Partager
Auteure assidue dans la cause féministe et défenseure des mamans… a pondu plusieurs pièces de théâtre et de la littérature jeunesse… on comprend vite en voyant ses antécédents à quel point le petit nid douillet familial représente l’univers fétiche de Fanny Britt. Son essai personnel, intitulé Les Tranchées. Maternité, ambiguïté et féminisme, en fragments, paru en 2013, témoignent des thèmes qui dominent son tout premier roman édité par Le cheval d’Août, l’année dernière, Les Maisons.
Ode à la maisonnée, au confort banal du foyer qui nous protège…
…Et nous étouffe.
Tessa, montréalaise de trente-sept ans, agente immobilière et surtout mère de trois garçons, n’en a pas fini avec ses souvenirs de jeunesse et se retrouve face à face avec son aventure d’un été d’il y a seize ans, pur coup de foudre de sa vie. S’ensuit alors une remise en question de sa condition de femme moyenne et l’éternel flot de souvenirs et de regrets que l’héroïne collectionne avec son grand appétit de masochiste: jeunesse passée avec une mère monoparentale qui se bat pour sa survie, meilleure amie trop bien pour elle, illusions amoureuses de collégiennes déçues, mort soudaine de son frère qui, lui, n’avait pas peur de l’inconnu, déprime qui mérite de laisser tomber ses études pour avoir un enfant, etc., le tout revécu à la manière d’une chambre de torture nostalgique, culture populaire vintage incluse.
« Cesse-t-on de vouloir ce que l’on a ardemment voulu à vingt ans? »
***
Tout d’abord, la robe du livre est efficace, plus que limpide : salon vieillot sur fond bleu froid et balayé d’un orangé blessant, à la luminosité et aux contrastes rehaussés pour donner un aspect émaillé par les ans. Les meubles travaillés et les motifs floraux annoncent déjà les confidences douloureuses d’une femme embrouillée, refermée sur elle-même et qui laisse rarement la porte de son cœur ouverte aux visiteurs.
L’œuvre, très personnelle, relève quelque peu de l’autofiction (lieux d’origine de l’auteure), l’écrivaine étant à l’instar du personnage principal originaire d’Amos et ayant grandi également à Montréal. Un petit détail, cependant : Fanny Britt est diplômée et vit de sa passion alors que Tessa se morfond entre ses contrats de vente et l’expo-science d’une école primaire, essayant de rapatrier les fragments de sa triste vie…
Ce portrait de femme moyenne, névrosée, plongée dans des problèmes analogues à ceux de madame-tout-le-monde, est plongée corps et âme dans une mélancolie égocentrique. Le lyrisme est indélogeable de ce texte, élément qui doit sans aucun doute plaire au type de lecteur visé par l’auteure, recherchant des drames intérieurs entre les quelques 200 pages en gros caractères, et qui se consomme rapidement, comme un téléroman. La féminité à fleur de peau déborde des pages.
Le style sensible et cynique de ce roman facile à lire nous fait entrer dans l’intimité d’une femme qui semble n’avoir jamais véritablement l’âge adulte, toujours renfrognée sur ses malheurs qu’elle entretient comme des joyaux. Elle souhaite visiblement avoir mal, elle cherche la souffrance, et tous les moyens sont bons pour être malheureuse. Complexes féminins, loi à sens unique, divorce de ses parents alors qu’elle avait à peine conscience du monde environnant; tout est sujet à tristesse. Une crise d’adolescence à retardement, ou plutôt la marque indélébile de la trentaine sur l’être humain?
Hommages mouillés à « l’Homme-qui-a-tout-changé-et-nous-a-révélé-à-nous-même.».
Mais le temps fuit, et la jeunesse se perd…Et la nostalgie arrive au galop, véritable drogue pour Tessa.
***
Le texte est actuel, typiquement romantique, et d’un niveau de langue standard, incrusté de touches de populaire et de familier pour accentuer les émotions d’une âme émotionnellement instable et émotive…Oui! Que d’émotions! On en mange, on s’en gave jusqu’à en avoir la nausée.
Ce livre donne malheureusement le sentiment d’être le journal intime d’une tante trop plaintive en plein délire nostalgique. Le personnage irrite de plus en plus qu’avance la lecture au point où on voudrait lui crier de grandir un peu.
Tous les propos d’un bon roman féminin sont là, certains lecteurs n’auraient tout simplement pas la patience nécessaire pour s’attacher au personnage.
Néanmoins, au dénouement, le récit tend à racheter l’atmosphère juvénile et larmoyante présente dans la majeure partie du roman avec un sens logique qui tombe à pic. Sans ce revirement de situation, Les Maisons ne me serait apparu qu’une justification, encadrée par le thème du féminisme et bourrée d’excuses et de sophismes, de femmes qui refusent tout simplement les conséquences de leurs choix antérieurs.
Oui, la remise en question de notre cheminement et de nos valeurs est un exercice existentiel nécessaire chez tout individu, mais il ne faut pas dérailler, au risque de tomber dans un Alzheimer choisi par vanité. Seize ans à se remémorer un amour physique qui eut tôt fait de se consumer est ridicule.
Et si les dernières pages de ce roman contiennent délibérément ce message, alors je peux peut-être – quelque peu – pardonner tout le mélodrame imaginaire qui réveille en moi le mépris.
Leonard Cohen est mort tout comme tes illusions, désolé Tessa.
Référence bibliographique : BRITT, Fanny. Les maisons, Montréal(Québec), Le Cheval d’août, 2015, 236 pages.
Suivez-nousPartager