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Être Llewyn Davis est la plus récente réalisation des frères Coen. Ces derniers, Éthan et Joel Coen, sont deux cinéastes américains reconnus. Ils se complètent très bien dans leur travail et ont réalisé de nombreuses œuvres cinématographiques. Ils ont effectivement participé à la création de nombreux films, dont Fargo, O’Brother, No Country for Old Men et Burn After Reading, que ce soit en tant que réalisateurs, producteurs, scénaristes, monteurs ou même acteurs, et ont gagné de nombreux prix pour leur travail. Avec cette œuvre-ci, ils ont exploré un genre plutôt historique et intimiste qui aborde, avec finesse, l’univers de la musique folk des années 60, à New York. Comme à leur habitude, les frères Coen font du personnage principal, un être irresponsable et perdant, mais auquel on finit par s’attacher. Être Llewyn Davis a rapporté de nombreuses récompenses, dont le Grand Prix du jury lors du Festival de Cannes.
Dans ce long métrage, qu’on pourrait qualifier de drame musical côtoyant la comédie, on plonge dans l’univers musical américain des années 60, plus spécifiquement dans Greenwich Village, bien avant que ce quartier soit reconnu pour avoir engendré des stars internationales, comme Bob Dylan, et avoir contribué à l’essor de la musique folk. C’est plutôt dans un Greenwich Village sombre et froid que l’on fait la connaissance de Llewyn Davis (Oscar Isaac), un jeune musicien folk qui lutte pour gagner sa vie grâce à son art. Marqué par le suicide récent de son acolyte musical, il lance son premier album solo. Mais, même si sa carrière ne réussit pas à décoller, il est inconcevable pour ce passionné d’abandonner et de trouver un travail qui l’amènera à un mode de vie conformiste et ennuyant. Ainsi, pour subsister, il emprunte les canapés des gens qui acceptent de l’héberger et donne des concerts dans les bars du quartier. Comme si cette vie misérable n’était pas assez, la malchance s’acharne sur le talentueux chanteur : un homme le frappe à la sortie d’un bar, son gérant profite de lui, il perd le chat de l’un de ses hébergeurs, il met la copine (Carey Mulligan) de son meilleur ami (Justin Timberlake) enceinte, etc. Puis, un jour, il décide de tenter sa chance en entreprenant un long périple vers Chicago, avec l’espoir d’impressionner une légende de la musique, Bud Grossman (F. Murray Abraham), et de pouvoir jouer dans un club célèbre.
Cette œuvre, finement construite par les frères Cohen, met en scène une histoire et un artiste qui n’intéressent normalement pas les gens, soit ceux qui restent dans l’ombre. Ainsi, on est loin du caractère typique des films américains, puisque ce n’est pas ici l’histoire d’un héros, mais plutôt celle d’un humain pathétique qui ne réussit pas. Être Llewyn Davis est donc premièrement très intéressant pour ce fait. De plus, les acteurs ont été très bien choisis, et interprètent avec justesse leur personnage. Ainsi, Oscar Isaac, dans son rôle principal, incarne particulièrement bien le chanteur folk, en subtilité et sans exagération. De plus, non seulement, il chante lui-même toutes les chansons de son personnage, mais il s’exécute également lui-même à la guitare. Par ailleurs, le traitement de l’image, avec un filtre qui donne un aspect de flou grisâtre et avec la présence de beaucoup de contrastes, est très esthétique. Cet aspect nous rappelle le contexte historique dans lequel on se trouve : l’époque sombre des années 60 où l’Amérique semble attendre une transformation, mais également l’état dans lequel est Llewyn Davis, c’est-à-dire nageant dans les mystères de la vie, dans le brouillard malheureux qui le suit constamment et dans un cheminent artistique sans aboutissement. Ainsi, cette œuvre cinématographique est très réfléchie et travaillée, et chaque détail semble avoir été pris au sérieux. Plusieurs reprocheront au film d’être lent et ennuyant à cause des longs moments musicaux, du pathétisme de la vie du chanteur et du manque de rebondissements et d’action. Or, tous ces éléments sont véridiques, mais ils sont symboliques et ont une importante raison d’être. Effectivement, tout cela illustre, avec réalisme, le pathétisme et la misère dans laquelle vit l’artiste folk. Il n’y a pas de grands revirements de situation dans sa carrière artistique, comme il n’y en a pas dans le film. Par ce réalisme, on exprime également l’authenticité artistique que l’artiste préfère garder, alors que dans ce métier, même si l’on a beaucoup de talent, si notre style ne convient pas aux maisons de disques et que notre musique ne rime pas avec profit, il faut se plier à leurs exigences pour percer. Mais, Llewyn fait le choix de rester lui-même, même s’il en paye le prix. Par ailleurs, on pourrait même dire que ce long-métrage ne fait pas qu’aborder la musique folk, il est construit de façon à représente lui-même une chanson folk : une chanson tout en douceur, poétique et très mélancolique avec des refrains, d’où les évènements qui se répètent dans le film.
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