Quand les corps parlent… Josephina au Centre des arts… par Katy Ferron

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            Il est possible de rester bouche bée après avoir été spectateur de la pièce de théâtre Joséphina même si les deux comédiens sont plutôt silencieux. En effet, ses deux créateurs, qui jouent aussi sur scène, Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux, ont plutôt misé sur le langage corporel pour construire le récit d’un couple. Leur public voyagera par la musique et par les postures impressionnantes que prendront les deux personnages.

            Dans un petit appartement, un homme, Alfredo, est apparemment seul sur une chaise. Cependant, il ne faut que quelques minutes pour s’apercevoir qu’il y a quelqu’un d’autre avec lui, une femme : Joséphina. Est-elle réellement là? Est-ce qu’il s’agit plutôt de la femme que voudrait cet homme? L’histoire ne nous le dit pas. Malgré tout, elle est omniprésente dans sa vie. C’est par le cauchemar, les disputes et les souvenirs amoureux que l’on peut devenir témoin du récit passé ou rêvé de l’homme.

Tout cela commence alors qu’il épluche des oignons sur sa fidèle chaise. Derrière elle se trouve cette mystérieuse femme à tout faire. Elle lui sert le café, lui tourne la page de son roman, lui tient sa chemise pendant qu’il en prend une autre, lui rapproche une petite table. Elle arrose même ses plantes alors qu’elle est sur ses épaules pendant qu’il se sert autre chose. C’est pratique, mais surtout humoristique! Pendant qu’elle n’a rien d’autre à faire, elle est derrière lui et passe ses jambes à travers les barreaux pour former avec l’homme un tableau digne des peintres surréalistes. Elle fait pratiquement partie du mobilier tout en restant en symbiose avec ce personnage solitaire. Elle est même sa guitare, placée en oblique, sur laquelle il joue. Ensemble, en symétrie, ils forment une paire presque inébranlable et irréprochable, ce qui rajoute une certaine sensualité à la présentation de la compagnie belge ChaliWatÉ.

Malgré l’homogénéité du couple, certains moments de l’heure passée sur la scène sont plein d’agitation. Un cauchemar bouleverse la situation calme et paisible, qui remplissait jusqu’alors la salle de spectacle. Joséphina, qui porte la voix de la narratrice, raconte le mauvais rêve d’Alfredo tout en représentant physiquement tous les objets présents à l’intérieur. Des souliers qu’il enfile – elle se place sur ses pieds pour les représenter – jusqu’à la porte en passant par le vase éclaté où elle se laisse jeter par terre et par le vent, qui empêche le personnage masculin d’avancer, elle incarne tout ce qui empêche celui-ci d’arriver à connaître la fin de son rêve. La porte est verrouillée, il accroche ce vase et le vent le ralentit. Un peu plus tard, Joséphina refait ces mêmes gestes, mais sur d’autres paroles, ce qui donne une touche d’humour au récit initial, qui était plutôt tragique.

Bien sûr, leur histoire n’est pas seulement rose. Des disputes entrecoupent la danse sensuelle et les contorsions impressionnantes réalisées par Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux. Dans la cacophonie infernale du sèche-cheveux en marche et de leurs cris stridents, le réalisme de leur chicane en est bouleversant. Cela est à ce moment que les oignons, soigneusement coupés par Alfredo au début de la pièce gestuelle, ont été lancés dans un excès de furie. L’odeur jouait certainement un rôle dans l’intention des auteurs. Serait-ce pour rendre, aux yeux du public, leur relation amère et putride. Pendant ce temps, ils s’exprimaient tous deux dans leur propre langue. Nul doute que personne ne comprenait réellement ce que disaient les deux personnages lors de cette dispute. Au contraire, cela amplifie la querelle et la rend plus violente. Tout au long de la pièce de théâtre, les mots ont été escamotés volontairement tout comme dans leurs disputes. Les propos sont presque absents. Ce qu’il faut en retenir, c’est que le réel langage utilisé dans Joséphina est universel. Il s’agit de l’ébullition de deux corps, la passion, l’amour et le désir. Malgré tout, la mise en scène de Katya Montaignac n’aurait pas pu donner le même résultat sans l’appui de la musique espagnole. Elle rendait le tout plus sensuel et accompagnait à merveille le couple par son rythme langoureux.

Même si le récit n’est pas totalement clair et chronologique dans la tête des spectateurs en sortant de la salle présentant Joséphina, l’important était leur jeu, leur proximité et leur complicité. Il va sans dire que l’on peut savoir qu’Alfredo aura vieilli aux côtés de cette femme toujours mystérieuse. Est-ce le souvenir d’un couple brisé? Est-ce le fantasme d’Alfredo? Tout ce que l’on peut savoir, c’est que Joséphina est tout pour lui.

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