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Je suis fatiguée. Tellement fatiguée. J’aimerais que tout s’arrête, pour que le monde cesse de tourner. Prendre mon temps. J’ai mal à l’âme, mal au cœur, mal de vivre. Mon corps n’est plus qu’une épave échouée sur une terre de roches, aussi dures que l’enfer. Mon corps avance mécaniquement dans la vie en marchant, mangeant, souriant, riant. Il fonctionne en pilote automatique, sans se soucier du commandant. Mon corps et mon esprit se sont séparés graduellement, au fil des jours sans soleil. Mais je tiens bon, malgré le poids qui pèse sur mes épaules et mon dos. Le poids de la vie.
***
Mon âme en peine rôde dans la nuit. Il fait noir. Rien devant, rien derrière. Juste moi, qui essaie d’avancer, sans voir. J’avance à tâtons dans ce noir infini. Il en faut du courage, pour continuer d’avancer. Avancer sans savoir ce qui arrivera demain, avancer malgré l’âme en peine. Marcher. Juste marcher vers l’inconnu, la peur au ventre et l’anxiété dans les tripes.
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Je suis morte. Les gens regardent mon corps, couchée dans une boîte en bois vernis. Certains sanglotent, d’autres ne disent rien. Pourtant, moi, je ne suis pas triste. Deux grandes ailes blanches ont poussé sur mes épaules et mon dos, pour que je puisse m’envoler vers un monde plus beau. Mes ailes me portent au-dessus de la ville, qui, malgré ma disparition, n’a pas ralenti son rythme de cheval de course. Toujours pressé, toujours en accélérée, toujours plus vite, plus vite! Moi, je prends mon temps. J’ai le temps devant moi. J’ai tout le temps. Je plane avec les nuages, sans me soucier de rien. J’ai bien fait de partir plus tôt, mon cœur préfère nettement mieux la vie d’oiseau. De toute façon, tout le monde meurt un jour. Tout le monde se retrouve dans ce grand vide abyssal, sans porte de sortie. Tout le monde entre, mais personne ne sort. C’est la vie. Ou plutôt, c’est la mort.
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Le bonheur. C’est difficile à trouver, ça, le bonheur. Il se cache bien. Personne n’est heureux. Je veux dire, vraiment heureux. Il y a toujours quelque chose pour venir faire de la merde. Un petit rien, qui peut foutre en l’air toute notre belle journée. Un cours que l’on déteste, par exemple. Ce cours au secondaire qui nous rend mal à l’aise, anxieux, qui nous donne envie de disparaître six pieds sous terre. Il n’est pas facile à trouver, le bonheur. Il fait légèrement chier, le bonheur. Quand on l’a, on est heureux. Mais on ne le garde pas longtemps. Le bonheur est éphémère, comme un nuage dans un ciel tout bleu.
***
La mort rôde autour de moi. Elle sait que mon âme a quitté mon corps depuis longtemps et depuis, elle veille au grain. Elle rôde la nuit, quand je pleure en silence. Si mon âme a quitté mon corps, c’est parce qu’à l’intérieur, c’est laid. C’est pourri, sale, gris, affreux. Je suis une carcasse ambulante, mais personne ne semble le remarquer. À part la mort.
Je tremble. J’ai peur.
Je sens la mort près de moi, prête à m’attraper. Je sens son souffle glacial dans mon cou, qui me paralyse à chaque fois. Je la sens m’observer. Elle attend que je passe à l’acte. Patiemment, elle attend le moment où je déciderais de fermer les yeux pour toujours. À ce moment-là, elle me tendra sa main squelettique et m’invitera à la suivre vers l’autre monde. Ce monde d’où l’on ne revient jamais, mais qui fascine tout de même. Ce monde qui, pour certain, est épeurant, mais libérateur pour d’autres. Ce monde qui m’a enlevé mes grands-parents, il y a quelques années. Je suis sûre qu’ils seraient contents de me revoir.
En tout cas, la mort est prête. Elle m’attend. Je n’ai qu’à lui donner mon feu vert. Mais pas maintenant. Pas aujourd’hui ni demain. Plus tard. Beaucoup plus tard.
***
C’est quand tout le monde croit que tu vas bien, que tout va mal…
Ne plus vouloir vivre, mais ne pas vouloir mourir. Être entre les deux. Je crois que c’est le choix le plus déchirant.
Tout le monde nous dit que le soleil apparaitra, que tout redeviendra beau. C’est bien d’y croire, mais en attendant, que fait-on?
J’avance, mais au ralenti, dans un champ d’épines. À chaque pas, je m’écorche, me fais mal. Mais j’avance quand même. Pourquoi?
Je ne sais pas trop.
Mourir pour ne plus à avoir à supporter tous les malheurs, que je traîne jour après jour. Vivre pour espérer un jour avoir des enfants, un travail que j’aime, une maison…
Être entre les deux. Sans savoir lequel est vraiment mieux. N’avoir aucun repère. Être perdue, sans personne pour te guider.
Les gens s’inquiètent de toi les premiers jours, puis retournent à leurs occupations ensuite. Ceux qui restent ne savent généralement pas quoi faire, alors ils font semblant de ne pas remarquer la tristesse.
Au moindre sourire, tout le monde pense que tu vas mieux. Ce n’est pas le cas. Mais bon. Ça doit être ça, la vie.
Tomber, malgré les quelques branches qui essaient de te retenir. Tomber, malgré les efforts.
Vivre? Mourir? Être entre les deux. Entre l’ombre et la lumière.
***
Je tombe. En chute libre dans le trou noir. Ma tempe palpite ardement et mon souffle devient de plus en plus court. Respiration saccadée, pouls accéléré.
Je tombe
Je tombe
Je tombe
Je tombe
Sans fin
Sans fond
Crise cardiaque. Âme broyée, âme déchirée. La chute est longue. J’atterris. Un choc terrible qui me brise les os. Lentement, au fond du trou, j’agonise avec mon désespoir, ma haine, ma souffrance, ma colère et mes peines. Je ne suis plus moi, je ne suis plus personne.
Silence.
Je n’entends plus rien. Je ne sens plus rien. C’est la fin.
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