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La médecin marche, ouvre son tiroir , rentre sa main à l’intérieur et se met quelque chose sur les lèvres. Elle fredonne un air. Elle va lire des dossiers à son bureau. L’inspectrice arrive et s’assoit en face.
Inspectrice: Bonjour Docteure Hébert…
Docteure: Bonjour, inspectrice, je vous attendais. Comment ça va?
Inspectrice: Très bien, merci. (pause) Vous savez pourquoi je vous rends visite?
Docteure: J’espère que oui. (pause) Sinon je suis dans le trouble…
Inspectrice: Quatre de vos patients sont récemment décédés et un est porté disparu. Le seul lien qu’ils avaient entre eux était vous.
Docteure: Au moins c’est pas pour le ticket de stationnement! Bon, je suis au courant pour mes patients et je me sens mal pour eux. Deux d’entre eux étaient âgés, un d’entre eux venait rarement pis l’autre ne m’avait pas consulté depuis des années.
Inspectrice: Lequel?
Docteure: Yvan Dubois . Je voyais encore sa femme chez eux. Elle souffre de Parkinson.
Inspectrice: Je suis au courant pour elle. Yvan est mort sous une pile de bois .
Docteure: C’est terrible, j’étais chez ces deux-là à peine deux jours avant!
Inspectrice (douteuse) : La pauvre femme a dû être placée en résidence…
Docteure: La vie des humains se termine. C’est comme ça. On ne peut rien y faire.
Inspectrice: C’est une façon de voir les choses…
Docteure ( au public) : Beaucoup de médecins ne comprennent pas ce principe, cependant ceux qui le comprennent sont vus comme des monstres. Quand je vois un patient très malade, je le vois pas comme quelqu’un à sauver, mais bien comme quelqu’un qui vit sur du temps em-prun-té. Et comme tout ‘’prêt’’, il faut le rembourser.
Inspectrice: Docteur, parlons de Madame Rose Laplante. Elle est morte d’une intoxication à un de ses médicaments.
Docteure: Elle avait le SIDA pis elle était en fin de vie, non?
Inspectrice: Elle a été victime d’une erreur de dosage de la part du pharmacien, mais votre ordonnance était en règle. … Ce pharmacien, il était aussi votre patient et a mystérieusement disparu…
Docteure: Hasard. Désolée, je ne sais vraiment pas ce qui s’est passé, mais je suis sure que c’est une coïncidence. Vous savez, il y a de plus en plus de fous dans notre société, le stress ayant pris le dessus, il y a des médicaments partout… On donne des pilules à des enfants de trois ans maintenant car on peut plus s’en occuper. Ce sera de pire en pire
Inspectrice (au public) : Mais voyons! Pour une docteure, quelle pessimisme! Si on administre les médicaments aux enfants, c’est pour justement les aider à se concentrer à l’école!
Inspectrice: Parlez-moi aussi de la patiente atteinte de la sclérose en plaque qui est décédée empoisonnée dans son jus de fruits?
Docteure: Comment j’aurais pu l’empoisonner dans son jus de fruits???
Inspectrice: J’en sais rien mais que vous la visitiez à domicile.
Docteure: J’aime visiter mes patients. Ça me comble d’une certaine joie, surtout dans le cas des patients en phase terminale…
Docteure (au public) : Surtout ceux en phase terminale qui sont encore sur l’assurance-maladie. Je sais qu’ils ne seront jamais profitables à la société. Ils ne peuvent plus rembourser le temps qu’on leur a accordé, nous les médecins. C’est dommage, notre « prêt » ( Signe de guillemets)n’a pas été remboursé. Il faut donc le ‘’saisir’’.
Inspectrice: C’est généreux de votre part.
Docteure: C’est naturel chez moi.
Inspectrice: Il reste un cas. Atteint de cancer, décédé à l’hôpital.
Docteure: J’ai fait de mon possible pour le sauver. Il a dû payer le prix de sa vie pour le manque de ressources. On dépense plus en chirurgie esthétique qu’en traitements pour le cancer.
Inspectrice (au public, en avant, gesticulant) : Elle détourne la conversation, mais elle n’a pas tout à fait tort et ça me dégoûte! Je dois quand même l’interroger.
Docteure: Que préférez-vous? Un mannequin vivant en plastique ou un être mort mais en chair et en os?
Inspectrice: Notre société est folle…
Docteure: Je suis d’accord, mais, qui ne l’est pas? J’ai une fascination pour le sang, sa couleur, sa texture, ce qui n’est pas vraiment sain. Vous en avez une aussi, une folie.
Docteure ( au public, debout, mimant les meurtres) : Le prix à payer pour l’absence de remboursement est lourd. La vie est un ‘’prêt’’, il faut le récupérer un jour ou l’autre… Pauvre Yvan Dubois… J’ai récupéré le tout chez lui. Il n’aurait pas dû endosser le ‘’prêt’’ de sa femme.
Inspectrice ( écrit sur un bloc-notes) : Désolée, mais il reste que vous êtes notre suspecte numéro un. Me permettez-vous d’inspecter votre bureau, madame?
Docteure: Certainement. Évitez le tiroir des dossiers des patients, vous avez déjà les infos et je tiens à les garder confidentielles.
Inspectrice: Je comprends, merci beaucoup.
L’inspectrice fouille le bureau en évitant les dossiers. Elle ne trouve rien mais se coupe avec une feuille qui trainait sur une table.
Inspectrice: AOUTCH! Ça brûle! Ça saigne en plus!
La docteure arrive et regarde le doigt.
Docteure (En sortant) : Je vais chercher un pansement dans mon, bougez pas.
Inspectrice ( à l’auditoire) : Il faut que je trouve une preuve, une photo, un dossier, N’IMPORTE QUOI, OSTI!
Elle ouvre le tiroir et pousse un petit cri d’horreur. Elle sort une tête coupée et un pot de sang du tiroir. À ce moment, la médecin revient.
Inspectrice : Le pharmacien disparu! … Il faut que je sorte d’ici! C’est elle la coupable… Elle est folle!
Elle se fait égorger par surprise par derrière.
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