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Si Avant d’aller dormir, publié en 2011, est le titre du premier roman de S.J. Watson. Ses lecteurs attendent très certainement l’arrivée du deuxième qui se fera, on l’espère. L’écriture de celui-ci mettra incontestablement de la pression sur les épaules de l’auteur. Il devra se surpasser pour qu’il soit à la hauteur de sa première œuvre. Ce thriller psychologique était certain de causer de nombreux émois par son suspense. Plusieurs auteurs de ce genre, notamment Dennis Lehane, ne se sont pas gênés pour chanter les louanges de celui-ci, qui leur semblait être une grande réussite pour un début de carrière.
Pouvez-vous imaginer être prisonnier d’un corps qui n’est pas le vôtre? Peut-être est-ce un cliché, un déjà vu dans le domaine du cinéma, par exemple Mémento, ou de la littérature par Dans la peau d’un autre par Xavier Müller. Pourtant, Watson l’interprète différemment et d’une manière intéressante. Le personnage principal, prénommée Christine, souffre d’une forme d’amnésie particulière, et ce, depuis qu’elle a été la victime d’un accident important. Son corps est bel et bien le sien, mais elle l’apprend et le découvre de nouveau à chaque matin lorsqu’elle se réveille. Dans un sommeil profond, elle perd tous les souvenirs qu’elle a accumulés depuis son accident, mais, aussi, de la journée qu’elle vient de vivre. Ce qui la détache des autres œuvres qui ont le même thème est la machination qu’il y a contre elle. Elle ne peut que se fier aux autres pour qu’ils lui racontent sa propre histoire. Cela peut être trompeur, car elle n’a aucune liberté de penser, confinée à ce que les autres ont pu savoir d’elle. Son mari, ne voulant pas qu’elle poursuive des traitements alors que tous les précédents avaient échoué, elle rencontre en cachette Ed Nash, un médecin, un neuropsychologue qui lui demande de tenir un journal. Elle y écrit tout ce qui se passe dans sa vie, entre autres, ce que son mari lui confie. À un moment, Christine se rend compte qu’il y a des incohérences dans le discours de celui qui partage sa vie, et ce, grâce à la lecture de son journal qu’elle effectue, chaque matin, alors que son médecin lui rappelle de le faire.
Ce roman est séparé intelligemment en trois parties de longueur différente, mais de même importance. Ce qui rend le tout intelligent, est la thématique du jour présent, des souvenirs. Le roman représente une journée dans la vie de la femme. La première de ces parties s’intitule «Aujourd’hui» et elle raconte un matin comme tous les autres où elle découvre qui elle est. La deuxième partie, «Le journal de Christine Lucas» est la lecture de son journal tenu depuis quelques semaines. La dernière porte le même nom que la première, soit «Aujourd’hui» et est le constat de tout ce qu’elle a appris lors de la lecture de son journal, qui est pleine de rebondissement, ce qui amène le lecteur vers le dévoilement d’un élément clé qui lui fera découvrir les circonstances qui l’ont menée jusqu’à cet homme, qui lui ment sur presque tout : la séparation avec une amie chère, son accident, sa vie professionnelle et tous les événements importants qui séparent Christine de ses derniers souvenirs non provoqués par la relecture de ses propres écrits.
Le personnage principal est sans aucun doute une victime dont tous les aspects psychologiques sont étalés dans les pages de ce roman. Peut-on s’imaginer dormir avec un parfait inconnu et se réveiller, chaque matin, à ses côtés? Les souvenirs doivent faire en sorte que l’on prenne conscience de qui l’on est devenu grâce à eux. Christine est dépouillée de ceux-ci et peut être elle-même si elle découvre ce qui s’est réellement passé. Seulement, elle est son seul repère pour y arriver, car les autres qui l’entourent et qu’elle rencontre ont tous des angles de vue différents. L’intelligence, critère cité plus haut, fait certainement partie du fait que le lecteur s’identifie et s’éprend facilement d’elle par la justesse des descriptions, par l’intimité qu’elle fait découvrir aux lecteurs, et ce, en même temps qu’elle le fait elle-même : « La main posée sur le savon ne ressemble pas à la mienne. Sa peau est fripée et les doigts sont boudinés. Les ongles ne sont pas faits, ils sont complètement rongés, et, comme celle de l’homme couché dans le lit que je viens de quitter, elle porte aussi une alliance en or, toute simple. Je regarde ma main fixement quelques instants, puis je bouge les doigts. Les doigts de ma main qui tient le savon bougent aussi.» De plus, la narration est entièrement faite par le personnage principal et cela aide probablement à s’en rapprocher. La machination dont ce personnage est victime tient tout le monde en haleine, et ce, jusqu’à la dernière page. Christine elle-même est impatiente, à l’image des lecteurs, devant ce qu’elle apprend. Pour ce qui est de la deuxième partie du roman, chaque jour recommence de la même façon, mais la polyvalence de S.J. Watson se fait sentir alors que l’on n’est pas réellement agacé par les répétitions. Tout est dit différemment à chaque fois, ce qui n’est pas redondant.
Avant d’aller dormir, il faut absolument le terminer. Il peut être consumé en quelques heures, et ce, facilement. Le suspense dans l’intrigue rend ce livre captivant et laisse de très bons souvenirs de lecture en tête, qui ne seront jamais oubliés : même dans un profond sommeil.
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