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Les chiffres

Mains moites, cœur battant, je pars pour la guerre. L’ennemi est menaçant et sans pitié. Arme à la main, je ne peux plus reculer. Je dois faire mon devoir et me lancer, sans vraiment savoir quoi faire. J’attaque! Je me ravise. J’ai oublié. Oublié comment faire. Je rends les armes, déçue et frustrée. Encore une fois, j’ai perdu la guerre. La guerre des chiffres. « x » et « Y » sont venus, ont vu et m’ont vaincu, sans remords.

Je me sens couler au fond de l’océan. Pour les autres, c’est tellement facile. Pourquoi la vie est si injuste? Pourquoi les autres ont un bateau à moteur alors que je n’ai qu’une chaloupe trouée avec une seule rame? Je me noie dans la mer de chiffres. J’étouffe.

Soudain, une lueur d’espoir. Quelqu’un m’envoie un gilet de sauvetage. Il ne me fait pas avancer plus vite, il ne me permet pas de ne plus jamais tomber à l’eau, mais au moins, il me garde en vie. On m’apprend que ce n’est pas de ma faute. C’est la Dyscalculie. La Dyscaquoi? La Dyscalculie.

 

La clef de ma chair.

Clef à la main, tout mon corps tremble. Hésitation? Fébrilité? Je ne sais pas. J’ai mal. J’ai mal. Pourquoi? Je vais le savoir. Avec la clef, je m’ouvre de petites fenêtres pour voir le temps qu’il fait dehors. J’ouvre d’abord tout petit, pour voir. Il pleut goutte par goutte. Ça va. J’en ouvre une autre. Plus grande, cette fois. Ha! Ici, c’est l’orage. La pluie entre dans la maison. L’eau coule sur mes cuisses et mes bras. À la vue de l’eau qui s’invite pour effacer ma peine, je souris. J’ouvre une dernière fenêtre. Plus grande que prévu. Une porte patio. Une baie vitrée? Peut-être. Dehors, c’est le chaos, c’est l’ouragan, le tsunami. La pluie emmène l’océan et je nage tant bien que mal dans cette marée. Mouchoirs, serviettes, éponges, serpillière, tout pour éponger. Rien à faire. Je suis allée trop loin. Le tsunami ne se calme pas et je commence à manquer de force. Je ne peux plus nager. Soudain, l’accalmie. Enfin. Je recommence à respirer. Je nettoie les dernières gouttes et referme la fenêtre du mieux que je peux. Oups. C’était du sang.

Ma première maison

Dans ton petit lit, tu cours après la vie, toi qui es en manque. Branché de partout, tu te bats contre quelque chose de bien plus grand. Tu regardes le temps te voler ton enfance et la mort te voler ta vie. Impuissant mais heureux, tu passes ton temps à jouer. Tu reste calme en acceptant ton sort, comme un petit grand sage. L’hôpital est ta maison et le personnel ta famille. Gavage, prise de sang, scanner, tu es un vrai petit rat de laboratoire. Tu ne comprends pas, mais tu te laisses faire. De toute façon, jusqu’à maintenant, c’est tout ce que tu connais. Tu n’a jamais vu ta vraie maison et tu vois tes parents qui pleurent en portant des chemises de médecins. Les mois passent et tu prends du mieux. Pour la première fois, tu sors et tes yeux cherchent leurs repères, maintenant perdus. Tu découvres ta seconde maison, ton frère et pour la première fois, tu découvres qu’il existe autres choses que des chemises d’hôpital comme vêtements. Au fils des ans, tu retournes dans ta première maison et les prises de sang continues, mais aussi les traitements pour te faire grandir et les opérations. Tu connais ton hôpital comme ta poche et tu ne peux partir sans avoir dit au revoir à tout le monde. Sans non plus passer à la cafétéria pour te prendre une collation pour le retour. Un jour, tu voleras comme les autres et tes ailes seront immenses. Mais pour l’instant, il faut les réparer, mais ne t’inquiète pas : Sainte-Justine est là.

Ma place tant cherchée

Les grandes tours vitrées m’étouffent. Elles se rapprochent pour m’enfermer. Les gens me percutent sans voir et déambulent dans la métropole telle des fourmis ouvrières.  Je cours, mais le temps file trop vite. Beaucoup trop vite. Devant moi, une sortie de secours. Je saute dans le vide. Je suis propulsée dans un monde où le temps est élastique. Je regarde autour. Tout est plus petit : les rues, les maisons, les villes…tout. Non, en fait, il y a quelque chose de plus grand : moi. J’ai enfin trouvé un monde à ma taille. C’est l’endroit rêvé. La nuit tombe. Des étoiles. Je n’en avais jamais vu autant. Impossible de les compter. Elles me regardent et elles veillent sur mes rêves. Mes yeux pleurent devant tant de beauté. La lune joue à cache-cache derrière les arbres qui touchent le ciel. C’est ici, le paradis.

Lettre à un ami sauveur

Quand tu es arrivé, je ne m’en doutais pas. Quand je t’ai vu pour la première fois, je dois t’avouer que je te trouvais un peu bizarre. Mais je t’ai quand même écouté et j’ai bien fait. Chaque jour, je m’abreuvais de tes paroles, parfois sérieuses, parfois jetées en l’air, comme des oiseaux qui s’échappent de leurs cages.

Les jours passaient et peu à peu, tu es devenu le centre de mon univers. Ton monde n’a fait qu’un avec le mien.

Le jour de notre première rencontre, tout est allé tellement vite. Tes yeux azur se sont posés sur les miens et à ce moment-là, je n’aurais jamais cru que tu allais changer ma vie. C’est sûr, il y a un « avant » et un « après » toi. Tu m’as offert une vision sur le monde et une manière de dire les mots sur un plateau d’or que même les anges ne pourraient pas refuser.

Au fil des années, nous avons arrosé et parsemé de graines notre jardin de l’amitié, en faisant attention pour ne pas que les mauvaises herbes prennent le dessus. Surtout la mauvaise herbe du temps, celle qui nous menaçait. Le temps passe, on ne se voit pas, mais l’amitié reste.

Chaque rencontre est une aventure, chaque parole est un cadeau, chaque sourire est une récompense et chaque regard est un espoir. Pour l’instant, le monde entier t’écoute. Mais si par malheur il venait un jour où tu n’avais plus d’audience, regarde bien, car je serais là. Je te fais le serment que je continuerais encore à écouter tes histoires de village et tes réflexions sur le temps. Le temps qui passe, le temps perdu, le temps passé et surtout le temps futur. Tu ne te rends sûrement pas compte de tout ce que tu m’as donné.

Merci mon ami.

 

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