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1943
Tout est flou, ma vision est troublée
Je ne vois rien, je ne vois plus
L’obscurité pareille à une couverture
M’enveloppe de ses bras soyeux
Et m’amène avec elle dans les ténèbres
Je me sens bercée par la mort
Bercée par le doux son du champ de bataille
Et par les « Heil Hitler ! » que j’entends au loin
Les gens autour de moi sont en crise
Pendant que moi je dors paisiblement
Cyanure d’hydrogène, le pire assassin
Tueur de Juifs, tueur de différences
Mais la guerre est reposante
La guerre peut être tellement belle
L’harmonie des canons et la symphonie des enfants en pleurs
Douce musique à mes oreilles
Mais la souffrance pue à plein nez
Couchée sur le sol je sens la braise
Je sens le feu éternel du combat
Odeur suffocante et toxique
Mais douce et réconfortante
Cet être supérieur qu’est notre chef
Beau grand Hitler maître de l’Allemagne
M’a tuée à l’aide de ses soldats esclaves
M’a tuée sans connaître mon nom
Je serai oubliée à tout jamais
Étendue ici sur le sol brûlant
Les yeux fermés, bercée par la faucheuse
2001
Je contemple l’automne, saison de la mort
Vieilles citrouilles en train de pourrir sur le perron
L’odeur de tarte aux pommes qui n’est plus aussi fraîche qu’elle ne l’était
Je marche sur les feuilles mortes qui crient au secours au fil de mes pas
Elles n’attendent que l’aide du vent froid pour s’envoler loin de moi
Mais, bientôt, ces feuilles se décomposeront ensevelies par la neige
Mortes frigorifiées, elles n’auront pas de seconde chance
Elles périront ici sans que personne ne les aide
Personne ne les sauvera de leur dangereuse détresse
Comme personne ne m’a sauvée de la mienne
Cette détresse que j’eus il y a exactement deux mois de cela
Lorsque ma vie s’est détruite à tout jamais
Je suis comme cette feuille orangée qui est couchée sur le sol
Cette feuille, seule, qui n’ose même pas bouger
Elle, qui est trop faible pour se déplacer
Toute recroquevillée sur elle-même, à deux doigts de la mort
Je n’ai plus la force de me battre contre le froid
Le froid que la mort de mes parents a fait dans ma vie
Cette vie autrefois colorée et joyeuse, comme l’automne avant l’hiver
Cette vie teintée de rires et d’amour pur
Cette vie gâchée par ces affreux terroristes sans coeur
Qui ont attaqué les deux grandes tours sans but, sans remords
Je suis cette feuille orangée qui est couchée sur le sol
Cette feuille, seule, qui n’ose même pas bouger
Qui n’essaie même plus de se relever, découragée
Cette feuille, qui, de toute façon, va finir par mourir par le poids douloureux
Du drap blanc glacial de la mort
2011
Nous dessinions la réalité pleine d’humour
Nous embellissions le drame mondial quotidien
Nous mettions de la couleur aux mauvais jours
Notre vie était pigmentée de rires et de grands sourires
Nous faisions ricaner les gens avec un simple bout de papier
Grand rectangle blanc encré de bonheur, d’humour et de sarcasme
Cette feuille d’absurdité artistique qui faisait rire petits et grands
Nous étions heureux et inconscients
Inconscients que nos drôles de blagues
Pouvaient insulter autrui
Jusqu’à attirer non seulement la mort de notre industrie
Mais aussi notre propre mort à grand coup de fusil
Balles retentissantes dans les majestueuses rues de Paris
Nous, les caricaturistes, étions comme des sorcières à Salem
Pourchassés, menacés de mort
Nos dessins imprimés sur ce papier plus que tranchant
Nous ont mené à une mort insoupçonnée
Cette journée-là, nous avons tenté d’en rire
Cette journée-là, nous pensions que ce n’était qu’une grande blague
Que ce n’était qu’un coup monté, pour nous faire ricaner
Mais cette journée là, j’eus droit à une balle à la poitrine
J’eus droit à un effondrement, tête contre l’asphalte
Mon crâne fracassé, un mal de tête flagrant
Je voyais plusieurs de mes amis s’effondrer aussi avec moi
Tous créant une symphonie mélodieuse en tombant dans la mort
Pourquoi sommes-nous attaqués, nous, grands clowns de l’hebdo?
Qu’avons nous fait pour mériter une telle scène de crime
Pour mériter cet énorme bain de sang sans pouvoir lever drapeau blanc
Avec nos esquisses et nos drôles de blagues
Nous tentions de mettre de l’humour dans la dure réalité mondiale
Et nous avions toujours réussi à le faire
Sauf aujourd’hui
2048
Terre sèche sans humidité
Feu éternel brûlant au fond de ma gorge
Je marche pieds nus dans le sable de braise
Inconscient de ce qui m’arrive, cherchant ma maison
Mais où est passée l’eau bruyante des ruisseaux
Où sont passés les océans d’humains hypocrites et sans coeur
Où sont passés nos arbres géants et majestueux
Où suis-je, où vais-je, dans cette vallée de la mort
Cette vallée où corps suffocants sont couchés dans le sable chaud
Où le soleil brûle autant que si nous n’étions qu’à cinquante mètres de lui
Où suis-je, où vais-je, dans ce désert perdu au milieu de nulle-part
Où verdure est disparue, n’existe plus
Je suis couché sur cette terre brûlée sans espoir
Je peine à soulever mon corps lourd et impuissant
Ce corps qui ne sert plus que de mur à mon âme
Qui tente en vain de s’envoler vers le repos éternel
Je ne vois que des corps étendus, sans signe de vie
Je n’ai plus personne à qui parler
Ma famille n’est plus, je suis maintenant seul
Je suis désormais le dernier humain de la terre
Cette Terre qui nous était si précieuse
Mais dont on n’a pas assez pris soin
Elle criait à l’aide depuis des centaines d’années
Par ses tremblements de terre, ses ouragans
Ses dangereuses tornades et ses glissements de terrain
En plus du réchauffement climatique, grande problématique
Personne ne l’a entendue malgré la force de son cri
Personne n’a su l’aider à se guérir, à se soigner
Personne n’a su l’aimer à sa juste valeur
Je me sens tomber
Tomber dans la triste noirceur
L’humanité est maintenant disparue à tout jamais
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