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Waste Land … Au pays des ordures
Plus d’un osera affirmer que l’art ne consiste qu’à appliquer du graphite sur du papier ou plutôt de la peinture sur une toile. Évacuer un surplus de rage ou de peine pour tous ceux qu’on nomme artistes et qui n’arrivent pas à gérer leurs émotions. Mais qu’est-ce que l’art véritablement? Et si c’était une nouvelle méthode pour sensibiliser les gens au monde qui les entoure. Ce monde que nous laissons tous mourir à petit feu, sans savoir réellement quoi en faire. Et si l’art se surpassait pour devenir socialement engagé… Et si, au contraire de ce que certains peuvent penser, les artistes n’étaient pas seulement des hystériques extravagants… Effectivement, l’art engagé occupe une place grandissante dans le quotidien de plusieurs artistes. Comme bien d’autres originaux, Vik Muniz a réussi, à sa manière, à faire une différence dans la vie des gens qui sous-estimaient l’influence de l’art. Ce New-Yorkais, constamment à la recherche de nouvelles idées, a accru sa popularité mondiale lors de la réalisation de son projet Waste Land réalisé en 2010. L’objectif initial de son travail était de représenter, avec les ordures, les trieurs du plus grand dépotoir de la planète, situé dans son pays natal, le Brésil, dans la région de Rio de Janeiro. Par contre, par la force des choses, des liens se sont créés entre Vik et les ramasseurs de déchets recyclables surnommés « catadores ». Son projet a donc pris une nouvelle dimension. De fil en aiguille, l’artiste arrive à saisir le réel désespoir et la dignité de ces gens vivant dans la misère. Il met sur pied des enchères contenant tous les portraits des « catadores » et versera l’argent amassé à ces personnes hors du commun. C’est ainsi que Muniz verra son projet grandir et devenir drôlement engagé et inspirant. Voilà pourquoi j’ose affirmer que plus d’artistes devraient s’inspirer de sa pratique et favoriser le changement par rapport à une cause qui leur tient à cœur.
Tout d’abord, il est important de savoir qui est l’artiste, pour ensuite comprendre l’issue de ses œuvres. Vik Muniz, né en 1961 à Sao Paulo au Brésil. Après avoir été atteint par une balle de fusil à la jambe, il reçut une compensation et utilisa l’argent versé pour s’installer à New York vers la fin des années 1980. Il entreprit une carrière de sculpteur, mais est rapidement devenu plus intéressé par les représentations photographiques de ses œuvres. Son intérêt se porte, dès lors, exclusivement sur la photographie. Son art consiste maintenant à transformer tout ce qui lui tombe sous la main en médium en vue de la réalisation d’une œuvre. Par la suite, il immortalise ce qu’il crée en image. Il effectue donc des créations immenses qu’il peut photographier d’un point de vue aérien. Les matériaux dont il se sert sortent complètement de l’ordinaire: terre, sucre, excréments, confiture, fil de fer, corde, chocolat, sang artificiel, jetons de couleurs, diamants, poussière, pâte à modeler, etc. À la toute fin, il démonte sa création pour n’en garder que la photo. C’est alors l’image qui devient l’authentique œuvre d’art. Le second aspect intéressant dans son art est sa façon de jouer avec les illusions optiques. Il se considère lui-même comme étant un illusionniste. De plus, son travail a connu un succès commercial et l’acclamation de la critique. De ce fait, le documentaire présentant son projet Waste Land a été nominé pour une dizaine d’Oscars en 2011.
Le but initial de Muniz était de représenter la vie d’un groupe de personnes avec les matériaux de leur quotidien. Ce projet qui semble simple nécessite, au contraire, énormément de préparation. Tout d’abord, les coéquipiers de Muniz ont dû faire des recherches sur l’état sociopolitique de Rio de Janeiro, plus précisément dans les banlieues situées près de la décharge. En effet, ils ont relevé qu’un risque subsistait à vouloir démarrer un projet à cet endroit étant donné que Rio est contrôlé par des trafiquants de drogues et des exclus de la société. De plus, il n’existe aucune preuve tangible que cet événement aura un impact social. La femme de Muniz est principalement en désaccord avec ce projet pour des raisons de santé. Elle l’est aussi pour ce qui en est de l’impact du projet sur la vie des gens qu’ils croiseront. Elle affirme que s’ils découvrent une vie meilleure ailleurs, ils seront attristés de revenir à leur réalité à la fin de la réalisation des portraits. Au contraire, son mari croit qu’il est important que ces trieurs de déchets puissent s’échapper de leur réalité pour découvrir un autre côté de leur monde. Du même coup, ils remarqueront comment l’art peut changer leurs vies. Il prévoit donc partir deux ans dans son pays natal en 2007. Après avoir trouvé tous les renseignements dont il avait besoin pour bien planifier son projet, Muniz, totalement convaincu, est parti en direction du Brésil. C’est en arrivant au pays qu’il visita le plus grand dépotoir au monde. C’est en posant les pieds dans les ordures qu’il fera la rencontre des trieurs. Ainsi, il en choisira quelques-uns parmi la marée de travailleurs et leur présentera son idée. Dressant le portrait complet de ses intentions aux trieurs, ceux-ci accepteront avec joie de participer à un projet qui sensibilisera le monde à leur cause.
Dès lors, le projet est officiellement en route. En mettant les pieds dans la décharge, l’homme comprend rapidement que le travail des trieurs est organisé. Besogner à cet endroit est énormément dangereux. Une affiche avertissant du danger de mort se dresse à l’entrée du dépotoir. Les centres de récupération sont présents partout à Rio de Janeiro. Chacun d’eux se trouve des trieurs prêts à travailler pour eux et leur attribue des tâches. Par exemple, ils peuvent être à la recherche d’un matériau en particulier dans le but de fabriquer toutes sortes d’objets. Par exemple, certains centres ont comme objectif de produire des pare-chocs. On dénombre près de deux cents tonnes de matériel recyclé récupéré par jour, par quatre cent mille habitants. Les femmes préfèrent se charger des matériaux plus légers comme le plastique. Chaque trieur détient son sac ou son baril à l’intérieur duquel il dépose toutes ses trouvailles. Par la suite, il regroupe ses acquisitions par compagnie de recyclage et des camions sont chargés de venir les chercher. Ces travailleurs sont indispensables pour Rio, c’est-à-dire que grâce à eux, 70% de l’espace de la décharge est libéré, chaque jour, pour accueillir les nouveaux déchets. Vik Muniz rencontre tout d’abord Isis, une jeune femme enjouée malgré sa situation. Elle travaille à la décharge depuis 2002 et affirme que travailler ici n’est pas un avenir. Il découvre aussi Tiao qui est le vice-président du mouvement des trieurs de déchets. Zumbi, Irma, Suelem et Magna feront aussi partie des gens que Muniz choisira d’intégrer dans son projet. Tous ces personnages détiennent un passé mouvementé, cette expérience changera, dès lors, le reste de leur vie. Ils réaliseront, au cours du projet artistique, que chacun a de la valeur en tant qu’individu et qu’ils ne sont pas seulement des ouvriers servant la communauté. L’artiste se trouvera donc un entrepôt à l’intérieur duquel il s’installera pour réaliser ses immenses portraits. Il photographiera, avant tout, chacun de ses sujets dans leur environnement quotidien en leur faisant prendre des pauses rappelant certaines toiles de l’Histoire de l’art comme La mort de Marat de Jacques Louis David et La vierge à l’enfant. Ensuite, il fera la projection de chaque photo au sol afin que leurs dimensions soient agrandies. De cette façon, les trieurs peuvent poser les ordures de manière à réaliser leurs portraits. Tous les participants, sans exception, ont été surpris de la splendeur des œuvres réalisées à leur effigie.
L’événement s’est finalement terminée sur une note positive, puisque tout l’argent amassé par les enchères des portraits, qui se déroulaient à Londres, a permis à ces trieurs d’améliorer leur sort au-dessus de celui de la misère, puisque la valeur de chacun des portraits s’est élevée au-dessus de dix mille euros. Tiao, qui avait une passion inconditionnelle pour les livres, a réussi à ouvrir une bibliothèque dans son quartier. Pour aller beaucoup plus loin, ce projet a aussi redonné de l’espoir à tous ces gens et leur a raccroché un sourire au visage. Ils mentionnent plusieurs fois ne jamais avoir cru pouvoir vivre ce genre d’expérience au cours de leur existence. Je trouve que l’implication sociale de cet homme est remarquable. Ce n’est certainement pas sans raison que cette réalisation lui aura remporté plusieurs Oscars en 2011. Son documentaire m’a énormément impressionnée et particulièrement touchée. Les gens n’osent généralement pas proposer des idées de la sorte en croyant qu’ils n’arriveront pas à les réaliser. Vik Muniz n’a jamais eu peur de la grandeur de ses projets. Quelques années avant la réalisation de son projet Waste Land, l’homme s’était rendu dans des plantations de cannes à sucre afin de faire le portrait de ces travailleurs en sucre. C’est d’ailleurs ces Sugar Children qui lui ont valu sa popularité internationale. Cet homme est, pour moi, une grande source d’inspiration et devrait être un modèle pour tous les autres concernés tant par les arts que les injustices sociales.
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Super article, il décrit vraiment bien la vie de Vik et Waste land, c’est du super bouleau!!!