Partager
La série de dessin animé américaine Adventure Time with Finn & Jake, abrégée Adventure Time, est une création de Pendleton Ward diffusée depuis 2010 aux États-Unis sur la chaîne Cartoon Network. Au Canada, on peut visionner l’émission, renommée Adventure Time avec Finn et Jake, depuis 2012 à Télétoon. Elle se décline en six saisons (la diffusion de la sixième a débuté le 21 avril dernier) pour un total de 161 épisodes (à titre d’information, comme l’animation est faite manuellement, chaque épisode, dont la durée est d’environ onze minutes, prend huit à neuf mois à être complété, mais plusieurs épisodes sont travaillés en même temps). On compte parmi ses influences majeures les jeux vidéo d’arcade, notamment dans la musique, les contes de fées, mais surtout le jeu de rôle Donjons & Dragons. Cette série croise plusieurs genres, incluant la comédie qui emploie un peu d’humour noir, le drame, la romance, mais les plus importants d’entre eux sont la science-fantasy et l’absurde/le surréalisme. En plus de cela, on retrouve des éléments du méta-modernisme : Adventure Time oscille sans cesse entre ironie et candeur, cynisme et espoir de l’authentique, et refuse de s’enliser dans le scepticisme, dans la croyance qu’on peut encore faire confiance au monde et y faire pousser la beauté.
Malgré cela, Adventure Time convient parfaitement aux enfants, avec son animation 2D en ombrage simple de celluloïd qui couvre au moins le spectre entier de l’arc-en-ciel, son dessin amusant à l’anatomie libre et synthétisée, ses thèmes clairs, ses personnages au profil familier dans un schéma narratif conventionnel d’héros, de princesses en détresse et de méchants qui rendent la réelle compréhension des propos facultative pour les esprits légers et inconscients, distraites par tant de joliesse.
Carte de la Terre D’Ooo: http://i.imgur.com/2oHcKaS.jpg
L’histoire se déroule dans un univers post-apocalyptique – des indices de cela sont disséminés furtivement à travers les épisodes – près de mille ans après la Grande Guerre des Champignons, au moment où « la magie est revenue dans le monde » de dire le créateur de la série, Pendleton Ward. Les personnages évoluent sur la Terre d’Ooo, un méga continent partagé entre plusieurs royaumes, le Royaume de la Confiserie étant le principal, entièrement composé et peuplé de bonbons, et gouverné par Princesse Chewing-Gum (oui, elle est bien faite de gomme à mâcher), une régente scientifique. Finn et Jake, dont les noms figurent dans le titre de la série, sont évidemment les personnages principaux. Finn est un garçon de 14 ans, et le seul humain restant connu. Il est le frère adoptif et le meilleur ami de Jake, un chien parlant au corps élastique en couple avec Miss Rainicorne, une créature parlant coréen qui présente à la fois les attributs d’un arc-en-ciel et d’une licorne.
Le Royaume de la Confiserie:
http://img4.wikia.nocookie.net/__cb20120827084005/adventuretimewithfinnandjake/images/0/0b/P_027.png
Les deux amis sont de courageux héros sans malice, toujours prêts pour l’aventure. Lorsqu’ils sont à la maison, ils jouent parfois à BMO (prononcer « bimo ») un gameboy multitâche parlant au genre ambigu. Souvent, ils doivent régler son compte au Roi des Glaces, un vieux sorcier esseulé – dont les seuls compagnons sont des pingouins, le plus familier se nommant Gunter – qui tente continuellement d’enlever des princesses du royaume pour les ramener dans sa montagne de glace et s’en faire une épouse. Évidemment, Finn et Jake parviennent toujours à l’empêcher d’arriver à ses fins en lui donnant une bonne leçon à chaque fois. Il arrive qu’ils traînent avec Marceline, la Reine Vampire rockeuse âgée de 1000 ans qui se nourrit de la couleur rouge et qui joue de la basse. Finn est un peu tourmenté par son béguin pour Princesse Chewing-Gum, mais aussi pour ses sentiments émergents pour Princesse des Flames, dont le contact est, disons, ardent, et supportable avec du papier d’aluminium.
http://www.mindcontrolindustries.com/wp-content/uploads/2014/01/adventure_time_1920x1080_47767.jpg
EN AVANT, DE GAUCHE À DROITE : Princesse des Flames, Marceline, Menthol Arnold (valet de Princesse Chewing-Gum, à sa gauche), La Trompe, Finn, BMO, Roi des Glaces, Rond de Cannelle (sujet du Royaume de la Confiserie), le Comte de la Citronnelle. EN ARRIÈRE, DE GAUCHE À DROITE : Princesse Lumpy Space, Jake (ici, pas mal étiré), Miss Rainicorne.
Si la légèreté d’Adventure Time nous fait gaiement redevenir des gamins, le fait est qu’avoir vieilli, ici, nous confère le privilège de percevoir sa profondeur réelle. Pour les innocences usées parmi nous, la série regorge d’absurdités, de petites perles cachées qui nécessitent une déduction adulte, de références à la culture populaire (exemple, la fanfiction) et d’intertextualité, de seconds degrés, de sous-texte, de thèmes matures tels la guerre, le passé, la langue, la violence (le cannibalisme…), les genres, la politique, les relations, la mort, la philosophie, les croyances (il y a des références au christianisme, au satanisme, au bouddhisme et l’exclamation « oh mon Glob » est commune), la science, entre autres la chimie et la physique (on aborde les multivers, les dimensions, le temps, les trous noirs, les trous de ver!) et de sous-entendus en tous genres, parfois ahurissants, souvent désopilants, toujours brillants et songés, et qui contrastent énormément avec l’image et le ton enfantin, naïf de l’émission mais desquels, comme énoncé plus haut, les âmes candides sont à l’abri. Or, il serait tout à fait erroné de dire qu’il s’agit d’une émission pour enfants; seulement, il n’y a pas de problème si le marmot tombe sur sa grande sœur regardant un épisode dans le salon.
Finalement, quoique avec les types de personnages qu’il propose, Adventure Time pourrait facilement tomber dans l’obscurité des œillères de la rigidité d’esprit, il est plutôt… aventureux, ouvert et audacieux en ce qu’il évite adroitement le sexisme et les stéréotypes de genre; ses personnages féminins sont libres du poids de la condescendance habituelle dans les médias phallocrates qui se disent progressistes, se montrent forts, et ne succombent pas à leurs faiblesses cliché. La série penche volontiers dans l’inversion des rôles de genre, et applique même ce fait littéralement en effectuant un « genderswap » sur tout le monde lors d’un certain épisode! De plus, il montre un personnage qui n’est pas cisgenre – un garçon qui aimerait devenir une princesse comme Princesse Chewing-Gum, chose dont elle-même se moque – ainsi qu’un personnage sans genre (BMO). Toute la série et son univers témoignent de l’imagination sans limites de ses artisans, leur absence de censure et leur liberté créative, leur originalité et leur ouverture, leur humour extensif et la richesse de leur pensée, tout cela pour donner une émission naïve et tellement lucide à la fois.
Suivez-nousPartager
Ta description est absolument sublime! Tu ne pourrait rendre plus bel hommage à cette série ;)