Le labyrinthe et sa peur

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Notre histoire, je dis bien notre, commence dans une rue noircie, sombre. Cette histoire, je la raconte juste avant de mourir, en pensée, n’étant plus capable de respirer. Je me la raconte comme un souvenir, mentalement. Elle commence au 1670, 15e Avenue à Shawinigan. Là, où notre cher Mathieu se soûlait avec ses camarades. La soirée fut mouvementée, bien remplie d’alcool et de drogue. Notre personnage ne s’en est pas privé. Maintenant temps de repartir chez lui, il se rendit compte que son téléphone était déchargé. Étant trop soûl et trop drogué pour penser à revenir sur ses pas pour demander un chargeur, Mathieu s’aventura dans les rues sombres de sa ville, en direction de sa maison. Il marcha quelques kilomètres, traversa le pont vert, monta la rue et… blackout… Il se réveilla le lendemain, dans un endroit inconnu, il prit quelques minutes à réaliser que le décor l’entourant ne lui était pas familier.

 

-Où j’suis? Il y a quelqu’un? Qu’est-ce que je fous ici ?! hurla-t-il voyant que personne ne lui répondait.

 

Personne ne répondit, en fait, personne n’était là, personne sauf ses émotions qui dansaient dans sa tête. Il se lança donc à la recherche de la sortie. Il était dans une sorte de maison, peut-être, entourée de murs sombres, gris. Il n’y avait pas beaucoup de lumière dans la demeure, impossible de déterminer s’il faisait soleil ou encore nuit dehors. Il avança, observa autour de lui. Il se rendit compte qu’il était bel et bien seul, perdu, quelque part, sans rien, il n’avait que sa pensée. Il remarqua une horloge au fond de la pièce et observa : 13h23. Il fit le tour du proprio, sans trouver une seule entrée ou sortie. Il ne trouva nulle nourriture, nulle source d’eau, rien. Il retourna sur ses pas, vers la chambre où il s’était réveillé, car, en réalité, c’était la seule pièce ayant des meubles, un bureau, un lit. Sur ses pas, fraichement tracés, il se perdit. Il venait tout juste de passer par là, néanmoins, un mur semblait s’être ajouté. Comment? C’est physiquement impossible… Il l’aurait entendu bouger.

 

-Allo ?! Il y a quelqu’un? s’écria-t-il, ayant de l’espoir.

 

Personne ne répondit, encore. Il s’assit sur le plancher, établit les faits dans sa tête : je suis parti du party hier, dans les environs de 23 heures et j’ai marché quelques kilomètres vers ma maison. J’ai perdu la mémoire en haut de la rue et je suis maintenant détenu ici. Il comprit qu’il se fit sans doute kidnapper et un vent de terreur s’empara de lui. Il continua d’élaborer en s’efforçant de garder son calme avec difficulté : je me suis réveillé il y a environ une heure, je ne suis pas chez moi, je ne suis d’ailleurs pas dans une maison étant donné l’organisation des pièces… ça ressemble plus à une sorte de labyrinthe qu’à autre chose. On vit alors sur sa face un sentiment de panique et de stupéfaction. Il réalisa; réalisa qu’il était dans un trou sans fin, que le mur avait bel et bien bougé, d’une façon ou d’une autre et qu’il n’allait, physiquement, jamais en sortir. Il se mit à paniquer, courir, hurler, crier, pleurer, il s’affola, cogna sa tête contre les murs, s’éclata les jointures sur le sol puis perdit connaissance.

 

J’étais restée à côté de lui quelques heures, le regardant, inerte, sur le sol, comme un mort. Il se réveilla, j’étais encore là.

 

Les semaines passèrent, Mathieu avait trouvé de la nourriture dans quelques recoins du labyrinthe, de quoi survivre même si c’était d’un régime pire que celui de l’armée en pleine rationalisation. Il se créa une routine : il se réveille sur le sol, il marche, se rappelle petit à petit les lieux, vérifie s’il n’y a pas quelque chose de nouveau dans ce trou perdu, cherche de la nourriture et passe le reste de la journée, ou de la nuit, dans le noir, seul, dans sa tête, dans sa démence, dans sa peur.

 

Il commença à se parler, à lui-même, j’eus beaucoup de plaisir à l’écouter déblatérer sur son sort la première fois. Néanmoins, à la longue, ça en devenait triste et ça m’effaçait, ça laissait place à la solitude. J’eus donc une idée pour rester sa principale amie. Il se réveilla pendant la nuit, j’avais créé un bruit. Je ne dormais pas, pas cette fois, j’étais quelques parts, armée d’un couteau à dents. Je me mis en quête de le tuer, pour qu’il ait enfin du plaisir, un objectif, quelque chose à faire.

 

Mathieu marcha, tendant l’oreille d’un air innocent, les murs commencèrent soudainement à bouger, se déplacer rapidement. Il commença à courir dans toutes les directions. Vers le sud, bloqué! Vers le nord, empêché! Vers l’ouest, le mur le regarda. Il gémit par terre, il gémissait de désespoir. Cependant, il osa lever les yeux, j’étais là, devant lui, il me vit, son visage se transforma en terreur noire, il hurla dans une langue méconnaissable, bestiale, je lui ai tourner le dos, je voulais qu’il sache que j’étais là, qu’il n’était pas à l’abri.

 

Il resta immobile, traumatisé, les yeux vides, comme s’il venait de croiser Satan, du moins sa version féminine, en personne. Il se leva, il marcha, il était en pleine transe, en pleine hallucination; il ne croyait pas à la possibilité d’avoir vu une personne, là, devant lui. Il ne supportait plus son existence. Où était-elle passée, où cette personne armée qu’il a vue aurait-elle plus se sauver? Il se mit à ramper partout dans l’endroit, ne se souvenant plus de la moindre architecture des lieux. À quelques mètres de lui se trouvait l’horloge, au fond de la pièce, l’heure tournait comme une folle.

 

Je m’approchais, armée et… tomba, tranchée. L’horloge venait d’être décrochée, par lui, ce connard à qui j’appartenais! Ce connard que j’ai traumatisé! Les verres partout sur le plancher de l’inconnu chez qui je l’ai amené alors qu’il était drogué!

 

Soudain, je commençai à disparaitre, à me supprimer, il était derrière moi, tenant l’aiguille de l’horloge dans sa main, notre main, s’en étant servie comme poignard. Il ria, ria, ria tout en agonisant dans sa folie. Ses rires résonnèrent dans tous les recoins du lieu. Je mourais et lui il s’étouffait en riant. Sans aucune explication, il s’était tué, avide de sa folie, psychologiquement détruit. Il nous tua. Moi qui l’avais nourri, qui l’avais gardé éveillé dans la nuit par la terreur, moi qui étais sa seule amie dans cet endroit. Je n’étais pas la responsable de tout cela, j’étais seulement quelque chose qui avait, comme lui, été emprisonnée ici, j’étais dans lui… pourquoi m’a-t-il tuée? Moi qui étais Mathieu. Moi qui étais lui-même. J’étais nommée la peur.

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