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Je suis prisonnière au fond d’un trou, je ne sais pas où.
Prisonnière, de quoi, d’où, me dis-tu.
Pourquoi ne te lèves-tu pas?
Pourquoi restes-tu là?
Mes jambes ne fonctionnent plus.
Peut-être n’existes-tu même pas, cher étranger.
N’es-tu qu’une voix? Une illusion? Un fragment d’esprit malade?
Mon visage est tombé en morceaux, je ne vois que la boue au fond de ce trou.
J’ai mal, cher étranger. J’ai peur. J’ai froid. J’ai faim. J’ai soif. J’ai si mal.
Je n’ai que la terre rouge entre les dents, c’est immangeable.
Peut-être es-tu une oasis, comme dans les déserts.
Peut-être que tout ça n’est qu’un mirage.
Papa m’a raconté ce qu’est un mirage.
Quelque chose à voir quand rien il n’y a.
Je suppose que c’est ce que tu es, étranger.
Après tout, ma langue est au chat, tu ne m’entendrais pas.
Sûrement que ta présence ne devrait pas me rassurer, devrait-elle?
Je suis désolée, étranger, je ne saurais dire si tu es vrai.
Je suis tout de même heureuse que tu sois là.
Je me sens seule au fond de mon trou.
Si je ne sors jamais de mon trou, étranger…
Pourras-tu dire à mon papa que je suis au chaud?
À mes amis que je vais revenir jouer avec eux bientôt?
À ma maman, ne dis rien, elle ne t’écoutera sûrement pas.
Je suis tombée au fond de ce gouffre en jouant au héros.
J’ai voulu accomplir de grandes choses, étranger.
Sauver des vies, des princesses des dragons.
Je suis un échec, étranger.
Papa me l’a dit.
La nuit est dangereuse.
Pourtant, elle est si belle, étranger.
J’espère que tu peux encore voir la lune, toi.
Les sorcières sont beaucoup moins belles, étranger.
J’espère que vous n’en croiserez aucune.
C’est une chance de ne pas les voir.
L’ignorance est pourtant mortelle.
Elles se cachent avec les ombres.
Arrachent la peau qui protège le cœur.
Elles le brûlent pour lui enlever son courage.
Je me sens vide sans lui, je ne sais même pas si je sens.
Garde ton cœur loin des sorcières, étranger.
Je n’ai pas eu cette chance, moi.
Elles ne sont pas un mirage.
Ni même dans le sable.
Elles sont parmi nous.
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