Le jour où elle m’a dit non… une scène d’Audrey Lafond

Suivez-nousFacebookby featherSuivez-nous
PartagerFacebooktwitterpinterestlinkedintumblrby featherPartager

Intro
Discussion entre trois spermatozoïdes. On les entend, mais on ne les voit pas.

Spermatozoïde 1 :

–         Qu’est c’tu fais là !

Zoïde

–         J’pars à l’aventure !

Spermatozoïde 2 :

–         C’pas l’temps ! y’a mis un condom, faut pas niaiser avec ça, fais-y pas c’te surprise la !

Zoïde

–         J’veux voir ça r’semble à quoi chez l’autre espèce bon ! J’y vais, j’saute !

Spermatozoïde 1 et 2

–         Nooooooonnnn !

Le petit spermatozoïde traverse une paroi en plastique. Il semble tout étourdi, s’époussète et finit par dire :

Zoïde

–         Woooow ! C’est donc bin beau ici ! C’est tout rose ! C’est loin de r’sembler à d’où j’viens ! Beaucoup plus propre ! Eille, j’ai hâte de dire ça aux autres qu’j’ai réussi à m’infiltrer ici, y vont être jaloux !

Madame l’ovule

–         AHHHHH ! Ah non ! Pas encore un autre qui a réussi à percer l’mur de caoutchouc ! Y vont tu m’laisser une pause un moment donné !

Zoïde

–         Madame l’ovule ! C’est vous ! Vous êtes… vous êtes… pas aussi belle que je m’l’imaginais… Mais ! Mais ! Vous êtes belle quand même !

Madame l’ovule

–         J’suppose que j’dois l’prendre comme un compliment !

Zoïde

–         Mais certainement !

Madame l’ovule

–         Là, mon p’tit bonhomme blanc, t’es chez moi ici ! J’n’ai pas demandé à t’voir donc reste poli ok !

Zoïde

–         Oui je m’excuse ! Je… J’voulais pas vous insulter ! C’est jusque d’où j’viens, on parle tellement de vous, que j’me disais qu’vous pouviez pas être autrement que la plus belle chose que j’puisse voir dans ma vie ! Et j’suis tellement excité d’être ici. Depuis que j’suis grand comme ça que c’est mon rêve d’être ici ! En montrant avec ses doigts petit comment.

Madame l’ovule

–         Faut dire que c’pamal la seule utilité que t’as mon p’tit.

Zoïde

–         J’aurais pu finir ailleurs vous savez !

Madame l’ovule

–         Ahhhh ok ok stop! Comme tu voudras ! Mais s’il te plaît, si tu continues de parler, j’risque de provoquer des syndrômes prémenstruels à elle en haut ok !

Zoïde

–         Oui oui je m’tais,  ziiiiiip !

Silence…

Zoïde

–         En tout cas ehhh, quand vous serez prête à féconder ehhh… faites-moi signe, j’suis juste à côté ! Mais… faudrait pas attendre trop longtemps, on a juste 24h ! Et j’suis un spermatozoïde  très perfectionniste, on m’le dit souvent ! Donc j’ai besoin de temps pour bien…

Madame l’ovule

–         Quoi ? Attend, est-ce que t’as dit féconder ? Non non non ! J’m’excuse de t’dire ça, mais ton voyage ici est nul ! Y’a pas de bébé qui se fait ici là ! Oh non !

Zoïde

–         Mais pourquoiiii ! Tu peux pas m’enlever ça ! C’est le rêve que j’ai depuis que j’suis…

Madame l’ovule

–         P’tit comme ça je l’sais ! Montrant petit comment avec ses doigts. Mais t’es pas l’premier que j’rencontre qui me dit ça et tu n’seras pas l’dernier à qui je vais refuser le plaisir de me féconder.

Zoïde

–         C’est vrai que ça serait tout un plaisir… hihihi ! Imaginez-nous, collés ensemble comme ça ! (La prend dans ses bras) Regarde comme on féconde bien on est fait pour féconder !

Madame l’ovule

–         Wooooh ! Woooh ! T’imagines la gaffe que tu viens d’faire ! T’aurais pu m’féconder pour de vrai !

Zoïde

–         Ah j’mexcuse là ! C’est juste que l’autre côté, j’me suis fait enseigner depuis que j’suis tout jeune comment vous féconder ! C’est tout c’que j’sais faire ! J’suis censé faire quoi moi ici si c’est pas vous féconder ! ….. En plus, je suis claustrophobe !

Madame l’ovule

–         Claustrophobe ? Un spermatozoïde claustrophobe ? Arrête j’vais rire !

Zoïde

–         Oui je suis claustrophobe ! Quand j’manque d’air je m’énerve et j’ai la tête qui gonfle ! Vous imaginez-vous ce que j’endure pour vous aujourd’hui ? J’endure de l’air de madame qui sent le rose à plein nez dans un espace tout petit qui est rose aussi ! Ça fait féminin pas mal ça madame l’ovule ! D’où je viens, la seule odeur qui nous est permise de sentir c’est celle de notre voisin d’en bas qui sort les vidanges trois fois par jour ! Pis la seule couleur qui nous est permise de voir c’est celle d’la peau de nos frères parce qu’on est tellement nombreux qu’on voit pas les murs ! Ça peut-être l’air terrible comme vie, mais nous au moins on sait qu’on a une tâche à accomplir pis on sert le peuple ! On fait pas nos fraîches-pètes sur l’air de Mozart en s’poudrant l’nez !

Madame l’ovule

–         Ouin bin moi qui pensait déclencher des syndrômes prémenstruels à elle en haut, on dirait bien que c’est sur toi que ça tombé !

Zoïde

–         Oui madame ! … Eh, non ! Non, je veux dire que, bin que, bin que c’est ça qui est ça !

Madame l’ovule

–         Bin j’suis bien contente pour toi, maintenant, fais-moi le plaisir de te dégonfler la tête un peu et laisse-moi retrouver l’silence pour l’amour !

Zoïde

–         Pour l’amour ! Oui c’est ça ! Vous l’avez l’argument ! Fécondons pour l’amour ! C’est beau l’amour ! Des gens qui s’aiment sont censés faire des enfants !

Madame l’ovule

–         Est-ce que tu fais exprès d’être aussi idiot ou c’est lors de ton passage ici que ta queue s’est enroulée autour de ton cou et t’a coupé l’air au cerveau ?

Zoïde

–         …. J’comprend pas….

Madame l’ovule

–         Tu me parles d’amour ! Je crois que y’a des informations que tu ne connais pas toi. On t’apprend à féconder mais lorsque vient le temps de t’informer des conquêtes de ton homme, t’as soudain la tête enfouie dans le silence absolue ! Ton homme, mon petit y’a 43 ans. Y s’appelle Normand pis y’a deux enfants.

Zoïde

–         Ah oui ? Je le croyais plus jeune… Mais c’est pas grave ça, on peut féconder quand même ! La mère elle, elle a quel âge ?

Madame l’ovule

– Elle a 13 ans, a s’appelle Gaëlle pis imagines-toi donc que c’est la fille de Normand!

Zoïde

–         Quoi ? …. Tout en se reculan.t Mais non, ça se peut pas, tu me blagues, on m’a jamais appris ça à l’école de la fécondation, c’était pas censé arriver ça !

Madame l’ovule

–         Penses-tu que moi j’ai été plus formée pour des cas comme ça ? Jamais ! Ici, on apprend par soi-même et maintenant tout ce que j’ai trouvé de mieux à faire c’est de n’pas féconder. Si fallait qu’elle tombe enceinte de lui, ça serait le boute du boute !

Zoïde

–         Avoir su que c’était ça l’voyage, jamais j’aurais embarqué dedans…

Madame l’ovule

–         Tous les voyages ont des imprévus… Pour certains c’est d’aller dans un autre pays, pour d’autres c’est l’amour… Pour Gaëlle, le grand voyage, c’est sa vie, qui en est tout un pour une jeune fille d’son âge… Avant d’partir, on est tout excité, on a hâte de voir c’qui s’passe dans c’t’univers inconnu là. Une fois arrivé, on admire, on est bien, on est heureux de c’qui nous arrive. Et pis là vient un orage qui nous empêche d’apprécier tout c’qu’on admirait tant à not’arrivée… Bin pour Gaëlle, l’orage, c’est son père. Un orage vicieux, insensible, sadique, un écoeurant d’orage ! Moi j’comprends pas ça qu’on puisse vouloir être l’orage d’une p’tite fille comme elle ! Y’avait pas l’droit d’gâcher son voyage !  Hein ! Tu comprends-tu ça toi Zoïde ! Tu comprends-tu ça !

Zoïde

–         Non eh… ‘’ Zoïde ‘’ eh… y comprend rien non plus…

Madame l’ovule

–         C’est pour ça qu’ici dedans, ça sent la rose pis que j’écoute du Mozart. J’essaye d’m’occuper en attendant qu’l’orage passe… Si a pouvait, j’suis sûr que la p’tite ça y dérengerait même pas d’avoir un voisin qui pue pis qui sort ses vidanges trois fois par jour, pis d’avoir en dedans d’elle plein de p’tits frères tellement collés les uns aux autres que tout ce qui peuvent voir c’est la couleur d’leur peau pis pas les murs. Peut-être que si elle avait été de même, son père se serait pas porté volontaire pour gâcher son voyage, tu comprends.

Zoïde

–         Oui je comprends…. Se retourne et commence à s’en aller

Madame l’ovule

–         Qu’est-ce tu fais Zozo ?

Zoïde

–         Zozo, Zoïde, comme tu veux, y s’en va…

 

Madame l’ovule

–         Pourquoi ?

Zoïde

–         Parce que j’me sens mal… j’voulais pas faire ça moi…

Madame l’ovule

–         Je le sais bin, t’es bin trop idiot pour avoir pu un jour imaginer une telle situation. petit sourire complice. Fais pas ton lâche, accompagne-moi donc un peu, j’ai besoin de jaser.

Zoïde

–         Okay, j’ferai pas mon lâche madame l’ovule, j’vais vous accompagner. De toute façon, j’suis pris ici, je sais bin pas comment j’aurais pu partir.

Madame l’ovule

–         Effectivement ! en ricanant

Zoïde

–         Mais là, j’vais être la risée d’mes frères… J’étais venu ici pour faire un bébé, pis m’voilà en tête à tête avec vous à écouter du Mozart… Sans vouloir vous insulter, ça fait pas trop viril…

Madame l’ovule

–         En quoi devrais-je être virile ?

Zoïde

–         Mais c’est pas de vous que j’parle ! C’est de moi ! Déjà que j’ai une voix aigüe, que j’suis tout frêle… Y’a des spermatozoïdes femelles qui ont l’air plus viriles que moi, c’est gênant…En venant ici j’pensais pouvoir prouver aux autres que j’suis un homme, un vrai de vrai ! J’ai réussi à percer le caoutchouc madame l’ovule, vous imaginez-vous ! J’ai réussi ça moi !

Madame l’ovule

–         Mais oui Zozo, mais imagine à quel point tu es fort. T’arrive ici par inceste alors que tu croyais faire un bébé, et là tu discutes tout bonnement avec moi en attendant ta mort. Si c’est pas être fort ça, je me demande bien ce que c’est !

Zoïde

–         Quoi !!!! Je vais mouriiiiiir !!!!

Madame l’ovule

–         Ohhh… Eh… hey bien… en quelque sorte…

Zoïde

–         Tu veux dire que si je ne fais pas de bébé, je meurs !!!

Madame l’ovule

–         Et bien oui… sinon imagine comment on serait nombreux ici !

Zoïde

–         Mais j’veux pas mourir moi !!!!

Madame l’ovule

–         Je sais qu’c’est dur à accepter… Moi aussi je vais mourir tsé… Mais au moins, dis-toi que tu seras mort en héros. Tu t’seras sacrifié pour la vie d’une jeune fille de treize ans zozo, c’est pas rien quand même…

Zoïde

–         Vu comme ça… Bon, i ‘m’reste maintenant 23h pour accepter mon sort… sort une marguerite. J’vais mourir un peu, beaucoup, énormément, pas du tout… J’vais mourir un peu, beaucoup, énormément, pas du tout…

Madame l’ovule

–         Zoïde, tu trouves pas ça un peu pathétique ?

Zoïde

–         Aussi pathétique que moi…

Madame l’ovule

–         Arrête-moi ça là, viens te coucher ici à côté de moi. Tu vas voir, le sommeil va engourdir notre peine…

Zoïde

–         Madame l’ovule… Croyez-vous qu’il y a un paradis pour ceux comme nous ?

Madame l’ovule

–         Oui Zozo… Bien sûr que oui…

 

 

 

Suivez-nousFacebookby featherSuivez-nous
PartagerFacebooktwitterpinterestlinkedintumblrby featherPartager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *