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La naissance de la mort
Grossesse
Le noir m’enlace de sa caresse rassurante
La chaleur me berce de ses bras de braise
Une douce humidité m’embrasse et me détend
Calme
Tendresse
Bien-être
Un environnement plus parfait que la perfection
Un environnement plus beau que la beauté
Un environnement plus sain que la santé
Telle une chenille, je me prélasse dans ce cocon de douceurs
Je me sens changer, grandir, évoluer
Je me sens aimée
Naissance
Non!
On me pousse, me tire, m’expulse, m’extirpe de mon nid de bonté
L’inconnu m’effraie
L’extérieur m’effraie
La lumière m’effraie
Je ne veux pas partir!
Ah! La lumière éblouissante m’aveugle
Un courant d’air froid fait frissonner mes membres
Une symphonie de sons m’assourdit
Lacrimosa
Mes larmes se mélangent au sang qui recouvre mon corps et le liquide visqueux se répand sur le sol
Je ne connais pas ce toucher rugueux qui viole ma peau
Je ne connais pas ce souffle brûlant qui effleure mes paupières
Je ne connais pas cette voix rauque qui me murmure des notes à l’oreille
Je ne connais rien
Enfance
Maman, tu sais?
Tes yeux sont tels des bourgeons de marguerite sur le point d’éclore
Tes cheveux sont telles des cascades d’eau sombre qui brillent au soleil
Ta peau est tel le doux sable chaud des plages de Thaïlande
Tu sais?
Ta voix est la mélodie du chant des oiseaux au réveil
Ton sourire est le croissant de lune éclairant le ciel lors d’une nuit noire
Ton amour est le battement de cœur m’accordant la vie
Maman, tu sais?
Tu es plus belle que le reflet des étoiles sur l’océan
Tu es plus tendre que le toucher d’une femme pour son amant
Tu es plus précieuse que le plus dispendieux des trésors
Maman?
Tu es mon printemps
Adolescence
Éclaboussure couleur cramoisie
Torrents de fluides gluants
Douleur abdominale
Un homme me saccage les intestins de l’intérieur, les écrase de ses mains, les déchire de ses dents
J’ai faim
Je veux des sels aussi salés que l’eau de l’océan
Je veux des sucres aussi sucrés que des pommes caramélisées
Je veux des gras aussi fondants que la tire d’érable sur la langue
J’en salive jusqu’au coup
Je me sens salace
Des idées obscènes corrompent mon esprit
Des plumes me chatouillent le bas ventre
Un aimant m’attire vers le sexe opposé
Je me perds dans ce dédale de sensations, de désirs et d’émotions
Je me noie dans l’œstrogène
Jeune adulte
Le monde s’offre à moi et m’ouvre grand ses bras
Une boule d’énergie loge en mon plexus solaire et m’illumine de l’intérieur, tel un soleil
Le monde aux mille couleurs me paraît s’éclairer d’une lueur dorée : lever du soleil au-dessus d’une eau limpide
La magie pétille dans mes yeux, tels les crépitements d’un feu alimenté par le vent
Mon cœur s’ouvre à l’univers, tel un coquillage découvrant sa perle
Mon corps vibre d’enchantement, telles les cordes d’une harpe au toucher du musicien
Je me sens vivre
C’est le début de l’été
Adulte
La sérénité pénètre les pores de ma peau, telle une épaisse couche de crème solaire
Mon pouls m’inspire la mer à son état le plus calme, le plus paisible
Mes pensées sont à la stabilité d’une maison, à la sécurité d’un travail, à l’amour d’une famille
Mon état d’esprit est celui de la baleine qui, en toute quiétude, se laisse bercer par les vagues dans les profondeurs de l’océan
Le soleil est à son point le plus haut dans le ciel
Le phénix est à son jour le plus glorieux
L’été est à son zénith
Vieillesse
Les feuilles tombent des branches, tels des êtres perdus se jetant en bas d’un pont
Lentement, elles se teintent des couleurs des pommes, des oranges et des citrons
Elles s’adonnent à une mort ascendante des plus belles
La pluie déferle sur ma peau et enrouille graduellement mes membres
Mes phalanges imitent le son des branches d’arbre que l’on fracture de nos pieds
Le ciel s’obscurcit de jour en jour, telle l’eau empoisonnée par le pétrole
L’humidité prend refuge sous le sol
L’odeur de la terre imprègne mes narines
Je sens l’automne
Vieillesse grandissante
S’envolent mes souvenirs, telles des feuilles emportées par la brise
S’envolent mes soupirs, rois chassés de leur empire
S’envole ma sanité que je n’ai pu emprisonner
Le vent cause en moi le bouleversement de mes pensées dans lesquelles je me perds
Il entraîne mon esprit au-delà des sphères de l’univers
Il me prive des reliques de mon passé, me prive des vestiges de mes aimés, me prive de mes mémoires imagées
Il me prive de ma tangibilité
Sentir la mort
L’automne se meurt
Grisâtres, les feuilles couvrent le sol, tel un tapis de dépouilles oubliées
Les arbres tendent les bras vers le ciel en espoir de rattraper le soleil qui, depuis longtemps déjà, s’est enfui
Les yeux des vies qui marchent sont vides : des boules de cristal en lesquelles la lumière ne reflète plus
La lune n’existe pas
Les étoiles n’existent pas
Le feu n’existe pas
La peur déchire le ciel
Déchire mon cœur
Déchire mes ailes
Elle déchire mon être qui fait face à son destin, le destin qu’il savait être le sien
Mort
Il fait gris
Les nuages couvrent le ciel
La nature semble morte et les oiseaux immortels
L`hiver s`est installé laissant un monde sans lumière, des fruits hors de porter et des sourires éphémères
L`air est froid et le givre se répand
Des souvenirs s`effacent et font place à la démence
Encore et encore, il revient sans cesse : cet hiver rigide qui n`a pas lieu d`être
Entourée par la mort et encerclée de mille corps, j`ai cherché à partir destinée à souffrir
J`ai tendu la main et crié pour de l`aide, mais perdus eux aussi, ils m`ont fait disparaître
Ne suffissent les efforts, je suis née pour périr
Il n`y a que la mort, je suis née pour mourir
Je pleure encore, étouffée par la neige
Épuisée, je m`endors et oublie dans mes rêves
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