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Les mouettes sont des oiseaux crasseux. Elles s’envolent maladroitement, créant des cercles boiteux dans le ciel gris. Ces hirondelles manquées, alourdies par leurs ailes huileuses, agressent les passants en les apostrophant de leurs couinements insolents. Leur cholestérol élevé les clouant au sol, elles n’ont plus d’autres choix que d’errer dans les stationnements des McDonalds, à la recherche de quelques frites froides, graisseuses et détrempées à se mettre sous le bec. Seulement bons à énerver les clients, ces goélands du dimanche arrachent quelques hurlements aux employés désabusés qui, armés de leurs casquettes et de leurs nettoyants embouteillés, frottent les tables grasses à l’extérieur du restaurant, à l’affut de ces oiseaux voraces. Tireuses de précision, les mouettes lâchent leurs bombes. Elles défèquent nonchalamment sur le premier venu, chiant leur haine, souillant de leurs excréments le ventre rond des obèses venus festoyer. Oiseaux de malheur, cervelles de moineaux, pestes ailées, elles connaissent le répertoire. Elles se posent dolemment en une neige sale, un flocon à la fois, en une danse aléatoire. Lorsqu’une voiture entre dans le stationnement, faisant crisser ses roues dans le gravier noir, les mouettes disparaissent soudainement, en un clignement d’yeux, en un battement d’ailes. Puis elles retournent se laisser choir près des bennes à ordures, les dépouillant de leur contenu, léchant les coulisses de gras et récoltant les restes de friture à même le sol humide. Malgré tous les défauts qu’on puisse leur trouver, ces parasites à plumes réussissent parfois à capter l’attention de quelques excentriques. Quelques âmes sottes qui posent leurs yeux écarquillés sur ce ballet fade. Ils se figent, le visage niais et hébété devant ces majestueuses déceptions que l’on nomme oiseaux. Même affublée de cette blancheur cireuse, la mouette attire malgré tout l’oeil brillant de son spectateur, celui qui est tristement encore plus dans l’ombre qu’elle.
J’ai écrit ce texte en attendant l’autobus de ville. Il y avait un handicapé qui s’amusait à courir pour effrayer les mouettes dans le stationnement du McDonald. Personne n’osait lever les yeux vers lui lorsqu’il éclatait de rire. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sentais étrangement liée à cet inconnu, qui, aveugle aux yeux qui le regardaient avec désapprobation, souriait à la vie. Je lui ai envoyé la main pour le saluer et son visage s’est éclairé d’un sourire d’une oreille à l’autre.
Le lendemain en attendant l’autobus, j’ai regardé les mouettes s’envoler. Curieusement, je les ai trouvées belles.
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J’aime!
J’aime bien le contraste entre la laideur de la mouette et la beauté que tu lui trouves… Et surtout que cette beauté te rapproche des marginaux qui sont sensibles à la misère…