Regard passé

Suivez-nousFacebookby featherSuivez-nous
PartagerFacebooktwitterpinterestlinkedintumblrby featherPartager

J’ai la tête dans les cumulus, le cœur vaporeux, les yeux voilés et les bras croisés. J’avance prudemment les pieds dans les mêmes bottines délassées, éraflant ma fleur de peau en tombant. Je courbe rarement le dos, mais l’éternelle existence m’empoigne très souvent pour faire face au vent. Mon corps rougi par ces froides rafales d’avenir ne demande qu’à se recroqueviller dans la chaleur du présent, et d’y rester. Je suis ainsi faite: la tête et les pieds prêts pour une longue route, mais le cœur et l’âme tremblante devant le sentier inconnu. Mon enveloppe extérieure paraît fabriquée de fonte trempée d’un caractère de roche, mais je ne suis à l’intérieur qu’une étoffe de soie qui se rompt aisément sous l’acharnement d’ongles acérés. Et ceux qui tenteraient de me cerner trop facilement se heurteront au front qui entoure ma tête. Ma langue incapable de tourner sept fois peut produire une quantité de mots acides, que ma voix se fera un plaisir de divulguer. Et regretter. J’ai l’air d’avoir des jambes de fer capables d’escalader des montagnes, mais elles sont faites de coton qui ne veut que se prendre à mon cou. Mais j’avance, un orteil devant l’autre, même si mes talons, eux, voudraient tourner. Mais je ne me retourne pas. Présente d’esprit, mais pas de cœur, parce que mon cœur, il est ailleurs. J’ai dans mes poches des paquets de joie bien ficelés qui seront bientôt déballés. Mes épaules sont chargées de rayons de soleil capables de me garder au chaud devant la froideur du futur en m’enlaçant d’une lumière réconfortante. Mais toute cette énergie ne fait pas le poids contre l’insurmontable peur du changement. Je m’arrête. Les bottines remplies de béton, cheveux fouettant mon visage, pieds et poings liés, je ne peux plus faire un pas. Je suis ligotée au bord d’un précipice qui n’attend qu’une main pour pouvoir m’avoir tout entière. Je ne peux plus être face au présent. Le visage maquillé d’expressions mal cachées, j’ai les yeux remplis de larmes sèches qui demandent à mes mains de les essuyer avec rage. J’ai la gorge torturée de nœuds qui ne peut se déployer sous les rires. Je n’aurai pas le choix. Le vent hurlant me force à me retourner. Je trébuche en faisant demi-tour, mes genoux se prosternant devant cette force sans nom. Ça y est, j’ai perdu la bagarre. Me voilà qui regarde vers l’avant.

Suivez-nousFacebookby featherSuivez-nous
PartagerFacebooktwitterpinterestlinkedintumblrby featherPartager

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *