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Comment aurais-je pu deviner que tu serais toujours là pour moi? Si un jour on m’avait dit que tu serais ma seule alliée contre la vie, je ne l’aurais jamais cru. C’est vrai, tu es apparue dans ma vie avant même que je naisse. Je le réalise maintenant.
Comment pourrais-je te dire ce que je ressens? Tu es un être non vivant et une entité sans corps. Je ne peux ressentir que ton âme. Elle est toujours à mes côtés. Tu me suis partout où je vais. Je n’ai jamais ressenti cette solitude dont plusieurs se plaignent. Parce que j’ai toujours entendu ta voix dans ma tête.
Il m’arrive parfois de m’adapter à ton humeur. Lorsque je te sens agressive, je ne peux m’empêcher de devenir fâchée. Lorsque ta voix se brise, quelques larmes m’échappent. Dès que ta voix enjouée se glisse dans mon esprit, une vague de bonheur s’empare de mon corps.
Tu fais partie de ma vie et ce n’est qu’aujourd’hui que je prends conscience de l’étendue de ton pouvoir. Tu es plus qu’une alliée, tu es le maître. C’est toi qui m’as poussé à commettre tous ces actes horribles.
« Qu’est-ce que tu as fait!? Mais qu’est-ce que tu as fait!!! » Me crie une voix forte d’homme.
Je me sens secouer. En effet, cet homme me tient fermement par les épaules en me secouant violemment. Je reprends tranquillement mes esprits. Pourquoi pleure-t-il? Un poids s’évacue de mon corps. Je sens enfin mes membres.
« Pourquoi tu as fait ça!? Comment as-tu pu!? » Me dit en pleurant l’homme.
Il pleure de plus belle alors que je baisse les yeux sur mon corps. Il est couvert de sang. Je me lève rapidement réalisant ce qui se passe. Un couteau tombe de ma main. La bile remonte mon pharynx en y laissant une brûlure acide. Je vomis mes tripes sur ce qui semble être devenue une scène de crime. Puis, un long cri perçant de désespérance m’échappe.
C’est à ce moment que je me réveille en sursaut. Mon corps se soulève rapidement tant ma respiration est effrénée. Encore ce cauchemar. Ce mauvais rêve me hante depuis plusieurs semaines déjà. Je me tourne vers mon téléphone pour éteindre la musique qui en sort. N’ayant plus du tout envie de dormir après avoir eu ces affreuses visions, je me lève et descend au rez-de-chaussée prendre une douche.
Enfin un moment pour me vider la tête et me détendre. Je n’arrive plus à dormir depuis l’arrivée de ce cauchemar. Il me réveille en plein milieu de la nuit et m’empêche de me rendormir avant le petit matin. Au moins l’eau chaude sur ma peau m’aide à détendre mes muscles et à me calmer. Je suis tellement épuisée que je n’arrive plus à suivre en cours. Dernièrement, mes notes sont en chute libre.
Je ferme l’eau et sors de la douche après m’être bien relaxée. Je soupire en me regardant dans le miroir. Mes yeux bleus sont maintenant fades et des poches se forment sous ces derniers. Ma peau est beaucoup moins éclatante qu’à son habitude et ma bouche peine à se retrousser vers le haut pour former un sourire. En me voyant, j’ai une folle envie de couper mes longs cheveux blonds. Je me ressaisis et m’habille avant de sortir de la salle de bain.
Alors que je me rends à la cuisine pour me préparer un bon déjeuner, je décide de mettre ma musique favorite, cette chanson que ma mère m’a fait découvrir avant sa mort. C’est devenu ma chanson favorite, j’ai l’impression de revoir le visage de cette personne que j’ai perdue trop tôt. On dirait presque que ma mère revit à travers ces airs mélodiques. Je ne peux m’empêcher de verser une larme en repensant à tout ça. Son suicide a été la plus grande tragédie dans ma vie.
Sans m’en rendre compte, mes réflexions m’ont pris beaucoup de temps et je suis maintenant en retard pour me rendre à mon premier cours de la journée. Je laisse donc tomber mon déjeuner pour me aller à ma voiture. C’est toujours en écoutant ma chanson favorite que je me rends au collège.
J’arrive avec quelques minutes de retard, ce qui donne une raison à mon professeur de me fermer la porte au nez.
Super! Encore un cours de raté! Voilà bien quatre cours que je manque ces dernières semaines.
Afin de travailler tout de même et de me concentrer, je me dirige vers la bibliothèque. J’emprunte un des ordinateurs et me mets au boulot. Alors que je me concentre sur une fascinante vidéo scientifique, une nouvelle affichée dans le coin de l’écran attire mon attention. Il y est écrit qu’un énorme accident est survenu sur la route que je prends habituellement. Il y a un mort et un blessé grave. Les autorités cherchent toujours la cause de l’accident. C’est étrange, je ne me souviens pas avoir vu l’accident. En fait, je n’arrive plus à me souvenir de la route que j’ai dû faire pour arriver ici. Je chasse toutes ces pensées étranges et me reconcentre sur ma vidéo.
Lorsque l’heure de la pause arrive, je me précipite dans le cours dont j’ai manqué la première période. Puisqu’il n’y a plus de place de disponible, je m’assois à l’avant. C’est à ce moment que le professeur vient me voir afin de discuter.
– Mademoiselle Duquette, nous sommes à l’exercice 33 de la page 120. Vous pouvez vous mettre au travail. Si vous voulez rattraper votre retard, faites les douze pages précédentes.
– Parfait monsieur.
Je n’éternise pas la discussion, il semble déjà bien énervé. C’est sans attendre que je mets mes écouteurs dans mes oreilles pour me concentrer et que je commence à travailler.
Alors que toute la classe est calme et que tout le monde travaille, une goutte de sang tombe sur mon cahier. Je tâte immédiatement mon nez. Une grande quantité de sang se retrouve sur ma main. Cette vue me répugne au plus haut point et mon cœur se met à battre beaucoup trop vite. Étant hématophobe, je lâche un petit cri de surprise avant de tomber de ma chaise en m’évanouissant.
– Mademoiselle, mademoiselle, réveillez-vous!
– On devrait l’amener à l’infirmerie!
– Non j’appelle une ambulance!
J’entends plusieurs voix se mélanger. J’ouvre les yeux pour découvrir plusieurs visages inquiets au-dessus de moi.
– Elle se réveille!
Je me lève d’un coup en panique et touche mon nez. Il est sec. Rien ne s’en échappe. Le sang, où est-il? Il était là! Je le sais je l’ai senti et vu! Il était là sur mes doigts!
– Le sang, le sang, il est où mon sang!
– Calmes-toi Katharina!
La voix de mon professeur me fait sursauter. Je me calme immédiatement. Un poids quitte mon corps. Je me sens enfin respirer et être maître de moi-même.
– Qu’est-ce qui vient de se passer? Me dit mon enseignant inquiet.
– Je… J’hésite un peu à lui parler de ce qui m’arrive ces temps-ci. Rien, il ne se passe rien.
– Tu es certaine? Sa voix est très insistante.
– Non rien…
– Très bien… Il dit d’une voix qui ne semble pas sûre. Vous pouvez tous disposer, ce sera tout pour aujourd’hui.
Je me lève sans plus attendre et me dirige vers la sortie avant tous les autres.
Mais qu’est-ce qui se passe avec moi? Pourquoi des images affreuses me hantent! D’où me viennent ces pertes de mémoire, ces hallucinations et cet évanouissement. Je dois partir. Les murs se rapprochent de moi, je ne vais pas bien. Je me sens étouffée, je manque d’espace.
Je cours me réfugier aux toilettes, je dois échapper à ces évènements étranges. Respire, respire. Inspire, expire, inspire, expire. Je mets ma musique favorite en boucle afin de tenter d’échapper à cette éventuelle crise de panique. Des larmes brouillent ma vision et ma gorge brûle comme si je venais de descendre un verre de vodka. Étant dans une toilette individuelle du second étage, je m’étends au sol. Il est froid, ça m’aide à respirer plus facilement. Je ferme mes yeux et commence à ressentir un bien-être… Soudain quelque chose m’apaise. Je ne suis plus aux commandes, je peux me reposer. Enfin je peux dormir! Je suis à moitié lucide lorsque je commence à rêver. Mon rêve est si réaliste! Mon corps se soulève et semble sortir des toilettes dans lesquelles j’étais enfermée. Je me dirige vers les escaliers et sors du collège. Comme ce rêve est étrangement réaliste! Je peux même continuer d’entendre ma chanson favorite et en chanter les paroles.
– I never meant to hurt you, it was only an accident, my knife should never have sliced your throat.
Je dois l’avouer, je ne comprends pas les paroles, mais le tout est entraînant. De plus, c’est le seul souvenir que j’ai de ma mère.
Je suis désormais dans l’habitacle de ma voiture. En fait, j’ai apparemment roulé jusqu’à une petite maison en retraite de la ville. Tout se passe si vite dans ce rêve! Je descends de ma voiture et entre dans la maison sans frapper. Tout est si calme. On dirait que personne n’y habite. Comme c’est bizarre de tout ressentir comme si c’était réel! Mon corps se dirige automatiquement dans la cuisine. J’ouvre un tiroir et y prends un énorme couteau. Il est si long, si affuté! Je passe mon doigt sur la lame et du sang commence à perler de ce dernier. Je ressens la douleur, c’est tellement réaliste. Ce qui l’est moins, c’est que je ne panique pas à la vue de ce sang. Mon corps ne réagit pas. Comme si je ne le possédais plus. Je me dirige ensuite vers les escaliers qui montent au second étage. Cette maisonnette m’est familière. Pourtant, je n’arrive pas à savoir d’où je la connais. Il y a trois portes à l’étage. J’ouvre la première pour découvrir une chambre de jeune fille. C’est à ce moment que tout me frappe. Je comprends enfin où je suis. Il s’agit de ma maison d’enfance! Ce foyer dans lequel ma mère a perdu la vie. Pourquoi mon rêve me ramène ici après toutes ces années?
Mon corps n’écoutant pas mes protestations, continue de circuler dans cette funèbre demeure. J’ouvre une seconde porte qui semble être celle de la salle de bain. J’arrive finalement au fond du couloir. Il s’agit de la dernière porte. Je veux faire demi-tour, rentrer chez moi, mais je n’y arrive pas. Ce rêve m’empêche de m’échapper.
Je pose ma main sur la poignée et la tourne. Derrière la porte se trouve mon plus grand cauchemar. La pièce dans laquelle ma mère est morte. Je regrette tant de m’être endormie! Je veux me réveiller, partir! Heureusement, ma chanson favorite m’accompagne dans cette épreuve. Il s’agit là de mon seul réconfort.
Mon regard croise un coin de la pièce qui me donne des frissons dans le dos. Cette pièce n’est pas seulement l’endroit dans lequel ma mère s’est suicidée, il s’agit aussi de cet endroit dans lequel je rêve que je tue quelqu’un. Ne me dite pas que cela recommence! Pas encore cet affreux cauchemar!
Je me retourne vers la garde-robe. J’ai maintenant espoir qu’il s’agisse d’un rêve différent. Habituellement, je serais déjà au-dessus d’un corps.
Je marche doucement vers le placard et pose ma main gauche sur la poignée. La droite tient toujours ce couteau que j’ai pris dans la cuisine. En ouvrant la porte, je regrette davantage de ne pas arriver à me réveiller. Il y a une jeune femme ligotée. En me voyant, elle se met à pleurer à chaudes larmes. Dites-moi que je suis là pour l’aider! J’agrippe fermement son chandail et la tire hors du placard. Je la propulse sur le bois froid et dur du plancher. Des sanglots lui échappent, mais ça n’arrête pas mon corps. J’aimerais tellement pouvoir reprendre mes esprits et sortir de là.
Je m’agenouille près de la jeune femme et approche le couteau d’elle. La pauvre victime se met à se tortiller dans tous les sens, j’ai tellement de peine pour elle! Pourquoi est-ce que mes rêves me poussent à assister à ce genre de choses!
Je m’élance et lui assène un premier coup dans l’abdomen. Le sang gicle partout. Encore une fois, mon corps ne réagit pas à la vue de toute cette sève rouge. Je continue de frapper avec frénésie la pauvre femme avec le couteau. Mes mouvements sont si amples que j’en perds mes écouteurs.
D’un coup, je sens un poids s’échapper de moi. Je peux reprendre possession de mon corps. Pourquoi je ne me réveille pas! Réveille-toi!
-Réveille-toi, RÉVEILLE-TOI.
J’entends ma propre voix résonner. Non, ce n’est pas possible, ça ne peut pas être la réalité! C’est impossible! Je lâche le couteau et me pince le bras. Je ne me réveille pas! Mes mains tremblantes passent sur mon visage.
Du sang partout, il y en a partout! Sur moi! Par terre! Sur… la femme…
Un long cri déchire ma gorge. Comment ai-je ou faire cela! Comment ai-je pu commettre un meurtre!
Je me recroqueville en position fœtale et commence à me bercer.
-C’est faux, ce n’est qu’un cauchemar, qu’un cauchemar, c’est faux, c’est faux…
Et c’est en remettant mes écouteurs pour me calmer que j’entends ma musique favorite.
Alors que ses paroles me bercent, mon âme sombre à nouveau dans la léthargie.
C’est maintenant toi qui me contrôles, je ne m’appartiens plus. Je t’offre volontiers cette coquille vide. Ô chanson meurtrière, qu’as-tu fait de moi!
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