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Elle n’est qu’un souvenir. Elle n’a jamais existé. Elle n’est qu’un accessoire. Elle n’est qu’une marionnette. Elle est son ex-copine. Elle est la fille de ses rêves. Elle est la source de ses problèmes. Elle est la source de son bonheur. Elle est Joséphina, mais qui est-elle ? En fait, Joséphina n’est que théâtre.
Au théâtre, rien n’est plus important que l’expression des corps des comédiens. En effet, une pièce dépourvue de gestes et de mouvements, bien qu’enrichie par un dialogue extraordinaire, ne pourra attirer la même attention qu’une pièce où les comédiens s’abandonnent totalement à la gestuelle. Cette affirmation n’est pas qu’une parole en l’air. La preuve nous est donnée par les comédiens belges Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux, qui ont concocté en duo la pièce Joséphina. Ces personnes, qui semblent être les deux parties d’un tout incassable, travaillent leur chimie corporelle depuis la fondation de la troupe de théâtre Chaliwaté, en 2005. Cela serait encore trop faible de dire que les déplacements des comédiens frôlent l’harmonie parfaite. À titre d’exemple, on pourrait simplement penser à l’humanisation des objets et des meubles. Il n’est pas rare au cours de la pièce que la femme se transforme en chaise berçante, en guitare, en porte ou bien même en manteau, pour ne nommer que les plus marquants. Plus clairement, Joséphina se transforme au gré des besoins d’Alberto, qui, comme on peut le deviner, ressent sa présence dans le moindre évènement quotidien. Tout en se complétant, les deux personnages s’opposent par leurs attitudes. Alors que l’homme est vrai, expressif et humain, la femme nous apparaît plutôt stoïque et chosifiée, restant de marbre peu importe la situation.
L’histoire d’Alberto, un homme qui doit vivre avec l’absence de Joséphina tout en ayant à vivre avec son omniprésence, est appuyée par des effets visuels, auditifs et olfactifs. Ceux-ci interviennent en petite quantité, mais en grande importance. Les comédiens de la troupe Chaliwaté n’ont pas hésité à tomber dans l’univers du blues mexicain. Pour ce faire, les rideaux ouvrent tout d’abord sur un décor aux allures espagnoles, au milieu duquel se trouve un homme en chemise légère. D’entrée de jeu, ce dernier commence à éplucher et à couper des oignons, dont l’odeur se disperse peu à peu dans la salle. De plus, l’homme sera vite rejoint par une jeune femme habillée à la manière d’une danseuse de salsa, portant robe et talons hauts rouges. Les spectateurs se font donc transporter dans un monde latino-américain par l’odeur et par la vue. Intervient alors une musique en provenance d’Amérique Latine, ce qui rajoute une sensibilité et une sensualité à l’âme de la pièce. C’est sur ces airs que les comédiens ont décidé de faire jouer leurs corps et leurs émotions.
Alors que les auteurs de la pièce Joséphina ont accordé beaucoup d’importance à l’ambiance de la pièce, ils ont donné une moindre importance aux dialogues. Un spectateur en quête de conversations recherchées et de questions existentielles ne sera sûrement pas ravi par le visionnement de cette pièce. Joséphina est une pièce qui se penche plutôt dans la déduction et l’expressivité. Tout n’est que suggestion de pensées ou d’actions, puisque l’histoire n’est pas présentée par des mots, mais presque uniquement par des gestes. Les quelques paroles prononcées dans la pièce de théâtre ne suivent aucun fil d’Ariane, empêchant les spectateurs de leur donner un sens précis. En fait, chacun possède la liberté d’imaginer le passé et le présent amoureux des deux personnages, Alberto et Joséphina.
Un spectateur qui s’abandonne totalement à la pièce ne manquera pas d’être transporté par cette histoire qui semble aux premiers abords sans queue ni tête, réussissant petit à petit à recoller les morceaux de l’histoire d’amour de Joséphina et d’Alberto, dont on ne pourrait affirmer s’ils appartiennent à la fiction ou à la réalité. C’est de fil en aiguille que l’histoire de Joséphina se trace, s’efface et se réécrit dans l’esprit des spectateurs, selon les désirs de chacun.
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