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Lorsqu’on y pense bien, il serait impossible de vivre sans les couvertures.
Il y a tout d’abord les couvertures du matin, qui deviennent la seule raison de ne pas vouloir se lever. Elles nous font croire que notre lit est le plus merveilleux endroit sur terre et qu’on ne devrait jamais le quitter. Ces couettes font exprès d’être plus douces et plus confortables que les autres, nous faisant les regretter dès qu’on met le pied au-dehors en laissant échapper un «On est-tu ben dans nos couvertes!». Pourtant, d’autres couvertures veulent encore être découvertes et n’attendent qu’à nous couvrir…
Il y a les couvertures qui accompagnent les chagrins, autant les gros que les petits. Y-a-t-il un meilleur endroit pour pleurer que dans sa couverture? Toutes les peines prennent alors une grande importance aux yeux de cette grande et vieille amie, qui nous enveloppe de ses bras réconfortants. Elle semble nous dire : « Peu importe si tu pleures parce que ton chien est mort, parce qu’un gars ne veut rien savoir de toi, parce que tu viens de te chicaner avec tes parents, parce que la vie te semble une montagne ou parce que tu t’ennuies de ton grand-père défunt, je serai toujours là pour te couvrir de ma douceur.»
Il y a les couvertures qui servent à la construction des fameuses cabanes qui restent gravées dans les souvenirs de chaque adulte. Lorsqu’on est petit, il n’y a pas de plus beau trésor qu’un amas de chaises, de grands bâtons, de divans et de couvertures, qui se retrouvent pêle-mêle au milieu de la salle de jeux. Tous ces objets, une fois bien positionnés, deviennent un véritable château fort qui protège les habitants de chaque attaque de chevaliers. Les couvertures sont le point clé de ces habitations, puisqu’elles jouent le rôle de toits, de tapis, de portes ou bien encore…de couvertures! Quelle grande tristesse lorsque vient le temps démolir notre cabane bien-aimée, juste parce que «Maman aime pas ça quand c’est sale dans la maison!».
Les couvertures carreautées rouges et blancs sont, pour leur part, un incontournable pour un pique-nique en famille digne des plus beaux clichés. Le matin, l’aventure commence par la quête du plus bel endroit pour aller dîner en plein air, puis par le remplissage de la voiture avec des jeux, des maillots de bain «au-cas-où» et de la nourriture, en prenant bien soin de ne pas oublier ladite couverte. L’arrivée au petit endroit paradisiaque, choisi unanimement par la famille, déclenche ensuite immanquablement des «Wow!» ou des «C’est donc ben beau ici!». Pendant que les enfants partent en courant à la recherche de l’endroit idéal pour l’installation des vivres, les plus vieux essaient de démêler le casse-tête de paquets à transporter. Viens alors le moment où on déplie la volée de carreaux rouges et blancs. Après quelques essais infructueux, la personne désignée à la couverte fait enfin preuve de bon sens et se place dos au vent, afin que le tissu vole dans la direction souhaitée. Finalement, il est indispensable de positionner des objets, qui sont souvent très hétéroclites tel un caillou, un soulier, une assiette et les fesses d’une personne quelconque, aux quatre coins de la couverture. Si cette règle d’or n’est pas respectée, il y a de fortes chances que la couverture, dès qu’on tourne le dos une seule minute, aille virevolter dans l’espace intime d’une autre petite famille d’aventuriers.
Il y a les couvertures de «Je-m’installe-devant-un-bon-film-ne-me-demandez-pas-de-sortir-ce-soir», qui sont parmi les plus confortables. La comédie romantique installée dans le lecteur DVD, les pieds emmitouflés dans des pantoufles (les miennes sont toutes en poils, ah quel luxe!) et la couverture en minou entortillée autour du corps, plus rien ne nous sépare du moment d’ultra-confort. Puis, du fond du garde-manger, le sachet de pop-corn s’écrie qu’il souhaite être de la partie. Réprimant l’envie de lui crier de se débrouiller lui-même pour se rendre jusqu’au salon, déjà tout éclaté, on trouve une parcelle de courage et on se lève. Trois secondes de course, deux minutes d’attente et trois autres secondes de course plus tard, on revient vers notre soyeuse couverture, qui nous regarde d’un air «Ne me quitte plus jamais comme cela, je ne pourrais le supporter!» , façon très hollywoodienne.
Les amateurs de feux de camp en plein air ont aussi leurs couvertures, les courtepointes cousues par des grands-mères connues ou inconnues, ou bien encore par des arrière-grands-mères que beaucoup de gens n’ont pas eu le plaisir de connaître. Peut-être bien que ces mères de famille avaient prévu le coup depuis longtemps et qu’elles savaient qu’en laissant ces couvertures en héritage, elles donnaient par le fait même à leurs descendants des moments de bonheur véritable. Leur instinct maternel n’est peut-être pas étranger à ces regroupements d’amis autour d’un feu, qui n’hésitent pas à se blottir les uns contre les autres, partageant leur courtepointe avec leurs voisins de banc qui n’ont pas la chance d’en posséder une. Dès que chacun est bien emmitouflé, les couvertures continuent d’exercer leur magie en réchauffant les idées et les confidences, qui ne manqueront pas de fuser de toutes parts et qui changeront un moment banal en un instant inoubliable.
Il ne faut pas oublier les couvertures du soir, qui deviennent de véritables boucliers. Avec courage, elles ne se laissent jamais intimider par les monstres qui peuvent roder dans mon garde-robe, ni par les cauchemars qui mettent en scène des hommes sans tête, ni par l’espion qui se dissimule derrière ma porte et qui attend seulement que je m’endorme pour s’infiltrer dans ma chambre. Elle n’aura même pas peur, et ça c’est le plus impressionnant, de l’araignée que je viens de découvrir à côté de mes cheveux et qui vient d’être propulsée à travers la pièce par mon doigt tremblant. Le soir, les couvertures se transforment en gardiens de sécurité, qui protègent autant les grands que les petits de leurs peurs indiscutables. Tous les pieds devront admettre qu’ils se sentent beaucoup mieux à l’intérieur des draps que ballotant en-dehors du lit, à découvert.
Il y a bien sûr les couvertures qui accompagnent les ébats amoureux, mais celles-ci font partie de celles qu’il ne faut pas soulever.
Les couvertures accompagneront inconditionnellement tous nos réveils et nos couchers, nos bonheurs et nos tristesses, nos moments de solitude, nos instants de retrouvailles entre amis, nos cauchemars et nos rêves, mais leur plus belle qualité, c’est qu’elles ne demanderont jamais d’explications.
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J’ai bien aimé le sujet de ton texte puisque qu’il n’est pas une répétition des autres sujets utilisés. Je trouve qu’il est réconfortant et original puisque tous les sous-thèmes sont des aspects familiers de notre société. J’ai adoré ce que tu as écris puisque même si le texte est long, je reste accroché du début à la fin et il est facile à comprendre.
J’ai trouvé intéressant et surtout très plaisant de voir comment tu as exploité le thème des couvertures, soit par des anecdotes et des souvenirs d’enfance. J’ai aussi bien aimé le ton que tu as utilisé pour traiter du sujet avec humour et légèreté. Bref, la lecture de ton texte m’a bien fait sourire !