Celle qui tisse le mieux, c’est ma grand-mère.

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Grand-maman. Pilier de la famille, tu tenais le fort à bout de bras. Veuve avec quatre enfants du jour au lendemain, tu t’es débrouillée pour qu’ils ne manquent de rien.

Une force de la nature qui ne s’est jamais plainte. Une maman ourse, une lionne. Tes enfants ont grandi et ils ont eu des enfants à leur tour. 12 au total, dont moi.

Reine de la famille, tu nous accueillais dans ton château sur la rue principale à bras et à cœur ouvert. Noël, Pâques, anniversaires, tout pour nous rassembler et resserrer nos liens, déjà si bien ficelés.

C’est comme si tu étais le métier et qu’on étaient les fils, grand-maman. Toujours là pour nous ramener à l’ordre, mais surtout, à l’essentiel : la famille.

Le temps a fait son œuvre et tu as dû quitter ton château pour aller en résidence. Tu n’étais pas trop malheureuse. Enfin, je crois. Tu connaissais déjà quelques amies qui logeaient à quelques mètres de ta chambre et je sais que vous aviez l’habitude de jouer aux cartes ensemble.

J’aurais aimé aller te voir plus souvent, mais du haut de mes dix ans, je ne pouvais pas encore conduire.

Néanmoins, on s’appelait souvent. Ça me rassurait quand j’entendais ta voix, parce qu’à dix ans, je commençais à comprendre qu’il me restait beaucoup plus de temps que toi.

Je me souviens très bien de notre dernier Noël avec toi. Cette année-là, contrairement aux autres, tu étais restée assise pour nous donner ta bénédiction des fêtes.

D’habitude, tu te tenais fièrement debout pendant que nous recevions tes souhaits, à genoux dans ta cuisine.

À onze ans, je ne m’en suis pas inquiété. Je me demande ce que mes parents, mes oncles, mes tantes et mes cousins ont pensé, eux.

Ce n’est que quelques mois plus tard que tu t’es envolée, un mois après le cinquième anniversaire de mon petit frère, le dernier de tes petits-enfants.

J’avais 11 ans, et je rencontrais la mort pour la première fois.

Subitement, on venait de perdre le fil conducteur de la famille. Comme ça, sans prévenir. Tu t’étais assoupie dans ta chaise berçante, mais tu ne t’es jamais réveillée.

Le jour de tes funérailles, j’ai mis ma robe de première communion, que je détestais, parce que je savais que tu me trouvais belle dedans.

Je n’ai jamais été une fille à robe, mais ce jour-là, je voulais te faire plaisir. À mon arrivée, on m’a collé une étiquette avec ta photo et le mot « famille » écrit juste en dessous. On m’a ensuite placée en ligne avec mes frères et mes neuf cousins près de ton cercueil, pour que les gens viennent nous serrer la main et nous offrir leur sympathie.

Si tu savais comme j’ai détesté ce moment, grand-maman. Je me sentais mal à l’aise, mais surtout, j’avais l’impression d’être un poisson congelé au milieu de ses semblables, qui se fait regarder par une foule à l’épicerie.

Honnêtement, je ne me souviens pas trop de ce qui s’est passé ensuite. Évidemment, nous sommes allés à l’église, mais je ne me souviens plus.

Dix ans ont passé depuis ton départ. Presque le double de mon âge. C’est long.

Tu dois être fière de nous : on se réunit encore en famille, quelques fois par année. On a bien retenu ta leçon : la famille, c’est le plus important.

Avec le recul, je suis certaine que tu attendais qu’on soient tous bien avant d’aller rejoindre ton homme, qui t’attendait au ciel depuis plus de trente ans.

Le plus jeune allait commencer la maternelle, le plus vieux était déjà à l’université, un avait obtenu son permis de conduire, bref, tout allait bien, pour chacun de tes douze petits-enfants.

Ne t’inquiète pas, on va bien. Même si on a perdu notre fil conducteur, notre cadre, notre métier, nos fils continuent de se croiser, encore et toujours plus fort.

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1 thought on “Celle qui tisse le mieux, c’est ma grand-mère.”

  • Très beau témoignage Camille. Certain qu’elle serait fière de sa gang.

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