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«J’ai mal et peine ô morsure de naissance
Cependant qu’en mes bras ma jeunesse rougeoie»
Comment peut-on réparer le passé? Comment bâtir un pont entre deux jeunesses, quand il n’en reste qu’une seule?…
Signataire du Refus Global, désireux comme tous les jeunes fougueux de 1970 de libérer le Québec de son avilissement, Gaston Miron, comme tout autre poète romantique, n’a pas écrit que des plaintives peines d’amour… Mais il en a écrit beaucoup. Une thématique qui me révulse constamment du lyrisme de Châteaubriand et de ses contemporains, qui me pue au nez.
Mais il a par conséquent participé à l’insurrection pulsionnelle de son temps, tout comme ses ancêtres romantiques de France pris dans l’ennui et l’excessive énergie propres aux jeunes adultes en quête de révolte. Ce qui est déjà beaucoup moins pitoyable que des vers intimes écrits avec ses larmes. Car l’histoire ne s’écrit pas avec des larmes, mais avec du feu.
Ce rapaillement automnal (la Crise d’octobre) pour faire bouger les choses a de quoi rester gravé dans les mémoires, car il est fait de gestes certes violents, mais par-dessus tout concrets. Et puis il est ravalé par le temps, tapissé dans les sous-sols de bungalows au crâne dégarni.
Les temps ont changé.
Ce plus grand poète du Québec, c’est une seule et unique génération qui l’a couronné. Une très populeuse génération, mais une seule quand même! Les thèmes de Miron sont-ils toujours aussi actuels, sont-ils toujours entendus de la même oreille?
Le problème, c’est que l’oreille qui n’a cessé de l’écouter se dégrade et s’empoussière peu à peu. N’est plus du tout actuelle. Le vieux folk de la terre malade de labour, de la terre qui trime dur mais qui ne sait pas lire, elle est pratiquement morte, claquemurée par ces anciens jeunes dans des hospices où ils les remplacent un par un dans les lits froids du passé.
Par contre, le yes-man reste toujours une figure emblématique du peuple québécois, indélogeable. Le gars de DEP. Il est maintenant traité en maître, est payé grassement, tandis que les intellectuels qui se sont battus pour la cause du bétail canadien français des usines sont remisés des cégeps. Pas tant à contrecœur, beaucoup ayant perdu de leur superbe.
Le message contenu dans les vers de Miron a encore une signification de nos jours, seulement la forme est désuète. Sa voix s’est éraillée, s’est érodée sous l’acidité de la mémoire. Personne ne veut entendre parler des souvenirs romancés de la génération précédente.
La nostalgie est un virus qui rend asocial.
Le Printemps érable, ce n’était pas et ne sera jamais une copie de la Crise d’octobre, le rapaillement est inutile lorsque la paille a pourri et s’est transformée en humus. Il n’y a plus de paille : seulement la paye de l’homme des villes.
La terre s’est asphaltée, et on fait maintenant des graffitis.
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