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Le roi Soleil
La scène repose
Écaillée et sanglante
Emporté le lustre de la veille
Érigé avec orgueil au nom de l’ébène
Car le roi soleil y a convoqué sa cour
Son armée fardée et horrifiante
Fit son entrée glorieuse et édifiante
Rongeant le bois noble et couvrant
Les riches tissus de moisissure et de poisse
De vin, d’opium et de venu
Vestiges de leurs danses obscènes et bruyantes
Dans leurs atours jouant avec les rayons de leur maître
Qui sur son trône aérien
Siège avec force flammes et vils desseins
Parmi ce faste je me cache en vain
Oh! Mon palais assiégé par le vacarme infernal
De l’ignoble orchestre distordu!
Oh! Mon front griffé et creusé par les cris animaux
De milles divas prises et repues
Les hyènes me reniflent et je ne puis me cacher
Car mon masque détonne et me trahit cruellement
Elles se ruent et rampent
Ruent et se campent
En un nœud de vipères
De la première à la dernière
Tous se bousculent
Et réclament leur droit sur moi
On me giffle, on me pince
On me force à avaler, on me force à déglutir
Goules paillettées et golems de fer
Me fouillent, me jettent
Même la plus innocente grisette
La scène repose écaillée
Je gis abrutie et souillée
Voilà les ailes du corbeau
Qui me revient et me porte,
Apaise mes maux
J’embrasse la douceur de ses plumes
Et en fait ma muse et mon épouse
Que je vêtis de brume
Le retour de l’Ébène
Le chaos prends peur
La cour frémit d’horreur
Devant le spectacle pathétique
De leur somptueux roi en pleurs
La suie l’a flétri et dépouillé
Son manteau d’or s’est dissipé
Il git las et tourmenté
Son glas l’a sourdement appelé
Pourchassé par les ailes de soie de la nuit
De son perchoir il sied alarmé
Il n’y a plus de lumière pour le contenter
Le serpent, qui plus tôt résigné
Fait son entrée nuptiale
Et sa peau, cuivre argenté
Étreint la gorge du roi dont elle s’est amourachée
Les larves viennent pêcher
Le prince depuis même le tuteur raide et torturé
Tel un cygne éventré, le monarque
Sur la scène s’est affalé
Le cruel destin de la gloire maquillée
Se répand en guirlandes
Pour le retour de l’ébène souligner
Et mon âme grâce aux voiles de ma bien-aimée
S’apprête alors à s’élever
La tempête
Lorsque ma tendre est revenue avec la brume
Je n’ai pu que tendre les bras
Devant cette fortune
Le doux chant éveillant les pins
Se dessinant dans le froid au-delà
La brise signalant l’éclat prochain
De mon émoi
Une atmosphère capiteuse
Précédant la lame fauve et rageuse
De fond de ce navire tapis dans la robe de la nuit
La danse macabre défile invisible
Le cercle effréné n’en est pas moi perceptible
Puis la folie se déverse et fond
Sur les rives de l’humanité vivace et perverse
Et tangue mon âme, et roule la passion et la muse
Torrent, langue de flamme nue et concert de démence
Me parviennent et étreignent mes os
Par leur froide chaleur
Les tourbillons se mêlent
À l’insanité orgiaque en mon sein
Le souffle précipité de la pluie
Avive ma plaie béante d’où jaillit le feu
Culte de la nuit
Muse ravissante et frêle
Fourrure raffinée et épaisse
Ta richesse me berce et m’emporte
Ta voix enchanteresse m’aborde
Je me plonge dans tes bras qui m’enlacent
Et me noie dans tes baisers squelettiques
Tu es la créature sacrificielle des poètes maudits
Les mal-aimés te louent
Ton sein d’opale miroite
Dans leurs brumes abyssales
Ils te pleurent et t’adorent
Insensibles aux vanités de l’or
Et la flamme dont tu caresses leur palais prisonnier
Est un velours feutré
Toi ma douce, mélodie de taureau d’airain
Et d’orgue maléfique
Toi ma douce, fluide incolore du plus bel éclat
Et qui honore les peintres
Toi ma douce, où le chien est mort
Et où le loup hurle avec envie
Chante! Entonne un mensonge, fantôme de la nuit
Et donne-toi à moi
Comme tu as su te donner au «Prince des nuées»
Et au grand «Corbeau» esseulé !
(références à la poésie de Charles Baudelaire et d’Edgar Allan Poe)
Trahison
Ta porcelaine craque et s’effondre
Pourquoi ton beau visage se déforme-t-il ainsi?
Tu t’affoles, tu te brises, tu te reformes, tu grouilles,
Tu te disloques et te laisses couler sur moi
Tu me brûles tel un fleuve de cire humaine
Spectre horrible, nymphe sadique
Cruelle entité en laquelle j’ai voué foi
Je t’ai tant aimé
N’as-tu point fait de même?!
Je consumerai ce théâtre et sa scène martyre
Tristement ravagé par son sublime ange
Je détruirai jusqu’au temple perdu dans ces froides craquelures
Pour que jamais plus n’y flotte de poésie
Je le ravagerai !
Si telle est la seule issue de cette traîtresse désolation !
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Tu as une très jolie plume, mon bel amour noir!
Tu emploies un vocabulaire riche et tu n’es jamais à court de munitions.
Ton style d’écriture est impeccablement imprégné de ta personnalité, noir et profond, comme le plumage d’un corbeau qui frappe doucement à ta porte…