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Après dix épisodes en dix semaines, après le travail acharné de 35 comédiens, qui fut précédé de l’écriture intelligente de Serge Boucher et la réalisation de Francis Leclerc, l’aventure Apparences est terminée pour ses auditeurs à Radio-Canada depuis le 13 mars dernier. Si on a suivi cette équipe, épisode après épisode, il va sans équivoque que l’on en réclamerait plus. L’intrigante histoire d’une famille, désemparée par la disparition de l’un de leurs membres, avait de quoi attirer l’attention de tous.
À prime abord, deux jumelles, complètement différentes, forment une seul entité. L’une d’elle, Nathalie Berubé –jouée par Geneviève Brouillette – est une comédienne célèbre. Déjà, un lien fort l’unit avec le titre du téléroman. Joue-t-elle toujours un personnage? Sa forte prestance est-elle seulement une carapace? Bien sûr, ce ne sont que des suppositions, qui, de fil en aiguille, se sont confirmées. Son amoureux, Samuel, est beaucoup plus jeune qu’elle et l’apprécie probablement faussement pour se donner de la visibilité dans le monde du spectacle. Malgré tout, Nathalie n’est pas aussi forte qu’elle ne le croit elle-même. Derrière les apparences d’une famille soudée et qui a bien réussi, se trouve plusieurs cas de détresse. Son frère, Gaétan Bérubé (Alexis Martin), est alcoolique, dépressif et, dans les premiers épisodes, il est enfermé dans un centre de désintoxication. Son fils ne le considère qu’à peine et sa femme exige de lui un comportement impeccable. Il va sans dire qu’il est la risée de la famille Bérubé malgré qu’il ne soit pas le plus fou ni le plus dépressif de celle-ci. Effectivement, Benoit Bérubé (Daniel Parent), le sportif de la famille, a honte de son fils autiste et n’est même pas capable d’admettre qu’il se blesse en faisant sa course matinale. Une des fiertés de leur mère Fernande (Nicole Leblanc), mis à part Nathalie et Benoit, n’en demeure pas moins Manon, qui est jouée par Myriam Leblanc.
Elle est, à première vue, celle qui n’attire aucun regard, celle qui est même presque insignifiante. Cependant, tout a chaviré dans sa famille lorsqu’elle a disparu dès le premier épisode. Enseignante, célibataire et sans enfant, elle ne fait jamais parler d’elle. Tout le mérite est pour sa sœur Nathalie et pour son frère Benoit, récompensés par leurs exploits. Malgré tout, Manon cache bien des secrets.
Cette histoire de famille est commune. Peut-être plus extravagante que la normalité, mais il est facile de s’y identifier. Combien de membres d’une famille essaient de cacher leurs échecs aux autres? Combien de personnes cachent leur peine? Combien font semblant que tout va bien lors de rencontres supposément festives. Sans doute beaucoup, sans doute trop. Une phrase décrit à la perfection tout le propos du récit des Bérubé : «Comment peut-on passer sa vie les uns à côté des autres, sans savoir de quoi l’autre est en train de vivre ou de mourir?» Cette phrase provient du journal que Manon écrit, bien avant que l’histoire du téléroman ne commence, bien avant sa disparition. Ce sont les phrases de ce journal qui donnent de la chair au suspense psychologique. En effet, la professeure disparue écrit comme si elle était Nathalie, comme si elle était sa propre sœur. Ses ébats amoureux avec Samuel, ses pensées sur les membres de sa famille. Tout est décrit de façon détaillée. Voilà le seul héritage qu’elle laisse avant de partir, avant de mourir. Nathalie se retrouve à lire des pensées, qui ne sont pas d’elle, pas de sa main d’écriture.
Pourquoi Manon se prend-elle pour sa sœur? Pourquoi vole-t-elle des objets à Nathalie? Pourquoi s’est-elle suicidée en portant sa robe de gala? Au départ, on croit qu’elle aurait voulu tuer symboliquement la célèbre actrice, qui lui volait la vedette jusqu’à ce moment. Cependant, il s’agit d’une histoire de cœur avec, comme elle l’appelait, «son amant de Québec». Une seule personne, Nathalie, arrive à des conclusions sérieuses, et ce, au dernier épisode. Le directeur, le patron de Manon, d’abord épris d’amour et de fascination pour Nathalie, devient le responsable du malheur de sa jumelle. Bien sûr, il est beaucoup plus facile pour lui de mouler Manon à ses propres fins. C’est pourquoi elle finit par se perdre dans cette relation et cela, jusqu’à en mourir. Nathalie décide de garder ce secret pour préserver sa propre famille de ce deuil qui cicatrise.
En conclusion, le suspense a su garder Manon vivante tout au long de ces dix épisodes. Le réalisme et la fragilité des personnages, derrière leur carapace, étaient impeccables, notamment, dans la scène où Benoit découvre Manon, dans l’eau transparente et à l’image de la femme. Aucun mot. Pourtant, sa tristesse aurait pu inspirer des encyclopédies. De plus, tout est habilement relié au thème principal : les apparences. Bref, les personnages, le journal et les circonstances de la mort de Manon ne seront désormais plus seulement en surface. On pourra peut-être essayer de comprendre ce qui se cache derrière la robe rouge et le collier de perles de nos proches.
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