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La seconde guerre mondiale est un événement qui a bouleversé le siècle dernier. Quand Hitler s’est retrouvé chancelier de l’Allemagne, il s’est empressé d’instaurer des mesures antisémites afin d’essayer d’enrayer certains groupes de personnes ou des ethnies tout entières. Beaucoup de gens ont été obligés de se cacher des Allemands afin de leur survivre. Ce fut le cas de la famille Frank… qui se sont cachés pendant deux ans dans l’Annexe, un appartement situé derrière l’usine d’Otto, le père de la famille. Leur histoire s’est d’ailleurs fait connaitre grâce à celui-ci, qui a décidé de publier le journal intime de sa fille, Anne. Ce récit a été adapté au théâtre par Éric Emmanuel Schmitt. La pièce, Le journal d’Anne Frank a été présentée le 13 mars au centre-des-arts de Shawinigan.
La mise-en-scène était grandiose, avec un écran vidéo qui descendait à chaque fois qu’il se passait du temps ou bien une scène muette. C’était la première fois que je voyais des éléments cinématographiques dans une pièce de théâtre et notre attention était très captivée lors de ces passages. La scène de la gare était d’ailleurs très intense avec le comédien d’Otto qui courait sur scène en-dessous du film qui jouait.
La musique était aussi très présente, surtout lors des passages cinématographiques. Il s’agissait souvent d’une musique simple, répétitive, mais qui faisait très bien le travail qu’on lui demandait d’accomplir : mettre une certaine ambiance sur le film qui jouait en arrière. De plus, la musique correspondait à l’époque dans laquelle la pièce avait lieu, car on n’y retrouvait aucun instrument plus moderne que 1945. Ce n’était pas de la musique électronique, c’était de la musique qui aurait pu être composée dans l’ère moderne-contemporaine.
De plus, le décor était impressionnant et très original. La scène servait d’étage principal, le second étage rajouté par le décor servait d’Annexe et sous ce second étage se trouvait les grillages pour le camp de concentration et la métaphore de l’enfer et des âmes perdues.
La scène dans laquelle ce concept était exploité était très originale et la métaphore du grillage pour signifier la perte de liberté des personnages était d’ailleurs très bien trouvée. Ce passage poignant donnait vraiment l’impression d’âmes qui semblaient tourmenter le personnage d’Otto, placé devant eux à ce moment précis de la pièce. La métaphore visuelle était probablement la scène la plus marquante de la pièce, mise en scène de façon très intelligente. Une autre scène plutôt intéressante était la scène dans laquelle les personnages descendaient les escaliers dans l’ordre de leur décès, en retirant leur étoile par la suite. La scène n’épargne pas Anne, et la met à la même hauteur que les autres lors de cette scène. Anne n’est pas gardée en dernier comme une mise-en-scène typique l’aurait fait, elle est cinquième, dans l’ordre logique des décès. Un autre élément brillant, peut-être dérangeant pour certains, mais brillant, était de faire des blagues totalement ironiques par rapport à ce qui allait arriver à la suite. Anne qui disait que la liberté serait de retour sans cesse sur un ton humoristique, mais qui ne la connaitrait plus jamais, par exemple. Ces blagues étaient très dérangeantes quand on connaissait l’histoire, mais elles avaient leur place.
L’histoire et la façon dont elle a été racontée étaient bien, dans l’ensemble. Ayant de très bonnes connaissances sur l’œuvre originale, l’ayant déjà étudiée en profondeur, j’ai certains bémols concernant certains aspects qui ont été retirés de la pièce ou amplifiés dans celle-ci , dont un majeur. La séparation d’Anne et de son père au camp n’a pas été montrée dans la pièce, pourtant, à ce que l’on peut lire en s’informant sur le sujet, elle a été atroce. Je ne comprends pas pourquoi elle a été coupée de la pièce, il me semble qu’il s’agissait d’un élément fort de leur histoire. Aussi, on a un peu trop mis l’accent sur la relation entre Anne et Peter, alors qu’on a négligé de beaucoup celle qu’elle entretenait avec son père, même si celle-ci était très présente. Le surnom qu’elle donnait à son père, « Pim » , a été complètement retiré de la pièce, peut-être parce que certaines personnes auraient pu être choquées par la signification de ce mot ( Pim veut dire proxénète ). Sinon, les scènes importantes étaient bien présentées, et la pièce était facile à suivre. Les personnages étaient bien repris et l’esprit de l’œuvre originale était bien observable dans l’adaptation.
Les comédiens ont très bien joué, mais un seul d’entre eux s’est vraiment démarqué du lot, et il s’agit de l’interprète d’Otto Frank , Paul Doucet. Celui-ci a très bien interprété le décalage entre le Otto Frank du début et celui de la fin, et ce, en très peu de temps. Le comédien gérait bien ces écarts. On peut aussi saluer la performance de Marie-Hélène Thibault, interprète de Madame Van Pels, qui servait un peu de personnage comique dans la pièce. Les scènes dans lesquelles elle souffrait de ses pertes matérielles, entre autres, son manteau de vison (de lapin, en fait) , la scène avec le dentiste, qui était très drôle, son obstination à croire que les allemands vont remporter la guerre et ses exagérations constantes sur certains événements.
En conclusion, le journal d’Anne Frank d’Éric-Emmanuel Schmitt est une très bonne pièce à regarder et à apprécier, même s’il s’agit d’une grosse production, et que l’histoire se résume uniquement à la base du récit original. Le jeu des comédiens est très bon, la mise-en-scène est originale, le décor est assez beau et chargé, la musique colle très bien à l’univers et le tout est très agréable à regarder. On reconnait très bien le récit original, malgré les quelques modifications et retraits majeurs. C’est une pièce que je conseille cependant à un public averti, car le sujet abordé est lourd.
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