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Le jeu de la mort
Elle est là
M’observe tel un enquêteur sur une scène de crime
Elle me suit partout
Ne me lâche pas d’un centimètre
Comme un chiot qui nous a pour seul repère
Elle me hante, me tourmente
Comme si j’étais le suspect principal d’un meurtre
J’ai peur
Elle se rapproche toujours
De plus en plus
Elle est si proche que j’ai peine à avancer
J’ai la mort au cul
Elle me tire vers elle
M’asperge de noir
Je ne vois plus rien
Il fait sombre et j’ai froid
Mes idées en sont embrouillées
Je commence à la croire
Cette réalité me fait mal
Terriblement mal
J’ai envie de vomir
Mon corps tremble
Je suis étourdie
J’ai envie de crier
De m’arracher les poumons
J’ai une boule de feu dans l’estomac qui bloque tous les autres sentiments
Elle est si jalouse
Elle s’amuse à m’isoler afin d’atteindre son but
Elle me rend vulnérable
Je suis faible
Elle a presque réussi
Je n’ai plus beaucoup de vie
Je l’ai apprivoisée
Son but est aussi le mien
Je sais que je pourrai bientôt mettre fin à mes souffrances
Grâce à elle
La vie ne me fera plus chier
La vie est rendue si lourde
J’ai peine à avancer
Mes jambes n’ont plus de force
J’essaie de ne pas tomber malgré tout
Je reste debout
Et je laisse ces vagues monstres me frapper
Elles me ramassent
Je n’ai plus d’air
Je sens qu’on m’étouffe
Ma tête tourne
Je sais que je vais tomber
Je ne me bats plus
La prochaine vague
Je vais la laisser me ramasser comme il faut
Je la vois qui s’en vient
Elle est énorme
Mais je n’ai pas peur
Je suis prête
Et puis…
La mort m’a gagnée !
Mon dernier souffle
Mon corps me fait mal
Il me fait souffrir
Ça me brûle
J’ai de la braise dans le fond des poumons
Je ne peux plus bouger
À chaque fois j’ai l’impression qu’on m’arrache un membre
J’ai mal comme si on avait passé mon corps au laminoir
Et qu’on l’avait déchiqueté
Ça fait mal
Mais j’essaie de garder le sourire
Mes heures sont comptées
1,2,3…
J’ai une horloge qui tourne dans ma tête
Je peux entendre son tic-tac
Ah non c’est vrai
C’est parce que je suis branché à cette machine
Maudite machine
La machine qui annoncera ma mort à tous
Tout le monde l’attend
Personne n’ose quitter mon chevet
De peur que la mort me surprenne en leur absence
J’essaie de résister malgré tout
Mais au fond je sais bien que c’est de l’énergie perdue
Perdue pour toujours
Cette énergie ne sert plus à rien
De toute façon la machine fait tout à ma place
Même respirer…
Mon dernier souffle je le sens arriver
Ça me fait de plus en plus mal
Mais je suis trop malade pour m’y attarder
Je ne pense plus à demain
Puisque plus jamais il n’y en aura
Du moins, pas avec moi
Je n’ai plus d’avenir
La maladie me l’a enlevé
Elle a tout effacé
Même moi
Dans quelques heures je n’existerai plus
Toute l’énergie que j’ai dépensée à travailler
À étudier
À faire ce qui était le moins important
Je n’ai pas l’impression d’avoir profité de la vie
Si j’avais su que la mort me préparait un << surprise>>
J’aurais peut-être essayé de profiter des vraies choses de la vie
Les moments passés avec ma famille
Je n’en aurai plus
C’est fini
Mon dernier souffle arrive
Comme le trampoline lorsqu’on saute d’un immeuble en feu
C’est triste
Mais ce sera soulageant
Comme un diachylon qu’on arrache d’un coup
C’est épeurant et ça fait mal
Mais quand c’est fini ça fait du bien
J’imagine que c’est ce que je vais ressentir
Il est là je le sens
Je le laisse courir en moi
Dans ma gorge et dans mes poumons
Je n’ai plus peur
Je sais que je peux partir maintenant
Je ferme doucement les paupières
Serre la main de ma fille
Prends une dernière petite très petite inspiration
Puis je sens mon âme s’envoler
Elle monte de plus en plus
Et moi je fais ce qu’il ne faut pas faire
Je regarde en bas
Ma main est encore accrochée à celle de ma fille
Elle me tient si fort
Comme si elle essayait de me retenir
La machine de la mort m’annonce
Elle pleure toutes les larmes de son corps
Elle est penchée sur moi
Et me sert fort
J’ai envie de rester à la regarder
Pour me rassurer
Pour la rassurer elle
Mais on me tire vers le haut
Je pars
Et je laisse dans le deuil
Ma fille
Ma vie ordinaire
J’ai une vie bien ordinaire
Avec une femme extraordinaire
Des enfants tout aussi extraordinaires
Et une maison qui me remplit de fierté
J’ai travaillé si fort pour avoir tout ce que j’ai aujourd’hui
J’ai passé des années à étudier
Les heures de sommeil perdus
Les fins de semaine à laver la vaisselle d’un restaurant
Les amis qui se sont éloignés par mon manque de temps
Eh bien ! Cette maison c’est ce qu’elle m’a coûté
C’est pourquoi j’en suis si fier
Aux yeux de tous j’ai une vie bien ordinaire
Mais à mes yeux j’ai une vie extraordinaire
Pour l’instant j’ai accompli mes rêves de jeunesse
J’ai toujours dit que je voulais une femme, des enfants, une belle maison, le travail de mes rêves
Et j’ai tout ça
J’ai encore des rêves
J’ai envie de voyager
Voir mes enfants réussir à l’école
Les voir accomplir leurs rêves à eux
Être grand-père
Être auprès de ma femme jusqu’à la fin
Avoir une belle retraite
Je veux accomplir tous mes rêves et je n’en suis qu’au début
De toute façon j’ai toute la vie devant moi
J’ai tout ce temps pour réaliser mes rêves les plus fou
Pour l’instant je ne manque de rien
Tous les soirs quand je reviens du travail
Je suis fatigué
Mais heureux de revenir chez moi
Comme un chien lorsqu’il voit son maître arriver
J’ai hâte d’aller embrasser mes enfants assoupis
D’aller rejoindre ma femme déjà couchée
C’est ce qui me rend heureux
Mais ce soir c’était différent
J’étais plus fatigué
Encore plus hâte de revenir à la maison
Je ne pensais qu’à ça
Et puis…
Bang!
Plus rien
Un lourd silence s’installe
Un silence bruyant
J’ai envie de crier mais j’en suis incapable
Je suis capable de rien faire
J’entends crier autour de moi
C’est ma femme que j’entends
Mes enfants aussi sont là
J’étais rendu chez moi
Je me suis endormi avant de m’être étendus
C’est fini
Je le sens
Ça me brûle dans les poumons
J’ai mal
J’étouffe
J’ai l’impression d’avoir été écrabouillé par un camion lourd
J’ai mal comme si tous mes os avaient été broyés
Je le sais qu’il n’y plus rien à faire
Je suis médecin
Je le connais le diagnostic
Je suis mort
Toute ces années à travailler
N’ont servi à rien
Ma maison ne sert plus à rien
Le plus cher que j’avais c’était ma femme et mes enfants
Je croyais avoir toute la vie devant pour réaliser mes rêves
Mais je n’ai plus de vie
Plus de rêve
Plus rien
C’est fini
Je n’avais pas une vie ordinaire
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