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Je devais avoir 13 ans lorsque la décision fut prise de partir. Même si j’étais encore très jeune, ma mémoire restait marquée par le déroulement des évènements. Mes parents n’évoquaient rien en ma présence, l’histoire de ce déménagement encore moins. Ce fut donc la surprise d’être réveillé en plein milieu de la nuit et de partir sans valise et sans mon chien.
Notre chauffeur, un homme dont je ne me rappelle plus le visage, nous conduisit jusqu’à ce qui ressemblait à une base militaire. On roula une trentaine de minute pour y parvenir. Du mieux que je me souvienne, des gardes armés encerclaient cette base et surveillaient les grilles, sous la loupe attentive des hélicoptères qui balayaient la zone. Leur présence n’avait rien de décoratif, ils nous protégeaient contre la population qui se révoltaient dehors. De chaque côté de la voiture blindée, des journalistes nous prenaient en photo pendant que des milliers de manifestants scandaient nos noms et proféraient des insultes. L’horreur me frappa quand j’aperçu mon visage d’enfant collé sur une pancarte en carton et barbouillé de rouge. Que se passait-il? Je ne comprenais pas qu’on puisse me détester pour quelque chose dont je n’étais pas consciente. Un cri de mon père s’imprima dans mon esprit. « Roulez, bordel! ».
On entra finalement à l’intérieur d’un grand bâtiment de métal. Il s’agissait de la première fois depuis de longue minutes qu’on pouvait écouter le silence. Puis une sirène retentit alors que deux individus masqués ouvrirent les portes. Je suivis mon père et ma mère. On se dirigea vers une petite pièce où trois uniformes nous attendaient. Je compris alors ce qui se tramait en voyant le logo sur ce nouveau vêtement : une fusée entourée d’étoiles et le nom SpaceHouse. Un autre individu masqué se présenta avec trois pots contenant des cachets et des seringues. Nous y passâmes tous. Après ça, tout est devenu flou dans ma tête.
À mon réveil, le crâne me faisait souffrir. Étrangement, je me trouvais couchée dans un lit. Soudain, avant-même que je puisse analyser mon environnement, une sonnerie résonna. Une voix féminine se fit alors entendre.
— Chers passagers, bonjour. Je me présente, je suis Amanda Conway, vice-présidente des entreprises SpaceHouse et Capitaine-adjointe de ce colosse spatial, le SH-Washington, nommé en honneur du premier président des États-Unis. Tout d’abord, je tiens à vous informer que le décollage s’est parfaitement déroulé, nous sommes sans danger. Comme vous pouvez le constater, vous vous trouvez en ce moment dans votre lit, dans votre CPDS, votre capsule personnelle de développement spatial. À votre droite, sur la table de chevet, vous trouverez le matériel de base qui vous permettra d’évoluer à bord du SH-Washington. Parmi ces outils se trouve un bracelet, gardez-le précieusement, il est votre passeport pour vous déplacer. Pour toutes questions ou pour connaître notre histoire, consultez le guide du nouveau-monde, également sur votre table de chevet. Au nom du capitaine, je vous souhaite une première journée mémorable.
Il y avait belle et bien un bracelet et un guide. Suite aux avertissements, je l’enfilai sur le champ. Ce qui me servait de chambre me rendait assez heureuse. Un grand lit, une penderie avec de nouveaux vêtements et une grande fenêtre. Je m’approchai en sachant très bien ce que j’allais voir. La nausée m’attaqua avec cette vision de la Terre rétrécissante et du vide profond qui l’entourait. Soudain, une voix familière m’interpella : « Ça va ma cocotte? » demanda ma mère.
— Pourquoi? Pourquoi avons-nous quitté notre planète pour ce monstre de métal?
— Je comprends que ça semble incompréhensible pour toi, mais se serait trop long à t’expliquer, utilise ton guide et tu trouveras toutes les réponses à tes questions, dit-elle avant de partir.
4 ans, 11 mois et 28 jours s’écoulèrent depuis mon arrivé ici. Outre l’horaire d’école que je devais suivre, je trouvai le temps pour en connaître davantage sur ma présence ici et surtout, les raisons qui poussèrent une partie de la population à s’envoler vers l’espace.
En 2030, Ethan Johnson, un milliardaire qui fit fortune avec la pharmaceutique, décida que l’humain ne pouvait plus s’améliorer socialement. La seconde guerre civile américaine, qui se termina en 2029, était en partie responsable de son raisonnement. Il entreprit des pourparlers avec les différents gouvernements mondiaux pour établir un plan de relance humaine d’ici trente ans. Même si certains se virent d’abord craintif, comme la Chine et la Nouvelle-Corée-Unifiée, les promesses du jeune génie paraissaient alléchantes pour l’élite de la société, ou comme je les appelais, les 1%. Mon père qui occupait le poste de gouverneur du Kansas appuya le projet avec enthousiasme. Si cet Ethan Johnson parvenait à faire ce qu’il espérait, c’était tout simplement un bouton Reset dans notre univers. Au départ, je me sentais privilégiée d’être ici, entourée de personnes qui, dans l’ancien monde, étaient les plus puissantes de toutes. Mais peu à peu, mon bonheur devint un dégout de cette classe. Nous abandonnions la majorité de la population, pour notre propre intérêt. Autant je puisse y voir cette réalité, autant personne ne me prêtait d’attention. C’était normal puisque tous avaient appuyé ce projet. Et de fait, le guide du nouveau-monde ne cachait en rien la véritable nature du projet.
Une purge, tout simplement. L’objectif était bien clair : retirer les bases et les fondements démocratiques de la société en passant par le départ de tous les membres d’états et le renvoi des fonctionnaires. En effaçant l’élément premier, le gouvernement, c’était la fin de l’éducation, du service de santé et de tout ce qui constituait une société moderne. Évidemment, cette structure sociale ne pouvait pas disparaitre d’un seul coup. Mais avec les années, elle serait la proie aux attaques, aux milices et aux nombreuses idéologies qui se terraient jusqu’à présent, quand la force militaire existait toujours.
Il était temps de retourné sur la Terre. Il faut dire qu’avec ces cinq années de révolutions autour du système solaire, nous avions perdu peu à peu les notions de vivre sur la planète. Plusieurs semblaient tendu, Ethan Johnson le premier. Je le croisai quelques fois, mais sans plus. D’après les calculs, 75% de la population mondiale devait disparaitre pour pouvoir recommencer un nouveau processus de colonisation.
Si tous avaient conclut que la population faible et moyenne pouvait s’évaporer sans problème, aucun n’aurait cru en ce qui allait se produire ce jour-là. Depuis le commencement, le plan était bien différent. Ces hommes et femmes de l’élite qui croyaient retourner à une vie de pouvoir se trompèrent également. Ils faisaient eux aussi partie du 75%. Par son entreprise de pharmaceutique, Ethan Johnson avait contaminé la population avec un virus dont lui seul connaissait le remède. En retirant les dirigeants et en leur faisant miroiter davantage de pouvoir, il put les enfermés tous ensembles, pour les détruire ensemble.
J’eu la chance de demeurer vivante grâce à un tirage, contrairement à plusieurs de mes amis et de ma famille. Mais voir ce dictateur des temps modernes s’imposer comme le sauveur de la population me faisait souffrir. L’homme méritait bien le titre d’inventeur de la nouvelle révolution.
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