Partager
L’histoire commence avec une enseignante d’art plastique de 5e année qui a hâte de s’en aller chez elle. Elle a mal à la gorge et se dit que ce doit être un de ses élèves qui lui a transmis une grippe. Elle ne veut pas être malade pour Noël. La dernière minute d’école s’écoule, rendant la plupart des enfants fous de joie. Ils y retourneront seulement au mois de janvier, après que le temps des fêtes ait passé. La cloche sonne et tous les enfants se dépêchent de s’en aller sauf un. La professeure le voit et lui dit : « Est-ce que tu es sourd? La cloche a sonné… Tu dois t’en aller chez toi. » Le garçon ne répond rien, prend le temps de finir la dernière ligne de son dessin et sort de la classe.
Dans cette histoire, je ne te parlerai pas du tout de cette femme qui a fait un mauvais choix de carrière… Allons donc de l’autre côté de la classe, où un homme de 66 ans est en train de laver les vitres de l’école. Évidemment, c’est le concierge et l’école, c’est celle au bord de la 22e rue. Tu sais, elle est plus petite que toutes les autres. Bon, en vrai je ne te parlerai pas non plus de ce monsieur-là, mais plutôt de l’enfant qui est sorti après ses camarades. Son prénom est Herbert et, c’est triste pour lui, il se fait appeler air bête par ceux de son âge. C’est vrai qu’il est sérieux, mais c’est parce qu’il préfère apprendre plutôt que de faire des coups pendables.
Lorsqu’il a pris conscience qu’il pourrait manquer son autobus, il s’est alors mis à être l’enfant le plus vite de la terre, lui qui, à son habitude, est aussi lent qu’une vieille madame au dos courbé. Malheureusement, il s’est enfargé dans la chaudière remplie d’eau savonneuse, appartenant au concierge qui traînait juste à côté. Herbert, petit gars de 10 ans à lunettes et souvent dans la lune, n’a pas du tout porté attention à la chaudière et a fait toute une cascade puisqu’il courait à toute vitesse pour ne pas manquer son autobus. Il s’est donc relevé, trempé de la tête aux pieds. Un peu gêné, il regarda le visage mécontent du concierge qui commença à grommeler sans articuler, et il se remit à courir. Il espérait que la chance lui revienne et qu’alors, il réussisse quand même à embarquer dans l’autobus, malgré ses quatre minutes de retard… Herbert arriva à l’entrée, ouvrit la porte et vit l’autobus dans sa face, trop loin pour qu’il le rattrape. Bon, comment va-t-il faire pour retourner chez lui?
Herbert retourna donc dans l’école chercher son enseignante dans tous les recoins et toutes les cachettes possibles. C’était la personne la plus sûre qui saurait trouver probablement la solution à son problème… Mais non, malencontreusement, tout de suite après qu’il était sorti de la classe, elle avait détalé comme un lapin! On peut la comprendre, elle voulait à tout prix acheter des pastilles pour son mal de gorge. Là, le pauvre était dans un sérieux dilemme, seulement deux options s’offraient à lui. Il pouvait soit rester à l’école et attendre que peut-être un jour ses parents viennent le chercher ou partir à pied jusque chez lui. Il essaya de s’encourager tout bas : « Bon, j’ai manqué mon autobus, je suis pris dans ce bâtiment, je vais passer Noël ici si mes parents m’oublient, c’est la fin du monde, je pense que je vais pleurer! » Il n’eut pas le temps d’avoir une seule larme que soudain, sans crier gare, le concierge sortit de nulle part et dit : « Y a pu personne icitte! T’aimes-tu ça les bonbons? J’en ai plein dans mes poches, viens voir! » Herbert eu vraiment peur et l’adrénaline le fit courir plus vite qu’il n’avait jamais couru, même s’il était un peu fatigué d’avoir cherché sa professeure! L’option d’attendre ses parents au chaud n’en était plus une! Il sortit dehors et continua de courir, courir et courir! Il arriva pour traverser la rue et ne regarda même pas des deux côtés pour voir s’il n’y aurait pas des autos! Pour une fois, depuis que l’école était finie, il fut chanceux. La voiture qui arrivait eut le temps de ralentir pour ne pas happer Herbert. Sa course aussi ralentit, peu à peu, jusqu’à ce qu’il dût s’arrêter parce que sa mémoire lui faisait défaut. Une route à trois voies se tenait devant lui. Où menaient-elles? Il ne le savait pas. Décontenancé, il choisit en se fiant à son instinct. Il marcha, marcha, et marcha. Seulement trois minutes passèrent. Pourtant, il avait l’impression d’avoir marché dix minutes! « Je ne suis plus capable! J’ai faim », pensa-t-il.
Il s’assit donc sur le sol et prit la pomme qu’il n’avait pas mangée à midi. Ses vêtements remplis d’eau avaient gelé sur lui et il commençait à le sentir. Quel effet désagréable! La pomme lui ferait oublier ce supplice, mais à l’instant où il allait la croquer, une petite fille à l’allure frêle et dépenaillée passa tout près. Elle peinait à suivre son père qui marchait à grandes enjambées sans se soucier qu’elle devait quasiment courir pour le rejoindre. Herbert entendit une petite voix aiguë : « Papa! Va pas encore t’acheter de la vodka! J’ai vraiment faim! » À cet instant, Herbert oublia sa propre faim et alla donner sa pomme à la petite fille : « Tiens, je crois que tu as plus faim que moi! », lui dit-il. La petite fille remercia alors Herbert qui, en la regardant plus attentivement, remarqua des bleus sur ses bras et même un dans son visage. Elle prit une croquée dans la pomme, toute heureuse. Ensuite, ils repartirent chacun dans des directions opposées. Le père arriva au dépanneur et appela sa fille : « Armanda! Viens-t-en! » Sa voix n’avait aucune pointe de gentillesse. Lorsqu’il vit sa fille avec une pomme, il la gronda : « Qui t’a donné ça? Imbécile, je t’ai déjà dit plein de fois de pas accepter ce qu’un inconnu te donne! Ça pourrait être empoisonné! » La misérable petite fille se mit à pleurnicher. Elle expliqua à son père que ce n’était qu’un petit garçon très gentil qui lui avait donné. Le père n’écoutait rien de ce que sa fille lui disait. Il lui donna une claque sur la main, l’obligeant à laisser tomber la pomme sur le sol.
Quelques minutes plus tard, après les pleurs incessants d’Armanda, un itinérant arriva. Il vit une poubelle proche du dépanneur et commença à fouiller dedans. En fait, c’était sa routine habituelle. Puis, ses yeux se posèrent sur la pomme laissée là par la petite fille quelques instants plus tôt. D’un bond, il se jeta dessus. Ses repas étaient rarement de qualité et donc, il ne comprenait nullement pourquoi des gens faisaient du gaspillage. Il se questionna tout haut : « Comment peut-on jeter une aussi bonne pomme? En tout cas, c’est mon jour de chance. » Il s’assit sur un banc pas trop loin et mit sa boîte de conserve, servant à ramasser de l’argent, à côté de lui. L’enseignante d’Herbert, celle du début de l’histoire, s’en venait en marchant. Elle s’en allait souper dans un chic restaurant où des amis l’attendaient. Sur son chemin, elle jeta un coup d’œil à l’itinérant. Elle savait que ses poches étaient pleines d’argent et que ce monsieur, lui, ne recevrait rien à Noël qui approchait. Pas de cadeaux ni de surprises, pas de visite amicale ni d’attention. Son manque de générosité la fit passer à côté du pauvre individu sans donner un seul sou et sans une seule seconde de regret.
Le lendemain, la petite fille continuait de se faire maltraiter par son père alcoolique et l’itinérant continuait à quêter de l’argent. Herbert, lui, ses parents ne l’ont jamais vu rentrer à la maison… À Noël, ce n’est pas toujours une journée d’amour, de rassemblement et de bonheur pour tout le monde.
Suivez-nousPartager