Nu comme un arbre en hiver… suite poétique de Sonia Champagne

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Vite vite

À cette fête imprévue, je le vois descendre le regard sur mon portrait

Peinture fraîche, tableau carré

Il désire mixer sa couleur rouge avec ma couleur jaune

Offrant au monde un feu d’amour sur terre

Ses mains me dénudent de mon image artificielle

Parade, mascarade et trompettes

Je m’agenouille et j’attache mes lacets au plancher

Gardien d’une stabilité morale

Son regard creuse un sentier dans ma bouche de briques

Je mange les racines du seul pissenlit qui habite cette terre aride

Elles se gonflent, prennent de l’expansion comme un Big Bang

Inondation souterraine, courant d’eau impétueux

J’exulte d’allégresse

Sa foi touche à mes épaules de carton

Fragilité dans mes plaies suspendues au bois

Exsangue dans mon cerveau rempli de beuveries immatures

Chasseur de spectres

Je suis ta cible

 

Moutons de consommation

Nous sommes un troupeau

Petites têtes, grosses têtes

Petites personnes, grandes personnes

Les pores de nos visages chargés de sébum reflétés par le soleil

Détruis les images préconçues

Pensées carrées et obstruées par l’autoroute mécanisée de la consommation

L’instant d’un crachin de convoitise

Déplacements surveillés d’une houlette

L’ombre omniprésente d’étendards perçant le coin de nos périnées

Marche d’artificiers assoiffés de vinaigre

Dictature couronnée

Nos yeux de mouton blanc devant ce berger aux épaules droites

Je chasse les envies

 

Les points rouges

La sexualité est comme un jeu de battleship

Adversaire, complice missionnaire

D’une stratégie de séduction

Je capte le stratagème aberrant du singe conditionné

Position en croix, les points rouges font des cercles dans ma tête

Jeu de stupeur, je daigne me résigner aux flatteries poissonneuses

Touchées

Tel un vigneron qui souhaite cultiver ma fleur sucrée

Je le reçois comme un épouvantail déchu au souffle du diable

Position de nudité, je le regarde dans le cristallin de sa chair fumant de sève

Et je scrute

Et je touche

Les points rouges font des cercles dans ma tête

Les mains flâneuses sur la ligne de mon torpilleur

Une tension, une énergie, monte le gratte-ciel de la performance

Dominant et dominée

Je le vois faire le compte de sa prochaine réussite au jeu

Je demande le décorum de la partie entamée par le désir du succès

Apocalypse de chance homogène à l’ingrédient de la passion

Les points rouges font des cercles dans ma tête

Aboutissement programmé au plaisir animal

Je le sens venir

Touché, coulé

 

Rencontre de première nuit

Cela m’échappe, quelle date sommes-nous

Au-dessus du sol qui se rafraîchit

Au-dessous d’un plafond qui m’écrase

À côté d’une voiture des années 1970

Au loin, je me vois traverser la rue

Le corps brisé, le visage mort d’un gris bleuâtre

Je cours en marchant dans l’intention de faire sa rencontre

Yeux dans les yeux, je désire me poser à ces lèvres tel un monarque en chrysalide

Cela m’échappe, quelle date sommes-nous

Dorénavant, je me penche sur l’idée d’une couverture pour m’abriter

J’ai froid, j’ai soif, je suis trop faible pour ramper au sol

Le froid enneigé suscite en moi l’idée de le revoir

Je veux faire de lui un immortel refrain d’un hymne national

Cela m’échappe, quelle date sommes-nous

Les cristaux du ciel me parlent

Ils me disent de patienter

De fermer les yeux

De laisser la mort me mourir de mon désespoir

Je sens le vert de gris de mon coeur s’entreposer chez lui

Une fois de plus, chez lui

Cela m’échappe, quelle date sommes-nous

Les journées boomerang s’achèvent

Je peux maintenant m’asseoir sur mes fesses

Ainsi pour m’enraciner dans cette verte plaine

Les fleurs, les feuilles se glissent dans ma conscience dépouillée

Je pense à moi

Je pense à lui

Je pense à nous

Et pourtant sous les lumières du plafond

La saison change en nous

Le fruit de notre rencontre s’éternise sous cette horloge pesante

Je m’effraie

Il m’effraie

Nous sommes le 30 février

 

Nature naturelle

La nature porte le visage de mon arrière-grand-père

Née d’une mère, je scrute les particules de ces empreintes fondatrices

Elles s’infiltrent en moi tel un livre ouvert aux pages de ma déchéance bestiale

Coup de canon, je m’imprègne de sa longévité

Bâtie de la vieille, elle fait vibrer la pluie qui coule le long de mes joues

Je ressens le vide absolu qui s’était longtemps rempli d’absurdité

Comme une veilleuse du soir dans la chambre de mon enfant intérieur

Douceur du dimanche

Inoffensive et omniprésente

Fécondité du neuvième mois

Passe au cou ce charmant papillon qui frissonne les oreilles

Je ressens la délicatesse de son odeur parfumée de bébé-lait

Mes puissants battements de cœurs rythment avec le vent chaleureux

Même dans l’ombre de ses arbres, je ne ressens aucun froid

Je reconnais cette élégance

Jardin d’Éden

Je construis mon temple comme je construis une église

Je me couvre d’une grandeur sonore de cris victorieux

Je soupçonne les lourdes cloches de définir une splendide silhouette à mon corps

Balancement des hanches dans les escaliers de nuage

Mon corps nu est transporté par un souffle adoucissant

Je me vois plonger dans le coeur d’une agnelle

Mon temple rame dans l’océan de cristal

J’invite à ma danse le choeur harmonieux qui me fait rêvasser en couleur

Arc-en-ciel de folies entre la joie et la peine

Je demande à la fondation d’ouvrir mes mirettes enflammées

Voir le paysage comme dans les yeux d’un chasseur de l’aube

Paysage d’un tapis étoilé et d’un plafond d’herbes à la rosée

Je laisse traverser ma lumière dans les vitraux

J’illumine le soleil pour mettre de la couleur pastel dans la nuit

Je m’éloigne pour prendre repos dans le bain de mousse

Bible à la main, je feuillette l’immensité de ma biographie

Mon temple rame dans l’océan de cristal

Tel un pirate en recherche de son trésor

Finalement, je dépose une pierre sous l’orgue pour retirer l’excalibur

Excalibur réservée

Excalibur fidèle

Au bruit des tuyaux, je retire l’épée du roi de la pierre

Touche finale, je me transforme en pierre

Décor honorifique de mes empreintes dans ce jardin d’éden

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