La Femme-Chaise

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Je me regarde dans le miroir, je contemple mon reflet, je scrute l’image qui m’est renvoyée. Je suis belle. Je suis celle que l’on désire. On me remarque de loin, me dit-on. Mes longues pattes blanches, interminables, lisses, sans défauts. Mes bras sveltes et élégants, délicats. Mon dossier est légèrement arqué, dans une pose invitante, aguichante. Mon siège, lui, bombé, moelleux, accueillant. Allez-y, regardez-moi, laissez-vous tenter par mes courbes voluptueuses et mon assise confortable. Vous finirez par céder et vous laisser choir entre mes bras solides, puis de vos lèvres entrouvertes, un grognement de satisfaction las et désintéressé s’échappera.
Je me regarde dans le miroir, j’étudie mon reflet, je méprise l’image qui m’est renvoyée. Je suis laide. Je suis celle que l’on vend pour vingt maigres dollars dans une vente de garage. On ne me remarque plus. On dit de moi que j’ai besoin d’un coup de pinceau, que j’ai pris un coup de vieux. Je ne suis plus le modèle de l’année. J’ai été remplacée par une autre, plus moderne, plus exotique.
J’ai peut-être été remplacée par une femme-chaise pliante? Une de celle que l’on a pour une poignée de sous sur la rue et que l’on range après l’avoir utilisée. Une de celle qui se soumet et se plie aux sollicitations sans riposter, sans supplier de cesser, sans grincer. Une femme-chaise pliée.
Ou alors, une de ces chaises-femmes que l’on ne peut avoir que dans nos rêves et qu’on se contente de regarder en cachette sur internet. On les trouve par millier sur des sites douteux, il y en a pour tous les goûts, de toutes les formes, de toutes les couleurs, de femme-trône à femme-toilette.
Il n’y a pas que dans la rue et sur internet que l’on trouve les femmes-chaises, on les retrouve partout. Dans les revues, les publicités, la télévision, notre quotidien regorge de ces images de femmes-chaises à la silhouette parfaite. Comme un musée de magnifiques sculptures sur lesquelles on ne peut pas s’asseoir.
Je me regarde dans le miroir, j’examine mon reflet, j’ai pitié de l’image qui m’est renvoyée. Je ne suis qu’une autre femme-chaise, une femme-objet.

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