Le grand cahier… critique de Marie Tousignant

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Le grand cahier
Rôles des jumeaux interprétés par : Olivier Morin et Renaud Lacelle-Bourdon

Catherine Vidal, ayant adapté pour le théâtre le deuxième roman de la trilogie d’Agota Kristof, Le grand cahier, nous amène dans un univers où pauvreté et manipulation sont au cœur des plus grands drames. Deux jumeaux, une histoire et des spectateurs confinés à leur réalité. Au beau milieu de la 2e Guerre mondiale, la vie n’est pas facile, mais que signifie cet événement aux yeux de jeunes garçons innocents transportés dans un monde de cruauté? Vidal nous introduit, ici, dans le quotidien de deux jumeaux, Klaus et Lukas, qui, après plusieurs coups durs, sont devenus complètement insensibles. Ces derniers sont ainsi pris en charge par leur grand-mère. Prisonnier de leurs malheurs, le spectateur assiste à l’évolution peu commune de ces deux frères racontant leur propre histoire.

 Le tout commence de façon peu conventionnelle. Les acteurs, déjà sur scène, font découvrir leur environnement aux spectateurs dès leur entrée dans la salle. Assis sur le sol, ils font sentir aux spectateurs qu’ils les observent comme s’il n’y avait aucune séparation entre l’univers des acteurs et celui des spectateurs. La mise en scène fait complètement abstraction de la norme théâtrale du 4e mur. C’est dans une ambiance voilée d’un malaise que les deux jumeaux commencent le récit de leur vie mouvementée. Leur histoire est divisée en chapitres dans le but de rappeler la présence du Grand cahier. Tout au long de la pièce, le duo met l’assistance face à des événements dégradants ou cruels, mais en n’éprouvant aucune émotion. Cette indifférence provenant des protagonistes a tendance à implanter une distance entre le spectateur et les faits, comme si on tentait d’inverser l’effet de catharsis habituel. Ainsi, même si l’on assiste à la mort d’un personnage, nous en sommes pratiquement aussi peu touchés que les acteurs. Cet effet est un peu paradoxal, puisqu’au commencement, la mise en scène fait entrer l’auditoire dans l’intimité des deux jeunes qui, par la suite, parlent de leur vie avec énormément de détachement. L’aspect le plus intéressant à prendre en compte est ce que font les personnages avec ce qu’ils ont à leur disposition. Effectivement, chacun des objets présents sur scène est manié de façon très brillante et détient une signification. Par exemple, ils se sont aussi servis de contenants remplis d’eau afin d’imiter le son de l’eau d’un bain en y plongeant uniquement leurs doigts, ce qui est très imaginatif. De plus, les patates placées bien à la vue dans des carreaux d’étagère sont le reflet de la pauvreté. Cet élément s’applique aussi à deux des lampes suspendues créées à partir de bidons d’essence. Quelques fois, les objets possèdent plus d’une fonction. Une des patates a servi de tête pour une représentation de la grand-mère, tandis que l’armoire, une fois renversée au sol et flanquée des deux jumeaux couchés, s’est subitement transformée en table représentée en plongée. C’est-à-dire que le spectateur pouvait voir toute la scène comme s’il était au-dessus d’eux. Tout le travail derrière cette mise en scène est particulier. L’éclairage tamisé de la pièce participe à l’intrigue de celle-ci. Fait intéressant, les personnages sont, parfois, eux-mêmes responsables de changer l’éclairage.

Aussi, la complicité des deux personnages est palpable dès les premières secondes lorsque les jumeaux commencent à marcher en parfait synchronisme. Cet effet se poursuit à travers le dialogue qui se fait entièrement au nous. De plus, chacune des descriptions est commencée par l’un des personnages et élaborée par l’autre, comme si ensemble ils se complétaient. Malgré le fait qu’ils ne soient que deux garçons présents sur scène, la pièce est composée de plusieurs personnages interprétés de manière impeccable par les acteurs. Chaque personnage possède une caractéristique propre à sa personnalité, ce qui permet aux spectateurs de suivre le fil du récit sans se perdre dans les rôles.

Le seul petit accrochage présent est la fin quelque peu ambigüe. Ayant trouvé un plan pour fuir la misère, les deux jumeaux se servent de leur père pour se sauver. Ainsi, ils le font marcher dans un champ de mines afin de savoir où ils doivent mettre les pieds pour partir sans y laisser leur peau. Ceci semble une issue presque «heureuse» jusqu’au moment où les spectateurs s’aperçoivent qu’il n’y a qu’un des deux jumeaux qui part. Il est difficile d’élucider clairement la signification de la fin de l’histoire. Quoi qu’il en soit, cela permet à l’auditoire de se faire sa propre interprétation des événements.

Bref, cette représentation théâtrale reste, à mes yeux, un petit bijou. Elle permet aux spectateurs d’user de leur imagination afin de voir toutes les scènes décrites se dérouler sous leurs yeux même s’il n’y a qu’un décor minimaliste. La justesse dans le jeu des acteurs et toute l’expression déployée, autant verbale que corporelle, permettent un résultat original et très apprécié du public.

Pour plus d’informations, visitez le lien suivant : http://www.summumcom.qc.ca/catalogue/doss/pdfs/DP_grand_cahier.pdf

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