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Rencontre féérique
C’est d’un pas décidé que je me rendis à la petite clairière derrière ma maison, le vieux livre de Jules Verne Voyage au centre de la terre sous le bras. Ma mère me frustrait, tous les stupides adultes me frustraient. Personne ne me prenait jamais au sérieux sous prétexte que je n’avais que dix ans, sous prétexte que j’étais seulement un enfant. Pourtant, je ne mentais jamais! Je disais toujours, toujours la vérité, mais pour eux je racontais des histoires, pour eux j’avais une imagination débordante. Méchants parents, j’étais une gentille enfant!
Finalement arrivée dans la petite prairie entourée d’arbres, je m’étendis le dos contre les longues herbes et ouvrit mon livre. Je n’avais pas lu deux mots qu’une douce brise fît tourner les pages et trembler les feuilles des arbres. Je m’assis brusquement et repoussai mes cheveux de mon visage lorsque mes yeux se posèrent sur un buisson à quelques pas de moi, qui continuait à trembler malgré le fait que le vent avait disparu.
Je fixai le buisson curieusement. Pourquoi continuait-il à trembler ainsi? Peut-être y avait-il un des mignons petits chats de la voisine cachés derrière.
« Oh hé? Minou, minou? », appelai-je sans trop d’assurance. Je doutais grandement que s’il y avait bel et bien un chat caché dans le buisson, il me répondrait.
Pourtant, j’aurais pu jurer entendre un bruit, un tout petit bruit, mais bien un son qu’aucun buisson n’aurait pu faire. Mes mains serrèrent plus fort le livre, le tenant comme un bâton pour faire office d’arme. Y avait-il un animal caché dans le buisson? Et si c’était un animal sauvage? Un animal dangereux? Ou même un monstre comme ceux qui se cachaient sous les lits ou dans les garde-robes pour attaquer les enfants durant la nuit?
J’étais sur mes deux jambes en un instant et le buisson semblait trembler de plus belle. Oh non, l’animal allait me dévorer toute crue! Je poussai un petit cri et lançai mon livre de toutes mes forces vers la masse de feuilles vertes.
Pendant un moment, plus rien ne bougea. C’était comme si le temps s’était arrêté et retenait son souffle comme je retenais le mien.
Et là : « BOUM! »
Dans ce qui ressemblait étrangement à l’explosion d’un pétard, une petite créature ailée, minuscule, qui avait la forme d’un humain, des oreilles pointues et qui semblait briller, apparut. Une fée. Une vraie de vraie fée. Elle se tenait devant moi, je ne pouvais pas en croire mes yeux! Une fée comme Clochette dans Peter Pan. Mais cette fée ne semblait pas gentille. Pas gentille du tout. Elle me regardait d’un air sévère, comme celui de maman lorsque je brise un de ses bibelots.
« Tu as tué ma sœur! La condamnation est la mort! », hurla-t-elle me pointant du doigt.
Sur ces mots, une dizaine d’autres fées apparurent autour d’elle portant toutes le même masque de haine, et virevoltèrent autour de moi, planant au-dessus de ma tête, me frappant au visage, me mordant même aux bras et aux jambes.
Poussant des cris de terreur, je m’enfuis, donnant des grands coups de bras autour de moi pour me défendre, abandonnant mon livre derrière. Au diable le livre!
Je courus plus vite que l’éclair jusqu’à la maison, appelant ma mère.
La seconde où je vis sa silhouette, je braillai : « Maman! Au secours! Des fées veulent me tuer! »
Ma mère ne faisait que me sourire et répondit : « Qu’as-tu encore imaginé Jasmine? »
« Mais maman, je te le jure, c’est vrai! Il y avait une fée et je l’ai écrabouillée avec mon livre! Ses amies fées me l’ont dit et elles veulent me faire du mal! »
Ma mère me regarda d’un air un peu découragé et soupira un : « Jasmine… »
Je la suppliai : « Maman! Viens voir si tu ne me crois pas! »
Ma mère accepta donc de me suivre et je lui expliquai toute la situation. Je me cachai derrière elle jusqu’à ce que nous rejoignimes la clairière et, arrivée là, je me cramponnai encore à sa manche, le visage appuyé contre son dos.
« Là, juste là » murmurai-je, en pointant vers le buisson.
Ma mère, soupira, fit quelque pas, se pencha et ramassa mon livre.
« Ma chérie, tu as lancé ton livre dans un nid d’abeilles, c’est normal qu’elles soient sorties pour se venger. »
« Mais maman, je te le jure, ce n’était pas des abeilles! C’était des fées! »
Ma mère ricana et me tendit sa main : « Allons, rentrons à la maison, avant que tu imagines une licorne cachée derrière un arbre. »
J’étais furieuse qu’elle ne me prenne pas au sérieux encore mais abdiquai. Mes parents devaient toujours avoir raison. Je pris la main tendue de ma mère ainsi que mon livre… mon livre brillant d’un vert éclatant me rappelant celui des fées qui m’avait attaquée, comme celui de la fée que j’avais écrasée…
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