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Dans la pièce Une vie pour deux, d’Evelyne de la Chenelière, Violette Chauveau incarne Simone, la femme de Jean, interprété par Jean-François Casabonne. Cette pièce, mise en scène par Alice Ronfard, raconte l’histoire d’un couple presque totalement éteint par les années, qui part prendre des vacances en Irlande afin de se rapprocher. C’est alors que Jean fait la découverte d’un cadavre, le corps d’une jeune femme nommée Mary, morte noyée. Cette Mary, jouée par Rachel Graton, s’immisce rapidement dans leur couple et il naît alors un petit jeu entre Simone et Jean, qui se rapprocheront le temps d’imaginer la vie que menait Mary, aussi longtemps que Simone en aura la capacité. Ils vivront diverses émotions comme la colère, l’amour, la tristesse, la détresse, etc.
Tout d’abord, pour assister à cette pièce, il est important d’être très attentif dès le début, car les événements se déroulent très rapidement. À la première réplique de Simone, elle nous annonce qu’ils partent en Irlande. À la seconde, ils y sont déjà et elle propose à Jean d’aller se promener. D’ailleurs, elle lui dit souvent quoi faire, et cela constitue l’une des raisons pour lesquelles ce couple s’est éloigné. Pour tout dire, cette mise en scène est basée sur la parole, et non pas sur l’acte en tant que tel. De plus, les répliques des personnages sont chargées de poésie, de métaphores et parfois, de choses incompréhensibles. Il faut aussi comprendre que dès le début, les personnages font plein de suppositions et à certains moments, cela devient mélangeant. On se demande où ils sont, de quoi ils parlent et même parfois, qui ils sont, puisque Jean interprétera un autre personnage à certains moments.
Cependant, comme la pièce est axée sur la parole, les comédiens sont poussés au maximum de leurs capacités. Ils ont énormément de texte à apprendre et le fait qu’une majeure partie en soit de la poésie rend le tout plus difficile. Mais ils réussissent très bien à nous délivrer une bonne performance et doivent même réaliser quelques prouesses physiques. Par exemple, Mary parle d’une voix très calme et monotone tout au long de la pièce, tout en bougeant très lentement. La comédienne parvient à s’allonger sur le dos d’une lenteur à se sculpter les abdos, sans que l’on n’entende le moindre tremblement dans sa voix, bien qu’intérieurement, elle devait trembler de la tête aux pieds. Le personnage de Simone aussi impressionne par moments, en se tenant accroupie pendant de longues minutes. De plus, les personnages ne se parlent pas qu’entre eux. Souvent, Simone s’adresse au public. Il en est de même pour Jean et Mary, elle, ne s’adresse à personne en particulier.
Quant au décor, il est très épuré et il permet aux personnages de faire évoluer très naturellement l’histoire de Mary. Une très grande table, assez massive, trône au milieu de la scène et elle n’est accompagnée que de quelques chaises éparpillées tout autour. Cette table se transforme en cercueil, en lit, en podium, etc. Les acteurs y grimpent, s’y couchent, s’y assoient, mais s’y attablent très rarement, voir pas du tout. De plus, un cadre fait en longueur accroché sur le mur du fond, change l’ambiance de la pièce en changeant de couleur. Cependant, son utilité me laisse perplexe, car cet élément est plus esthétique que significatif, à mon avis. On ignore un peu pourquoi il change de couleur, si ce changement est relié au changement d’émotion d’un des personnages, ou si c’est juste aléatoire. C’est donc joli, mais inutile dans la mesure où il n’est pas vraiment exploité. Pour ce qui est de l’éclairage, il n’est malheureusement pas vraiment exploité. Le même type d’éclairage est présent du début à la fin, alors qu’ils auraient pu s’en servir lors de scènes plus intenses, par exemple lors de la mort de Mary, ou la révolte de Simone.
Aussi, comme Mary est retrouvée noyée, l’ambiance du bord de l’eau est présente dès le début, car un fond sonore d’oiseaux et de vagues nous fait patienter jusqu’à ce que les comédiens se mettent en place. Mais ce fond sonore n’amène rien de plus à la pièce, si ce n’est que de nous faire comprendre que nous sommes au bord de l’eau. Lorsqu’ils prennent place, le thème lourd de la mort et de l’échec amoureux est ressenti, interprété par une sombre musique alors que Mary grimpe sur la table et s’y allonge, car elle lui fera office de cercueil pour les premières minutes de la pièce.
Après quelques minutes d’inactivité de la part de Mary, on pourrait même croire que son rôle n’est réduit qu’à faire la morte. Mais lorsque Simone et Jean commencent à imaginer sa vie, elle s’anime. Sa douce voix faible s’immisce entre les voix puissantes des amoureux et elle apporte quelques précisions sur ce qu’ils supposent de sa vie et des raisons qui l’ont poussée à se suicider, ou le fait qu’elle soit juste tombée à l’eau, ou encore, qu’elle ait été tuée.
Enfin, cette pièce ne déplace pas des foules. Comparativement à d’autres, comme la pièce d’Anne Frank, pleine à craquer, seulement quelques rangées de sièges ont été occupées, et l’auditoire était majoritairement vieillissant. Plusieurs raisons sont possibles, mais la plus plausible est le fait que le titre donné à la pièce, Une vie pour deux, ne suppose pas grand-chose et ne pousse pas les gens à vouloir y assister. Mais malgré quelques longueurs, cette pièce est intéressante.
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