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Les attentes étaient grandes dès l’annoncement du casting. Les téléspectateurs avaient tous hâte de revoir Karine Vanasse dans une œuvre de Léa Pool puisqu’elle avait fait ses débuts dans son film Emporte-moi.
On ne sait jamais à quoi s’attendre des adaptations de livres en films. Nous avons soit les adaptations libres qui modifient partiellement ou totalement l’histoire et les adaptations fidèles qui reprennent l’œuvre dans les grandes lignes.
C’est ce qui est arrivé avec le livre Et au pire, on se mariera un bestseller de Sophie Bienvenu sortie en 2014. Ce film a subi une adaptation fidèle en 2017, par la réalisatrice suisse-canadienne connue pour sa démarche cinématographique originale, Léa Pool, qui est tombée en amour avec ce roman.
Aïcha (Sophie Nélisse) a eu une vie compliquée dès sa naissance. On pouvait déjà prédire qu’elle aurait des troubles d’adaptation avec les gens de son âge et avec elle-même. Conçue d’une relation extra conjugale et élevée par une mère qui travaille trop. En plus, d’avoir un beau-père qui dépense toutes les payes au jeu et dans l’alcool, Aïcha a grandi en suivant Hakim (Mehdi Djaadi) dans les bars, en manquant de l’école et en écoutant des films toute la journée. Elle a subi une relation incestueuse qui mènera à une scène très émouvante entre la petite Aïcha (Isabelle Nélisse) et sa mère (Karine Vanasse) lorsqu’elle doit lui avouer.
Aïcha sait au plus profond d’elle, qu’elle a besoin de sa mère, cependant elle reste avec un dédain envers sa mère et ses efforts. Elle aura pour amis que deux prostitués jusqu’au jour où elle rencontrera Baz (Jean-Simon Leduc), un musicien qui fait deux fois son âge, dans un parc là où elle avait l’habitude de manquer l’école. Un amour à sens unique va se développer pour Aïcha qui ne cessera pas de tout essayer pour le faire tomber sous son charme. Cependant, cet amour ne sera pas tout à fait sans séquelle. Ce qui la mène à raconter sa vie devant une enquêtrice qu’on n’entend pas et ne voit pas, pour ramener l’idée du livre qui est simplement un long monologue d’Aïcha.
« Je voudrais être une pute, mais juste pour un seul client, un respectueux. Un qui me demande comment c’est passée ma journée, qui me ferait couler un bain. Moi, je lui ferai à manger et je m’occuperai de la maison. Sinon on aurait une femme de ménage. Je serais en amour avec lui, pis lui avec moi. Il me laisserait faire tout ce que je veux comme partir en vacances en Afrique, regarder des vieux films toute la journée ou je ne sais pas quoi. On aurait vraiment une belle vie. Pis au pire si c’est trop compliqué, on se mariera. » -Aïcha
Le titre de l’œuvre tourne autour de cette phrase qu’elle dit à Baz lorsqu’elle parle de son avenir. C’est cette phrase qui démontre la naïveté d’Aïcha, son amour pour Baz et par ailleurs son passé avec Hakim. Bref, cette phrase résume parfaitement la vie et les intentions de ce personnage.
Sophie Nélisse avait déjà été approchée en 2015 pour le rôle, mais avait refusé puisqu’elle ne voyait aucune attache avec Aïcha et ne voulait pas faire les scènes de sexe. Ayant toujours été une des plus jeunes actrices dans sa gang d’amis de tournage, elle prit de la maturité rapidement. C’est seulement en 2017, lorsque la chance se reproduit, qu’elle accepta le rôle après avoir eu une relation semblable avec un garçon ayant quatre ans plus vieux qu’elle. Il lui disait qu’elle était trop jeune et qu’elle était comme sa petite sœur à ses yeux. Donc, Nélisse comprenait comment Aïcha pouvait se sentir face à Baz qui lui disait les mêmes choses, ce qui amenait un peu plus de crédibilité au sentiment démontré par Aïcha.
Le film est très bien tourné et les jeux de caméra sont très bien faits cependant l’histoire met du temps à amorcer. Les thèmes abordés et le moyen utilisé pour rester fidèle au livre ont énormément de potentiel. Cependant, les ralentis et les silences dans les dialogues sont excessivement abusés ce qui enlève de la crédibilité à l’histoire. On voit bien et comprend bien les émotions d’Aïcha, mais nous avons du mal à comprendre ses réactions aux situations. D’un autre point de vue, on se demande si ce n’est pas fait exprès pour démontrer l’entêtement d’Aïcha.
Les changements entre la réalité et les fantasmes d’Aïcha sont tellement subtils que nous avons du mal à comprendre qui est réellement Baz et ce qui est réellement arrivé. Nous sommes confus à savoir si Aïcha a vraiment tué par amour, en se fiant à son passé qui l’a rendue émotionnellement instable ou si Baz ne serait pas un manipulateur qui aurait tué la fille en faisant passer son meurtre sur le dos d’Aïcha.
Un autre aspect du film qui nous rend un peu mal à l’aise, c’est les amis travestis prostitués d’Aïcha qui sont tellement surjoués qu’ils en deviennent clichés. On pourrait croire que c’est pour rajouter un soupçon de comique, cependant ça devient comme un moyen de les ridiculiser.
En résumé, Et au pire, on se mariera est un film dramatique qui nous pousse à faire de nombreuses réflexions pour trouver la vérité de l’histoire, en plus de nous faire réfléchir sur plusieurs sujets tabous. Il n’est pas difficile à dire qu’il s’agit d’un film fort en émotions, qui peut apporter des conflits d’opinion.
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